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Bastonnade de journalistes : Wade a déréglé le Sénégal

Publié le jeudi 26 juin 2008 à 13h26min

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Le Sénégal, terre d’hospitalité, commence à devenir un enfer pour les journalistes. Pour avoir donné le ton en traitant les journalistes de tous les noms dès sa réélection, le président Abdoulaye Wade a ouvert la voie à une véritable chasse aux sorcières. Si le président lui-même insulte des journalistes et les fait emprisonner, ce ne sont pas ses sbires qui s’en priveront.

C’est comme si un feu vert leur est donné. Cette culture de la violence ne s’exerce pas que sur les hommes de média. Elle englobe toutes les sphères de l’Etat. Les hommes politiques notamment en savent quelque chose. Et même au sein de la famille présidentielle, il vaut mieux se garder de contrarier le vieux chef. Idrissa Seck, l’ex-Premier ministre et Macky Sall, le président de l’Assemblée nationale, pour ne citer que les plus illustres d’entre les membres du PDS (Parti démocratique sénégalais), ont tous subi les foudres de Wade.

Les opposants ont aussi un traitement spécial. S’ils ne sont pas corrigés à coups de marteau ou carrément jetés en prison, ils sont entravés dans leurs activités politiques. Les manoeuvres du pouvoir pour éviter la tenue des assises du Front Siggil participent de cette volonté d’étouffer toute voix contraire. Le tsunami de la répression n’épargne pas non plus les artistes. Tiken Jah Fakoly en a été victime en décembre dernier, lui qui a eu l’imprudence de critiquer la gestion familiale du pouvoir au Sénégal : il a été immédiatement déclaré persona non grata. Il n’est pas jusqu’aux diplomates qui ne soient l’objet de représailles. Le patron de l’ASECNA a ainsi été récemment accusé de soutenir un mouvement de grève à l’aéroport de Dakar. Des menaces d’expulsion ont même été brandies contre lui.

Ce climat de terreur entretenu au plus haut niveau de l’Etat ne peut qu’encourager certaines dérives. Le passage à tabac de deux journalistes par des policiers, après le match Sénégal-Libéria, est la résultante du mépris affiché par le pouvoir contre les médias indépendants. Ainsi, la victoire de l’équipe nationale, qui aurait dû être fêtée comme il se doit, fut éclipsée par une gaffe policière impardonnable. Et comme dans des affaires d’agression précédentes, il y a peu de chance de voir celle-là aboutir à des sanctions contre les bourreaux, malgré la mobilisation des syndicats de journalistes. Le déni de justice, comme on le sait, est un ferment pour l’impunité. Un pays de tradition démocratique devrait donc s’en éloigner. Wade, en particulier, sait ce qu’il doit à la presse. Son accession à la magistrature suprême est en grande partie liée à la vigilance des médias au cours de la présidentielle de 2000. Il se montre donc amnésique en les récompensant aujourd’hui en monnaie de singe.

Les médias sénégalais ne demandent rien d’autre que la liberté d’exercer leurs prérogatives démocratiques. Certes, comme dans tout corps de métier, des brebis galeuses existent et font fi de la responsaabilité sociale propre à une profession aussi sensible. Mais de façon générale, au Sénégal, il s’agit moins de fautes professionnelles que d’une volonté d’asservir la presse. Mais comme un rempart, la presse sénégalaise, qui est un pilier de la démocratie, saura sans doute résister aux assauts de tous les prédateurs qui veulent la réduire en un conglomérat de laudateurs.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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