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Vie chère : Booster la production nationale, seule alternative viable

Publié le mercredi 2 juillet 2008 à 11h12min

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La question de la vie chère est le sujet qui est sur toutes les lèvres aujourd’hui tant son acuité a une emprise sur les différentes couches des populations et ce, à travers les pays et les continents.

Les nations nanties n’y échappent d’ailleurs pas, elles dont les producteurs de blé, d’orges et autres céréales ont fortement diminué et dont les stocks de sécurité alimentaire sont pratiquement entamés. Cette situation aurait amené ces pays à connaître une hausse sensible des prix des produits de première nécessité. Ainsi la simple baguette de pain, nourriture de base du Français moyen, est passée de 0,70 à 0,80 euro. Le litre de lait, lui, serait passé de 6,5 à 7,5 couronnes dans les pays du Nord. Et pourtant, ce sont des pays qui sont à un stade avancé de la mécanisation agricole et qui sont passés depuis très longtemps du stade de l’agriculture de subsistance à l’agro-business dont les méthodes de travail impliquent une forte mécanisation ; ce qui leur permet une productivité soutenue.

Ces derniers n’ échappant pas à la récession, il va s’en dire que la situation sera dure dans les pays du Sud dont les économies fortement extraverties sont dépendantes du Nord. On comprend alors les conséquences des éternuements du Nord sur les rhumatismes africains de l’économie avec la flambée des prix des denrées de première nécessité qui a conduit à des violences avec les conséquences sociales et politiques. Dans ce contexte, il est tout évident qu’il y a une nécessité à reconsidérer des comportements et des habitudes de consommation devenus à la limite culturels.
Ces changements sont impérieux et en dehors de toute réévaluation, nul doute que la situation pourrait empirer.

L’incontournable solution dans les pays au sud du Sahara est d’accroître la productivité et d’enraciner les populations dans une politique de consommation "nationale". Cela veut dire que les Africains devront consommer ce qu’ils produisent désormais. Cela veut dire que les Africains doivent produire davantage car une des origines de la crise alimentaire en Afrique c’est que les Africains ne consomment pas ce qu’ils produisent et leur propre production ne suffit pas à nourrir l’ensemble de leur population. Il va s’en dire qu’à côté de tous ces efforts, les Africains devront changer eux-mêmes en matière de comportement alimentaire car pour beaucoup, l’acculturation est également alimentaire et beaucoup de bouches restent suspendues au biberon culinaire de l’Occident conçu comme un modèle et une source d’approvisionnement.

Produire ce que nous consommons, c’est de manière lucide reconnaître les limites de l’actuelle pratique de l’agriculture de subsistance juste bonne à nourrir quelques familles quelques mois dans l’année avec des périodes de soudure pénibles.
Il faut aussi que les Africains changent leur type de production. Et le premier réflexe en la matière est de mécaniser l’agriculture, d’organiser la paysannerie de sorte qu’elle soit à l’avant-garde des transformations populaires afin de contribuer à un mieux-être des populations. Car on ne peut indéfiniment poursuivre la quête de l’autosuffisance alimentaire dans l’archaïsme. Il faut un autre type d’organisation de la production.

Mais, il faut également une nécessaire rédemption en matière d’habitudes alimentaires. Par exemple, le riz que les Africains affectionnent particulièrement, s’ils veulent continuer à le consommer, ils devront le produire eux-mêmes. En effet, comment comprendre qu’un pays comme le Nigeria baigné par le fleuve le plus long de l’Afrique de l’Ouest avec de grandes capacités agricoles que pourraient booster les dividendes du pétrole soit encore à importer une grande quantité de riz pour nourrir sa population ? Sans risque de nous tromper, le Nigeria serait le premier pays importateur de riz au monde. Et sa population compte parmi les douze (12) pays les plus peuplés au monde.

On voit donc que le défi est immense pour les Africains, surtout ceux au sud du Sahara dont la vie chère n’est qu’à ses débuts parce que les choses devront se corser si les mesures énergiques ne sont pas prises au-delà des mesures institutionnelles.
Non seulement ces pays devront produire mais ils devront également améliorer leurs techniques de transformation des produits d’agriculture par l’introduction de technologies appropriées. Le pari n’est pas impossible ; il n’est que de voir l’exemple patent du Vietnam. Quatrième exportateur de riz au monde dans les années antérieures, il en est devenu le deuxième exportateur aujourd’hui. Ce n’est plus ce pauvre petit pays qu’on regardait d’en haut, par condescendance.

Le Burkina n’est pas loin de lui ressembler dans quelques domaines dont notamment celui du coton où il est passé de la zone d’ombre aux premières loges de la production cotonnière en Afrique.
Pour réussir cette ambition, il convient de donner toute sa valeur à l’ excellence, à repositionner les chercheurs comme la cheville ouvrière du développement, en étant nous-mêmes les premiers producteurs et les premiers consommateurs de nos propres produits. Pour ce faire, il n’est pas superfétatoire de songer à l’institution d’états généraux de l’agriculture et l’émergence d’une nouvelle race d’agriculteurs plus outillés techniquement et culturellement face aux grands enjeux des sociétés d’aujourd’hui.

L’ augmentation des prix devait être perçue comme une opportunité pour accroître les revenus des pays en développement et à travers celui des producteurs dans le but de diminuer la pauvreté. N’étant pas préparés à affronter une pareille crise, nous la trouvons terrifiante. Les solutions à court terme prises par nos Etats de supprimer certaines taxes, nous le constatons, n’ont que des impacts relatifs sur les consommateurs. Les dizaines de milliards consentis comme efforts pour juguler la crise doivent être à moyen et long termes, investis dans l’acquisition de moyens de production et à la mise en place de petits crédits agricoles à intérêt mineur.

Si les producteurs cotonniers, malgré la crise mondiale du coton, continuent de produire, c’ est parce qu’ils ont cette possibilité de bénéficier d’intrants sous forme de crédit leur permettant d’optimiser les rendements. Ce sont des politiques stimulatrices qui incitent à la production. Que gagnent nos gouvernements si leurs peuples meurent de faim ? Nos Etats existent à travers leurs populations. Le chemin semble long mais qu’on se persuade que l’effort, le courage et la détermination donneront toujours raison.

E.L Agronome

Sidwaya

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