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Rébellion au Tchad : La France va-t-elle rejouer le coup de février ?

Publié le mercredi 18 juin 2008 à 14h25min

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Les bruits de bottes se font persistants au Tchad. Depuis lundi, les rebelles ont à nouveau repris le chemin des combats. Deux villes sont déjà sous leur contrôle. Les premiers véritables affrontements ont eu lieu à Biltine dans l’est du pays entre rebelles et forces loyalistes. C’est la troisième ville que l’Alliance nationale, cette coalition de groupes armés opposée au régime de Idriss Déby Itno, tente de contrôler, dans la descente sur N’Djaména.

Comme en février dernier, l’objectif des rebelles est de prendre la capitale et de chasser le président de son fauteuil. La question est de savoir s’ils y parviendront cette fois-ci. Car depuis février dernier, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts des relations franco-africaines. L’armée française avait sauvé la peau de Déby en repoussant les assaillants hors de la ville, au nom d’un accord de défense. Or, malgré les déclarations de Sarkozy sur la nouvelle doctrine militaire française, cet accord existe. Et le Tchad peut l’invoquer. N’Djaména, ne s’est d’ailleurs pas embarrassé de fioritures pour appeler la France à la rescousse. Paris volera-t-elle une fois de plus au secours d’un régime aux abois qui n’arrive pas à faire la paix avec ses adversaires politiques à l’intérieur et avec ses voisins ?

Pour l’instant, le gouvernement français a déclaré qu’il restera neutre. Bernard Koutchner, ministre des Affaires étrangères, l’a réaffirmé lors de sa visite en Côte d’Ivoire. Tiendra-t-il parole ? Pour l’instant, les rebelles se satisfont de cette position de principe qui leur ouvre la voie de N’Djaména. Toutefois, Paris n’est pas aussi neutre qu’elle le laisse croire. Ses avions surveillent en permanence les positions et les mouvements des rebelles. Au bénéfice de qui le font-ils ? La question mérite d’être posée dans la mesure où en février, le même scénario a abouti à une intervention armée de Paris. Sur le terrain, l’Eufor qui bénéficie d’un appui logistique important de la part de la France, n’a pu empêcher l’entrée des rebelles venus du Soudan sur le sol tchadien. Quelques accrochages seulement qui n’ont pas arrêté la percée des rebelles. Cette posture de l’Eufor n’a pas été du goût de Déby qui voulait certainement voir la Force européenne anéantir la colonne rebelle. Déby a -t-il déjà oublié le mandat de l’Eufor qui consiste à protéger uniquement les réfugiés ?

On peut comprendre le sentiment qui habite le numéro un tchadien qui se sent de plus en plus en danger sans le parapluie français. Son armée, qui a renforcé ses capacités, s’est certes déployée sur le territoire pour contrer les assaillants, mais les appels au secours à peine voilés du pouvoir en place, permettent de douter de ses capacités de résistance. Pour mettre fin à ce cycle infernal des colonnes de rebelles qui fondent chaque fois qu’ils en ont envie sur la capitale, ne vaut-il pas mieux pour Déby de résoudre son contentieux avec ses opposants autour d’une table de négociation ? Une conférence nationale n’est-elle pas envisageable pour remettre à plat les questions essentielles qui ont pour noms démocratie, bonne gouvernance, alternance démocratique, lutte contre l’ethnicisme, etc. ? Apparemment, le remaniement consécutif à l’attaque de février dernier n’a pas eu les effets escomptés.

De même, la paix des braves entre Déby et son voisin soudanais est incontournable pour apaiser les conflits dans la région. C’est en cela que tout interventionnisme serait le bienvenu. L’OCI qui a fait signer au forceps un accord de paix entre les protagonistes, est aphone pour le moment. Les autres organisations continentales ont démontré leur incapacité à concilier les positions des belligérants.

Et pourtant, il faudra bien une solution pacifique tôt ou tard. Les guerres ne sont pas une fatalité que les Tchadiens doivent vivre, de la naissance à la mort. Déjà que les réfugiés des affrontements de février commencent à s’agiter au Cameroun, un nouvel exode serait une véritable catastrophe humanitaire. Déby devrait enfin le comprendre et sécher les larmes de son peuple. Face au sentiment qui semble aujourd’hui l’habiter, le temps est peut-être venu pour Idriss Déby de se poser à lui-même cette question philosophique : à quoi sert le pouvoir politique, lorsque son peuple vit dans la tourmente permanente ?

"Le pays"

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