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Rébellion touarègue au Niger : AREVA pris entre deux feux

Publié le mardi 24 juin 2008 à 10h55min

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Les rebelles touaregs du Niger n’ont pas fini de faire parler d’eux : ils se sont encore négativement illustrés le week-end dernier dans la région d’Arlit, localité située dans le nord du pays. Quatre cadres français travaillant pour le groupe nucléaire de l’Hexagone, AREVA, ont été enlevés par la rébellion touarègue du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ).

Les quatre otages, un directeur d’exploitation, ses deux collaborateurs et une géologue (âgés de 30 à 50 ans), quand ils ont été kidnappés, faisaient du jogging dans la zone où le groupe industriel français, spécialisé dans l’énergie, exploite des mines d’uranium, dont Niger est le troisième producteur mondial. Les rebelles du MNJ ne sont pas à leur premier coup en matière de rapt : on se rappelle que le 22 janvier 2008, ils avaient arrêté le préfet civil Abdou Garba Kona de la ville de Tanout, à quelque 1000 km au nord-est de Niamey, la capitale. Amnesty international avait alors donné de la voix pour sa libération et la fin des kidnappings. On croyait donc que c’était la fin de cette manière de faire des rebelles, mais hélas ! Avec ce qui vient encore de se passer au pays de Mamadou Tandja, on peut croire que ce n’est pas demain la veille.

Les quatre infortunés français, qui sont heureusement sains et saufs, selon la rébellion, seront libérés sans négociations, après des contacts avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Niamey. Il leur sera simplement remis un message pour la direction d’AREVA, qui aura la charge de le transmettre fidèlement au gouvernement nigérien. Pour Aghali Alambo, le chef du mouvement, « il est impossible de faire quoi que ce soit en matière de prospection et d’exploitation avant la résolution des problèmes dans le nord du pays ». Les frondeurs affirment ne pas être contre AREVA ni aucune autre compagnie étrangère. Leur objectif : amener le groupe et le gouvernement français à faire pression sur les dirigeants nigériens afin de résoudre la crise touarègue.

Les autorités du Niger, depuis 2007, sont confrontées aux actions du MNJ, qui réclame, pour les populations locales et pour le développement de leur région, une plus grande part des bénéfices tirés de l’exploitation de l’uranium extrait dans le nord du pays. AREVA, numéro un mondial du nucléaire civil et premier employeur privé du Niger, y exploite depuis quarante ans deux gisements, l’un, à ciel ouvert à Arlit et l’autre, souterrain, à Akokan, non loin de là. Ces deux sites ont produit en 2006 près de 2 260 tonnes d’uranium.

Avec les événements malheureux dans le nord du Niger, les relations entre Niamey et le groupe français avaient pris un sérieux coup. Suspecté d’être de mèche avec la rébellion, le directeur général d’AREVA-Niger, Dominique Pin, a définitivement été expulsé du pays le 24 juillet 2007. Il a fallu la mi-janvier 2008 pour qu’un partenariat sur l’exploitation et l’achat de l’uranium soit scellé entre les deux parties, mettant un terme à près de huit mois de crise, engendrée par le présumé soutien du numéro un mondial du nucléaire civil à la rébellion touarègue.

Cet accord, conclu entre le Niger et AREVA, avait été dénoncé par le MNJ, qui a estimé en son temps qu’il risquait de « faire durer » le conflit touareg, car il ne profite pas aux populations locales du nord du pays. Dans cette situation, la compagnie française est vraiment embarrassée, prise entre deux feux. Elle se retrouve, sans le vouloir, entre le marteau et l’enclume. Pour calmer les ardeurs, le groupe avait affirmé fin janvier « n’être l’ennemi de personne ».

Ce n’est peut-être pas faux. On peut en effet l’accuser de tout mais pas de soutenir des rebelles parce qu’il a tout de même besoin de paix et de stabilité dans son pays d’accueil pour fructifier ses affaires. Mais qui sait ? Il ne faut surtout pas absoudre les multinationales de sitôt. Toutes autant qu’elles sont, à leur guise et dans leurs intérêts, font de temps à autre de la politique. A u moment où nous tracions ces lignes, les quatre otages n’étaient pas encore libérés par leurs ravisseurs, mais cette libération, selon le CICR, était en bonne voie. Même lorsque cela sera fait, le problème de la rébellion touarègue au pays d’Hamani Diori restera entier. Les destinataires du message des rebelles lâcheront-ils du lest après l’avoir reçu ? Le gouvernement de Niamey acceptera-t-il enfin le dialogue avec les dissidents du MNJ ? Ce n’est pas si sûr. L’avenir nous le dira.

D. Evariste Ouédraogo

L’Observateur

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