En effet, le très controversé second tour à peine bouclé, voilà que le dictateur zimbabwéen, autoproclamé vainqueur, a été investi hier dimanche. C’est donc un chef d’Etat fraîchement "élu" qui, dans la soirée, s’est envolé de Harare en direction du Caire, où, c’est du moins ce que l’on espère, il sera attendu de pied ferme. Déjà, vendredi, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères, le Gabonais Jean Ping, nouveau président de la Commission déclarait attendre le Sommet pour "faire des déclarations importantes sur le Zimbabwe".

Ainsi, de la même manière qu’en janvier dernier la crise kenyane s’était invitée à la précédente rencontre, éclipsant "le développement industriel de l’Afrique", l’actualité brûlante au pays de Robert Mugabe ravira la vedette à "l’eau et l’assainissement dans les objectifs du Millénaire", thème de la conférence.

Après le retrait forcé de son challenger, Morgan Tsvangirai, et malgré la réprobation quasi unanime du second tour de vendredi dernier par la communauté internationale. Robert Mugabe entend bien se présenter devant ses pairs, auréolé de la pseudo-légitimité que lui aura procurée une investiture si rondement menée. S’il est certain de ne plus avoir droit à une standing ovation contrairement à ce qui s’est passé lors de précédents sommets, l’homme fort d’Harare devrait, pour une fois, se retrouver sur la sellette.

Reste à savoir si les chefs d’Etat africains réunis sur les bords de la mer Rouge auront entendu l’appel lancé vendredi, par le leader de l’opposition, à ne pas reconnaître le résultat d’un second tour organisé par "une dictature désespérée en quête de légitimité".

Cette supplique, il faut le rappeler, a déjà trouvé un écho favorable en Occident, où cette prise de pouvoir a unanimement été dénoncée comme une "imposture". De même, la Maison-Blanche, indignée, a promis de nouvelles sanctions contre "le gouvernement illégitime du Zimbabwe".

La question se pose dorénavant aux chefs d’Etat africains réunis pour deux jours sur les bords de la mer Rouge, dans le cadre paradisiaque de Charm-el-Cheick, ancien village du Sinaï, coincé entre la mer, le désert et la montagne. La célèbre station balnéaire accouchera-t-elle d’une résolution des plus fermes, dénonçant, à l’instar de la communauté internationale, le coup de force, ou se contentera-t-on d’une tape sur la main du fautif, histoire de ne pas trop contrarier le plus vieux chef d’Etat d’Afrique ?

En route donc pour l’Egypte, Robert Mugabe ne s’attend sûrement pas à subir les critiques virulentes de ses pairs, lui qui, ayant connu l’époque de l’OUA, syndicat de chefs d’Etat, considère, comme certains, que les sommets de l’Union Africaine ne sont que des clubs de discussions et, à l’occasion, de villégiature.

C’est sans doute ainsi que le dictateur "fraîchement réélu" entend profiter de son séjour égyptien, faisant fi des nombreuses critiques. Il aura, en effet, besoin de souffler un peu après avoir eu recours à la "débauche de violence", que l’opposition n’a pas cessé de dénoncer.

Ainsi, après avoir bâillonné son peuple, afin de lui ravir les insignes du pouvoir, le dictateur zimbabwéen se présente devant ses pairs, en quête d’une légitimité mal acquise, mais que les "déclarations importantes sur le Zimbabwe", envisagées vendredi par la conférence des ministres des affaires étrangères, ne remettront sûrement pas en cause.

Alors, même s’il est vrai que "bien mal acquis ne profite pas", "l’imposture" d’Harare a peu de chance d’être punie à Charm- el-Cheick, un petit coin de paradis où une splendide suite à été réservée au nom de Bob le terrible.

La rédaction

L’Observateur