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Lutte contre la faim dans le monde : Le PAM, désormais une "agence d’assistance alimentaire"

Publié le jeudi 26 juin 2008 à 13h42min

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Le travail du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) ne se limitera plus aux distributions de vivres, a annoncé l’ancienne « agence d’aide alimentaire", conformément à sa nouvelle stratégie sur trois ans (2008-2011) ; le PAM se présentera désormais comme une "agence d’assistance alimentaire".

Marc Cohen, chercheur à l’International Food Policy Research Institute (IFPRI), sis aux Etats-Unis, a annoncé que le PAM évoluait peu à peu « au-delà de la distribution alimentaire, vers la facilitation de l’accés aux vivres, et ce depuis quelques années, déjà ».
Le changement de direction de l’agence a été influencé par un grand nombre de ses bailleurs, essentiellement les membres de l’Union européenne (UE), soucieux de rompre le lien entre l’aide alimentaire internationale et le soutien apporté à leurs propres agriculteurs.
« Ils encouragent de plus en plus le PAM à se procurer des vivres à l’échelle régionale », a expliqué M. Cohen.

Selon l’UE, en 2004, tous les pays développés ont versé des fonds en cash au PAM, à l’exception des Etats-Unis, premier bailleur de l’agence
Le plan stratégique du PAM met l’accent sur l’aide d’urgence vitale apportée par l’agence, mais aussi sur la prévention, l’approvisionnement local en vivres, le recours à des programmes ciblés d’allocations et de coupons lorsque des vivres sont en vente dans la région, mais à des prix inabordables pour les populations affamées.
L’agence envisagera également de mener des programmes destinés à protéger les moyens de subsistance des populations en situation d’urgence ; d’investir dans des mesures d’atténuation et de préparation aux catastrophes ; et d’aider les pays à renforcer leurs capacités en vue de l’élaboration de politiques alimentaires.
« Ce plan stratégique marque une révolution dans le domaine de l’aide alimentaire, qui permettra aux marchés locaux de briser le cycle de la faim », a indiqué Josette Sheeran, directrice exécutive du PAM, à la conclusion de la réunion du directoire de l’agence onusienne, tenue à Rome, pendant quatre jours, la semaine dernière. « Ce n’est plus l’aide alimentaire d’hier, et elle a évolué juste à temps ».

Les excès alimentaires sont rares dans les pays développés, et les réserves alimentaires mondiales n’ont également jamais été aussi peu abondantes en 25 ans, une situation qui a abouti à une hausse du prix des denrées alimentaires, à son plus haut niveau depuis les années 1970. Pendant le premier semestre de l’année 2008, le PAM achetait le blé dont il avait besoin à 430 dollars la tonne en moyenne, contre 207 dollars à la même période, en 2007, soit une hausse de 108 pour cent « La situation mondiale confirme que le PAM se dirigeait et se dirige toujours dans la bonne direction », a affirmé M. Cohen.

"Notre point d’entrée restera l’intervention en situation d’urgence », a admis David Stevenson, directeur des politiques du PAM, tout en ajoutant : "nous cherchons aussi à éradiquer la cause profonde de la faim".
Mme Sheeran a fait remarquer que dans les années 1980, le développement représentait 80 pour cent du travail du PAM et les interventions d’urgence, 20 pour cent, mais cette tendance s’est inversée et 80 pour cent des activités de l’agence sont désormais liées aux urgences. "Grâce à ce nouveau plan, dans un sens, ils cherchent à élargir leurs outils pour mettre en œuvre les 20 pour cent restants de leur engagement en faveur du développement », a commenté M. Cohen.

Stimuler les économies

Selon Mme Sheeran, l’agence cherche également à stimuler les économies des pays bénéficiaires.
« J’appelle cela notre solution 80-80-80 », a-t-elle déclaré aux membres du directoire du PAM, à Rome. « Quatre-vingt pour cent des fonds que nous consacrons à l’achat de vivres sont dépensés dans les pays en voie de développement, 80 pour cent de nos moyens de transport terrestre sont mobilisés dans les pays en voie de développement, et 80 pour cent de notre personnel est embauché en local, dans les pays en voie de développement ».
Le PAM consacre plus de deux milliards de dollars à l’achat de vivres, au transport et à la rémunération de ses employés dans les pays en voie de
développement.

