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Congrès pour la démocratie et le progrès : Un bras de fer de mauvais augure

Publié le mercredi 25 juin 2008 à 11h13min

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L’image parle d’elle-même : dans Le Pays n°4144 du lundi 23 juin 2008 en page 1, quand Roch Marc Christian Kaboré, président du CDP, dit que "Les suspendus doivent faire leur autocritique", Oubkiri Marc Yao, du groupe des refondateurs (c’est ainsi qu’ils veulent être appelés), affirme que "nous allons mener le combat jusqu’au bout".

Le diable a donc fait irruption dans la maison et semble s’y être définitivement installé. Ce que ceux qui sont d’un tempérament modéré redoutaient risque de devenir une réalité, au regard des positions des protagonistes de cette affaire. A l’évidence, la raison a foutu le camp de la maison CDP. Chacun, pour justifier sa position, y va de son explication : mauvaise gouvernance qu’ils ont assez de vivre selon les frondeurs, indiscipline caractérisée des suspendus du point de vue des patrons du CDP.

Au fond, ces camarades depuis douze ans avaient, quelque part, décidé de se quitter. Si cela devait effectivement arriver, les deux camps ont chacun des motifs d’insatisfaction vis-à-vis de l’autre. En effet, nul peut affirmer que la gestion du parti majoritaire n’accuse pas de limites et d’insuffisances à bien des égards. Sur ce plan, Roch Marc Christian Kaboré est le premier à le savoir, qui en fait régulièrement cas dans les sorties médiatiques du parti. Alors, l’ampleur mise à part, les réformateurs enfoncent une porte déjà ouverte. S’agissant du niveau de mauvaise gouvernance dont parlent ces derniers, c’est peut-être vrai, dans la mesure où on ne peut qu’accorder un certain crédit à la grenouille qui, venant juste de sortir du marigot, affirme que le crocodile est malade.

D’un autre côté, si on s’en tient aux textes du CDP, que nous avons pu feuilleter, le comportement des réformateurs n’est pas toujours en adéquation avec les textes. Et quand la majorité des membres du BEN reconnaissent en effet l’existence de problèmes à l’intérieur du parti (autrement dit leurs propres insuffisances), les réformateurs ne reconnaissent pas que bien de leurs méthodes de lutte sont aux antipodes des textes auxquels eux-mêmes adhèrent, s’ils n’en ont pas été les rédacteurs. Quand ils se permettent de le reconnaître, c’est pour tout de suite justifier cela par le manque de démocratie interne.

Les ex-communistes sont plus inhumains avec les leurs qu’avec les "réformistes"

Certes, nombre de récriminations faites à la direction du CDP ne manquent pas de pertinence, même si, en fonction de la posture de chacun, il peut soit approuver, soit réprouver les méthodes utilisées par les réformateurs. Cependant, ce que les réformateurs oublient (nous ne leur ferons pas l’injure de dire qu’ils ne le savent pas), c’est que les communistes ou les ex-communistes sont plus inhumains et plus méchants avec les leurs ou les "dissidents" qu’avec les "réformistes". Considérons seulement le passif humain de la révolution et des années qui ont suivi l’adoption de la Constitution ; ceux qui en ont le plus pâti, ce sont les propres enfants du 4-Août directement ou indirectement.

Aujourd’hui, on peut arguer que cela a quelque peu changé. C’est peut-être vrai, mais ne nous y trompons pas, car de temps en temps ce type de comportement refait surface. En fait, c’est pour dire que si tous ces ex ou néocommunistes se sont ligués littéralement contre eux, c’est que : soit, comme ils le disent, les réformateurs ont posé les actes qu’ils leur reprochent, soit ces réformateurs ne se sont pas fait suffisamment comprendre. C’est dire que dans l’un ou l’autre cas, ils ne sont pas aussi innocents qu’ils en donnent l’impression.

Méritent-ils pour autant la sanction ?

Même sans texte, le bon sens enseigne que "le linge sale se lave en famille". On comprend cependant que, du fait que pour les réformateurs la buanderie leur était fermée, ils aient décidé d’aller dans un autre pressing. On peut aussi comprendre que la direction du CDP ait décidé de les sanctionner, car en ex-communistes (conséquents) qui considérent les réformateurs comme les leurs (même si c’est dans une orientation idéologique sociale-démocrate) désormais, ils ont peut-être vu leur naturel revenir au galop.

S’agissant des sanctions, elles sont probablement justifiées, au regard de l’argumentaire de Roch Marc Christian et de sa troupe, mais peut-être que le juridiquement pertinent n’est pas forcément du politiquement opportun. En effet, nous vivons dans un environnement où la cherté de la vie (si elle n’en est pas la cause) s’enchevêtre avec les grèves, les dénonciations de la mal gouvernance à l’échelle de l’Etat, la disette dans certaines contrées du pays, etc. Toutes choses qui font qu’il ne fallait pas ouvrir un front intérieur.

Cela devrait être compris par le BEN, tout comme les suspendus devraient savoir qu’il est difficile voire impossible d’arguer éternellement du politiquement inopportun pour ne pas pratiquer le juridiquement pertinent. "Le combat jusqu’au bout", qu’ils ont apparemment déclenché contre la direction de leur parti et leur parti tout court, ne présage rien d’autre qu’une guerre fratricide, laquelle ne profite à personne en réalité. Au Burkina, de telles entreprises ont surtout contribué à affaiblir les camps en conflit au grand plaisir de leurs rivaux. Dans le présent cas de figure cependant, les chances que le reste du CDP soit ébranlé sont minces, au regard du poids des réformateurs et du fait qu’il gère le pouvoir d’Etat.

Z. K.

L’Observateur

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