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Affaire Moussa Kaka : La torture morale continue

Publié le mercredi 25 juin 2008 à 10h47min

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L’acharnement contre Moussa Kaka se confirme. A peine un juge a-t-il signé une ordonnance de mise en liberté provisoire du correspondant de RFI et de RSF, et directeur de la radio Saaraouinya, que le ministère public a fait appel de la décision. Pour le parquet, le journaliste, incarcéré depuis neuf mois pour "complicité d’atteinte à l’autorité de l’Etat", sur la base d’écoutes téléphoniques, n’a pas le droit de voir la lumière du jour. Sa place est en prison.

Quand on connaît, en droit français, le lien hiérarchique solide qui existe entre le parquet et le ministère de la Justice, la politisation de cette décision n’est pas à exclure. En Afrique francophone, le parquet a très souvent un cordon ombilical avec l’Exécutif, mettant à mal l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. L’attidude du gouvernement est d’autant regrettable que RFI et RSF font preuve de modération depuis quelque temps dans la défense de leur correspondant. Mieux, la présidence de RFI a réaffirmé sa confiance en l’indépendance de la justice nigérienne. L’orgueil et l’amour-propre du pouvoir sont désormais saufs. Tant qu’il y avait la pression médiatique, on pouvait encore comprendre la frilosité du régime de Niamey.

La "Radio mondiale" s’est également abstenue de nommer un nouveau correspondant, alors qu’au nom du droit des Nigériens à l’information, elle aurait pu le faire. Cette décision, qui participe sans doute d’une démarche d’apaisement, est aussi une marque de fidélité et de soutien à son correspondant embastillé.

Paradoxalement, dans un autre dossier judiciaire impliquant l’ancien Premier ministre Hama Amadou, les institutions semblent fonctionner correctement, même si là aussi, c’est la tête d’une personne apparemment redoutée qui est mise à prix. N’empêche que là, les choses semblent s’enchaîner dans une logique que personne ne peut contester. Mais en ce qui concerne l’affaire Moussa Kaka, le doute est permis.

Pourquoi donc s’obstiner à détenir un journaliste qui n’a fait que son travail, lui déniant jusqu’au droit à la liberté provisoire ? Il y a visiblement une volonté de torturer et de casser moralement le journaliste. On veut lui enlever toute envie de recommencer son boulot. Parce qu’il parle de sujets qui dérangent, il est devenu un paria. C’est avoir un mauvais jugement du travail de journaliste, que de le suspecter constamment de subversion. Dans le cas Moussa Kaka, le gouvernement a fait une mauvaise appréciation, et s’obstine dans l’erreur. D’où les interrogations sur le régime carcéral très sévère auquel Kaka est soumis. Car même le journaliste sous les barreaux, la rébellion continue de sévir. Il faut donc en tirer les leçons et se rendre à l’évidence ; il y a erreur sur la personne. La grandeur d’un dirigeant réside aussi dans sa capacité à reconnaître qu’il s’est trompé. Sinon, il ne lui reste plus qu’à se prendre pour Dieu en personne !

Par Mahorou KANAZAOE

Le Pays

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