« Si le PAM a initialement été créé pour permettre d’écouler les excès alimentaires des pays développés, le Programme semble désormais prêt à évoluer pour lutter plus efficacement contre la faim », a estimé Frédéric Mousseau, conseiller en politiques humanitaires chez OXFAM, une organisation britannique d’aide au développement.
L’année dernière, le PAM a consacré ses ressources financières à l’achat de 612 millions de dollars de vivres dans 69 pays en voie de développement. M. Mousseau s’est félicité de l’importance accordée à l’approvisionnement local auprès des petits exploitants, « une orientation essentielle pour faire en sorte que l’aide alimentaire favorise l’agriculture et les marchés locaux au lieu de les affaiblir, comme cela a été le cas par le passé, lorsque l’aide alimentaire servait les intérêts des pays donateurs qui souhaitaient développer leurs marchés ».

Le PAM a lancé un nouveau programme, du nom de Purchase for Progress (Achats pour le progrès - P4P), dans le cadre de son plan visant à avantager les petits exploitants et les petits commerçants, en tant qu’acteurs des économies des pays bénéficiaires, selon M. Stevenson.

Le programme P4P a été lancé au Mozambique cette année et sera déployé dans 19 autres pays sur les cinq prochaines années. Il comprend un ensemble de mesures, notamment la conclusion d’un contrat pour l’achat préalable de vivres directement auprès des petits exploitants des pays en voie de développement, assurant ainsi qu’ils aient accès à des fonds qu’ils pourront réinvestir dans l’agriculture ; la modification de la procédure d’offres pour aider les petits commerçants à être concurrentiels ; et la prestation d’une assistance technique au broyage du maïs et à l’enrichissement de la farine.

« Plusieurs initiatives de ce type ont été pilotées dans les pays, au fil des années », a indiqué M. Stevenson.
L’évolution du climat, qui a non seulement augmenté la fréquence des catastrophes naturelles, mais qui fait également planer une menace sur les réserves alimentaires, entrave également les efforts déployés par le PAM pour lutter contre les causes de la faim.

« Dans de nombreuses régions, le réchauffement climatique contribue à la destruction des moyens de subsistance, réduit le rendement agricole et menace des vies, plongeant de plus en plus de personnes dans le désespoir », pouvait-on lire dans le document stratégique du PAM. « Pour relever les défis de la faim, il faut adopter des politiques d’assistance alimentaire à multiples facettes qui permettent de traiter les questions de la disponibilité des vivres, de l’accès aux vivres et de l’utilisation des vivres ».
Selon M. Stevenson, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) continuera à mener des programmes destinés à stimuler la production alimentaire, et le PAM souhaite également renforcer ses partenariats, notamment dans le domaine des interventions face à la crise alimentaire mondiale.

Quant à M. Mousseau d’OXFAM, il a indiqué que si son organisation « accueillait favorablement » ce nouvel ensemble d’objectifs et d’activités, « nous pensons que ce nouveau plan ne devrait pas forcément se traduire par une augmentation du nombre des activités menées par le PAM, mais plutôt par une amélioration de la qualité et de l’efficacité du travail de l’agence ».

« Cette évolution, notamment dans le contexte actuel de la crise alimentaire mondiale, devrait également encourager les bailleurs à adopter une approche plus générale par rapport à la faim, et à financer des interventions plus globales qu’une simple aide alimentaire, en employant une gamme plus vaste d’instruments, et en soutenant les capacités locales nécessaires à l’établissement de filets de sûreté et au renforcement de la résilience des populations ».

Dans un article d’analyse politique publié récemment, Daniel Maxwell, maître de conférences à la Friedman School of Nutrition Science and Policy de l’Université Tufts de Boston, a préconisé de repenser l’aide. Selon lui, le nouvel ensemble d’objectifs fixés par le PAM est un bon mélange.
« C’est un pas dans la bonne direction », a-t-il estimé.
« Beaucoup de gens préféreraient que le PAM reste une agence d’aide alimentaire [et] certains en feraient même l’agence d’intervention d’urgence de première ligne des Nations unies ».

Sidwaya

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