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CEN-SAD : Les ambitions secrètes de Kaddafi

Publié le vendredi 20 juin 2008 à 13h08min

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La Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD) a organisé du 17 au 18 juin dernier à Cotonou au Bénin une grand-messe au sommet, la 10e du genre. Comme pour coller à l’actualité, les leaders et chefs d’Etat de cette communauté portée sur les fonts baptismaux en 1998 par le guide libyen, Mouammar Kaddafi, qui se sont retrouvés à cette 10e conférence, ont planché sur le thème "Développement rural et sécurité alimentaire dans l’espace CEN-SAD".

Plus que les tracteurs et la pluie de milliards annoncés par le guide, on retient beaucoup plus la diatribe de Mouammar Kaddafi contre les organisations régionales et sous-régionales. Pour le n°1 libyen, la CEDEAO, la CEMAC, la SADEC, etc. ne sont que des "machins" entravant la constitution des Etats-Unis d’Afrique dont il rêve tant. C’est du Kaddafi, serait-on tenté de dire. Sinon, on a du mal à comprendre un tel discours alors que la tendance est de s’appuyer sur les ensembles sous-régionaux pour réaliser progressivement l’intégration et l’unité du continent. Ces ensembles peuvent être considérés comme des laboratoires de l’unité continentale.

Tout se passe comme si Kaddafi, visiblement (trop) pressé, veut bâtir une maison en faisant abstraction de la fondation. Il fait montre de maladresse diplomatique en incriminant ces organisations régionales dont certains ont fait leur preuve. Sans oublier qu’il indispose ses homologues chefs d’Etat qui appartiennent à ces regroupements. Il faut également être Kaddafi, serait-on tenté de dire une fois de plus, pour demander la dissolution des organisations régionales sans dire un mot sur celle qu’il a créée, à savoir la CEN-SAD. Peut-être que le guide ne la considère pas comme une organisation régionale mais bien plus. Il suffit de voir de plus près la provenance géographique des Etats membres, dont le nombre est passé de 25 à 28 à la dernière conférence, pour s’apercevoir qu’ils viennent de toutes les parties du continent. Kaddafi ratisse large pour peut-être faire de la CEN-SAD, plus qu’un machin, une machine voire une Union africaine (UA) bis au service de ses ambitions dont beaucoup ne sont pas connues. D’où une multitude d’interrogations sur les actions du guide.

La métamorphose de Kaddafi suscite en elle-même des interrogations. De suppôt du terrorisme, fauteur de troubles, il est aujourd’hui devenu un héraut de l’intégration africaine. Si les bombardements américains sur Benghazi peuvent y être pour quelque chose, il ne faut pas exclure le fait que Kaddafi en veuille à ses frères arabes du Maghreb qui n’ont pas voulu subir son leadership. Par dépit, il s’est donc rabattu sur l’Afrique au sud du Sahara qui s’est montrée plus réceptive à son projet d’unité africaine. A coup de pétrodinars, il met tout en oeuvre pour que l’Afrique puisse un jour parler d’une seule voix. Ce qui est positif en soi.

Mais avec le temps, on se rend compte qu’il commence à agacer certains dirigeants de cette partie du continent qui, s’ils adorent être couverts de pétrodinars, s’accommodent moins du statut d’obligés, de béni oui-oui que l’on n’hésite pas à leur coller. Le guide porte le projet des Etats-Unis d’Afrique et ambitionne également d’être le président du gouvernement africain qu’il appelle de tous ses voeux au point de vouloir brûler les étapes comme on l’a vu au sommet de l’UA à Accra en juillet 2007. Mouammar Kaddafi veut à tout prix réussir l’unité africaine et laisser son nom à la postérité, associé à cette oeuvre que plus d’un panafricaniste n’a pas pu réaliser.

Mais le problème avec Kaddafi, c’est ... Kaddafi lui-même. Il a souvent de bonnes idées, de bons projets pour le continent mais leur mise en oeuvre pose problème. Bien des projets viennent butter dans leur réalisation, contre sa propension à tout accaparer et à agir dans l’improvisation. Le siège de la CEN-SAD est en Libye et son secrétaire général ... libyen. Cela se confirme avec son attitude au sein de la CEN-SAD, une véritable cour à la dévotion du guide, à partir de laquelle il ne serait pas surprenant qu’un jour il proclame son fameux gouvernement africain. Sans doute que secrètement, il attend d’atteindre un certain quota de pays africains pour le faire. Si c’est le cas, il n’aura pas à attendre, vu qu’il a pratiquement lancé un avis à adhésion dont le critère majeur et inavouable, est tout simplement d’être intéressé par les pétrodinars. Des pays vont certainement se bousculer au portillon mais c’est à se demander si l’adhésion est sincère. Apparemment, l’homme fort de Tripoli n’en a cure. Ce qui compte beaucoup plus pour lui, c’est de pouvoir utiliser la CEN-SAD, sa chose, comme marchepied, un moyen comme un autre pour parvenir à ses fins : être le guide de l’Afrique.

"Le Pays"

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