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Débat politique au Burkina : N’est-il pas temps d’ordonner les choses ?

Publié le samedi 19 juin 2004 à 12h37min

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Me. Hermann Yaméogo, ravive la flamme de la division avec ses écrits cagoulés dans la presse.

On pourrait se laisser dire que le débat s’emballe. Ces derniers jours, ce sont les quotidiens qui "boivent du petit lait" tant leurs rédactions sont inondées de points de vue, de réflexions, d’écrits dont on peine à décrypter l’intérêt politique et la contribution à l’enrichissement du débat d’idées.

Pour simplifier, notre démocratie a mal quelque part car les pages réservées aux journalistes sont abandonnées à des écrits plus proches du règlement de comptes que du plaidoyer pertinent pour sa chapelle. La campagne présidentielle qui commence par ces écrits de citoyens anonymes, on est en droit de se demander si jamais celui qui va nous gouverner pour les cinq ans à venir pourra, dans ce brouhaha décliner avec la clarté requise son programme.

A la limite, si les journalistes n’ont rien à dire et ne pensent rien de la vie politique et socio-économique du Burkina, leurs pages peuvent atterrir dans le domaine public. Mais, ils ont certainement à dire !

La liberté leur appartient d’analyser et de commenter les événements ou bien de laisser leurs prérogatives de faiseurs d’opinions à des citoyens qui, pour donner une certaine crédibilité à leurs productions, les accompagnent de numéros de mobiles ou d’adresses E-mail. C’est nouveau et ça fait moins cagoulé et peut-être chic pourquoi pas ?

Après tout si celui qui écrit est localisable, il se dit certainement que personne ne peut le soupçonner d’être manipulé par une quelconque officine n’ayant pas le courage de ses opinions. Monseigneur Jean Marie Compaoré pour avoir dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, à savoir qu’il n’y a pas en face du président actuel un présidentiable tenant la route, ce qui ne veut point dire que demain il n’y en aura pas, a reçu de quelques essayistes dans cet art de dire qu’ils sont des intellos une vraie volée de bois vert.

Selon ces intellos que le point de vue de Monseigneur n’a pas influencés et ne peut influencer, il est par contre susceptible de troubler le sommeil des Chrétiens, qui ne sauront pas dans l’intimité de l’urne opérer leur choix. L’argumentaire est tellement court que le procès d’intention est manifeste.

Le printemps des écrits

Au lendemain de l’adoption de la constitution de juin 1991, les partis politiques ont fleuri de partout comme les champignons. Sans que le nouvel Etat de droit ne prenne le temps de valider ceux déjà existants, il en sortait chaque jour de nouveaux.

Et comme du point de vue de leur légitimité, il y avait matière à disserter, ils ont choisi d’exister en initiant des déclarations et en sommant presque les rédactions de les publier. Ces écrits faisaient tellement dans la délation gratuite, qu’ils furent du pain béni pour les journaux, qui prenaient un malin plaisir à les annoncer à la "Une" avec des titres à éveiller la curiosité même de ceux, ayant une sainte horreur de la lecture.

Cette période-là est à l’origine du dévoiement de notre jeune démocratie qui a entamé sa carrière sur l’art de se cacher pour vilipender. Les journaux en raffolaient et les lecteurs aussi. Chacun et en premier lieu, les politiques ont laissé faire, au point qu’aujourd’hui il règne une grande confusion dans le débat politique, puisque les nouveaux gratte-papiers abordent tout et son contraire, mélangent la pluie et le beau temps et personne n’a la force, ne parlons pas de courage, de tirer la sonnette d’alarme.

Comme dans un état second, la démocratie assiste à ce délitement qui trouble la conscience, surtout qu’en temps normal, c’est le journaliste qui choisit de donner la parole, en ciblant la personne, le moment, la pertinence ou l’opportunité. Mais si chacun continue de prendre sa plume quand il n’est pas content, quand il se sent égratigné, ayons peur qu’un jour cela ne vire au pugilat.

La faute aux politiques

On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. On ne fait pas la démocratie si ceux qui doivent animer le débat ont peur de leur ombre. Cette peur-là vient d’abord du fait des étiquetages faciles du genre "opposition vraie", "opposition gâteau ou collabo".

Si la classe politique réfléchissait un peu à ça, elle verrait que la noblesse de la politique lui commande de savoir se tenir et de rester digne, ce qui suppose d’accorder le droit à la différence.

Chacun est libre de collaborer ou d’être gâteau s’il veut, ce qui préoccupe les électeurs, c’est de situer clairement les uns et les autres par rapport à ce qu’ils proposent sur tels ou tels grands sujets de société. Le reste n’est que conjecture ou volonté de salir l’autre.

On a beau lire et relire cette multitude d’écrits et ce depuis 1991, la quasi-totalité donne dans la polémique stérile. Cette invention typiquement et exclusivement burkinabè n’a que trop duré et il faut à présent que les politiques sachent ce qu’ils veulent.

Il leur revient de se saisir du débat politique qui n’a plus de sens et surtout ne mène nulle part. Ceci ne sera réalisable qu’à la seule condition de le civiliser en le débarrassant des invectives et d’une morgue certaine, toute chose qui le range éternellement au ras des pâquerettes, si ce n’est dans les bas-fonds nauséeux.

Quand bien même, il serait passionné, sans concession, il est, quoi qu’on dise, très loin de ce qui se voit ou se fait au Burkina. L’impression dominante c’est qu’il est sans classe, ni profondeur et encore moins éducatif. Plus de dix ans de pratique n’ont pu le sortir du constat accablant qu’il s’éloigne chaque jour des réalités de notre pays et partant de ses habitants.

Même le parlement multicolore n’est pas parvenu à donner une certaine primauté ou préséance du politique sur tous ceux qui ont la plume en bandoulière.

Mais peut-être aussi que nous surestimons nos politiques qui n’auraient rien de concret à proposer, si ce n’est de disserter à longueur d’année sur le sexe des anges et pire par personne interposée. Les quelques esprits libres qui contribuent au débat seraient bien inspirés de créer eux aussi leur parti. Le dicton ne dit-il pas que plus on est de fous, plus on rit ?

En attendant ceux qui savent lire continueront à chercher dans les journaux, la raison d’aller dans un peu plus d’un an effectuer leur devoir de citoyen et ne pas faire comme Charles Guibo en allant parler aux écureuils au parc Bangr Weogo.

Souleymane KONE
L’Hebdo

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