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Niger : Pressions sur la presse

Publié le mercredi 2 juillet 2008 à 10h53min

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Moussa Kaka

Les autorités nigériennes ont une compréhension tordue du travail de la presse. Elles suspectent en permanence les hommes de médias de mener des activités subversives avec leurs plumes, caméras et micros. Parce qu’ils donnent la parole à des opposants, révèlent des faits gênants ou ont un langage différent du discours officiel, ils ne font pas bien leur métier.

Au contraire, pour le pouvoir, les journalistes doivent épouser la vision du gouvernement. On est en plein dans un système où la méfiance est de règle, comme chez la plupart des régimes africains. Ainsi, alors que Moussa Kaka n’en finit pas de croupir en prison, le gouvernement vient de décréter la fermeture de la Maison de la presse. Motif invoqué, la maison entretiendrait une "collusion avec des intérêts français et américains". En attendant d’en savoir plus sur la nature de cette "collusion", force est de constater que là encore, on n’est pas loin d’un mauvais procès fait à la presse. Cette situation résulte d’une aberration africaine : les pouvoirs publics veulent contrôler la plume des journalistes et les activités qui se mènent au sein des maisons de la presse. Ils croient disposer d’un tel droit à cause du financement par l’Etat de ces institutions. Il s’agit d’ une grave atteinte à la liberté de presse. Mais au Niger, on n’en a cure, parce qu’on confond l’argent public avec la caisse noire du président ou de son parti.

Pour le régime nigérien, autant donc imposer ses vues aux partis politiques et aux syndicats qui, eux aussi, bénéficient de subventions publiques.

Non, le gouvernement de Niamey mène un combat d’arrière-garde, dans un monde globalisé, où les nouveaux supports de communication sont à l’abri de la caporalisation. On ne peut plus bâillonner aussi aisément la presse. La seule justification que l’Etat nigérien est en droit d’exiger des organisations de journalistes, est d’ordre comptable. Autrement dit, l’utilisation des fonds doit être irréprochable. Mais tant que les journalistes respecteront l’éthique et la déontologie, aucune entrave ne devrait être faite à leurs activités.

Cette nouvelle crise intervient sur fond de poursuites judiciaires contre l’ancien premier ministre Hama Amadou pour détournement de fonds destinés à la presse. Le gouvernement veut, dans cette affaire, montrer qu’il tient à la bonne gestion des deniers publics et qu’il défend les intérêts de la presse. Si c’est vrai que les autorités aiment les journalistes, pourquoi, paradoxalement, fermer leur maison ? Visiblement, Niamey se perd dans des contradictions qui révèlent en réalité son aversion pour une presse libre et indépendante.

La première leçon qu’il faut tirer de ces nouveaux déboires de la presse nigérienne, c’est que des combats demeurent inachevés pour une expression réellement libre des médias. Mais il faudra d’abord que les hommes de médias eux-mêmes prennent conscience de la nécessité d’entretenir la solidarité confraternelle. Dans l’affaire Moussa Kaka, les journalistes nigériens ont malheureusement présenté un visage divisé. C’est à peine si certains de ses "confrères" ne jubilaient pas de voir le correspondant de RFI et de RSF en prison. Or en matière de défense de la profession, il faut se départir de ses accointances politiques, pour ne voir que l’intérêt général. Car une presse libre, c’est aussi des dirigeants et une classe politique plus responsables. La démocratie, dès lors, ne s’en porterait que mieux.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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