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An I de Tertius Zongo : LA volonté viendra-t-elle à bout des défis ? Opinions constratées

Publié le lundi 16 juin 2008 à 14h32min

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Jamais nomination de premier Ministre au Faso n’aura provoqué autant de bruit. Il faut dire que le contexte s’y prêtait. L’usure du pouvoir aidant, des ambitions ont émergé en son sein amenant à contester cette nomination. L’essoufflement sinon la sortie de route du processus démocratique, l’aggravation de la fracture sociale et nationale, ont renforcé les conditions du mal vivre général et de la distanciation entre gouvernants et gouvernés.

Un premier Ministre dans ces conditions, ne pouvait avoir affaire qu’à forte contestation mais aussi à forte attente. Il avait déjà en perspective, et alors que les critiques se faisaient pesantes de la part des partenaires, de faire bouger la maison en y faisant entrer le vent des réformes. Exigence compliquée par la crise internationale que les contempteurs des réformes ont exploitée pour mettre sur le dos le premier Ministre. C’est dire que l’An I de Tertius Zongo soulevait déjà, avant son terme, des discussions, des pronostics, des bilans. La conférence qu’il a donnée laisse apparaître, après coup, trois opinions.

Il y a les adversaires indécrottables pour qui rien de convaincant n’est sorti de la prestation, les indécis qui restent sur leur quant à soi, demandant encore à voir avant de se prononcer et les conquis qui ont été encore plus confortés dans leurs positions après cette conférence. Voyons un peu les arguments des uns et des autres.

LES CONTESTATAIRES INVETERES

Tertius Zongo a ses contempteurs impénitents. Pour ceux-là, la conférence a mal commencé avec cette référence à Dieu dès l’entame de sa déclaration liminaire. Nous sommes dans un Etat laïc : on a vu ce que la République a gagné comme perturbation avec l’incorporation des religions dans la politique activiste ! Ca suffit pour eux, on en a assez soupé !

Ensuite, on aurait pu, disent-ils, faire l’économie de cette déclaration liminaire fastidieuse et passer à l’essentiel : l’échange avec les hommes de média. Les mécontents attaquent aussi sur la mise en scène, l’envahissement de la salle par des individus qui n’y avaient pas leur place. Quant au fond de la prestation Tertius Zongo a été trop glorificateur à l’endroit de Blaise Compaoré. Il est allé jusqu’à dire que sa conduite du processus démocratique fait du Burkina Faso un exemple en Afrique ! Là, il a fait plus fort qu’aucun autre premier Ministre dans le genre. Blaise Compaoré lui-même ne lui en aurait pas demandé tant !

Et puis, disent-ils, le PM s’est trop complu à traiter les Burkinabé comme des fainéants et des loosers qui n’en foutent pas une rame, à défausser son gouvernement de toute responsabilité dans la crise qu’il impute évidemment aux seules causes exogènes. Mais le plus grave, c’est qu’on n’a pas senti dans son propos un plan d’attaque de nature à nous convaincre que le gouvernement est décidé à prendre à bras le corps la question de la cherté de la vie, de la mal gouvernance. Ce n’est pas avec quelques milliards de fcfa que nous pourrons atteindre la souveraineté alimentaire : beaucoup de mécontents sont prêts à parier que l’an prochain, contrairement aux promesses, nous ne serons pas en mesure de doubler la production de riz au Faso.

Nous n’avons eu encore droit, disent les contempteurs, qu’à des mots et des mots alors que dans d’autres pays comme le Mali, le Sénégal, on est déjà en ordre de bataille avec des propositions concrètes denses pour tendre aux transformations dans leurs modes de production et de consommation afin d’atteindre non seulement la souveraineté alimentaire mais une meilleure gestion des pays concernés.

Alors, pour eux, nous irons de Charybde en Sylla avec Tertius Zongo !

LES SCEPTIQUES

Mais tout le monde n’est pas forcément négatif, trouvant matière à désespérer après la conférence. Il y en a aussi qui ont une opinion mi-figue, mi-raisin : pour ceux-là, ce n’est pas arrivé ; le PM a rempli son année cahin-caha ; il y a eu des annonces de réformes ; certaines mêmes sont en voie d’exécution mais on n’a pas encore assez de recul pour juger.

Des promesses ont été faites au niveau de la santé de proximité, de la lutte contre les grandes endémies, de l’éducation axée sur l’équité et la justice sociales comme du plein emploi des jeunes mais de tout cela, si les intentions sont bonnes, elles ne restent que des intentions, sans matérialisation concrète sur le terrain. Au jour d’aujourd’hui au Burkina Faso, c’est toujours la galère montante, l’obstruction des perspectives d’avenir. Des jeunes qui s’adonnent plus que jamais à la cigarette, à l’alcool, à la drogue, au banditisme, à l’immigration clandestine.

Pour ces sceptiques, qui ne condamnent pas le premier Ministre, il faut attendre avant de le juger. C’est un peu l’opinion qui avait été exprimée par certains dans le quotidien Le Pays qui avait, anticipant sur cette rencontre avec les médias, demandé ce qu’ils pensaient sur cette année de gouvernement Zongo. Alors, ils attendent de voir venir.

LES CONQUIS

Avant que le premier Ministre ne passe à l’épreuve des médias pour le premier anniversaire de sa prise de fonctions, il avait déjà ses partisans qui estimaient qu’avec lui, un soleil nouveau s’était levé. Il n’est que de citer, disent-ils, l’action vigoureuse entreprise dans moult domaines, pas des plus faciles comme celui de la corruption, de l’utilisation des véhicules de l’Etat… Ce 10 juin 2008, dans la salle de conférence du ministère de Affaires étrangères et de la Coopération sous régionale, en entendant le premier Ministre, ils ont été confortés dans leurs convictions.

Tertius Zongo a fait la différence selon eux. Il a eu un langage de vérité, ce qui n’est pas coutumier dans ce pays. Il a osé, en présence des ministres, comme on dit « vis-à-vis » dénoncé certaines de leurs incuries et par rapport aux réformes engagées pour lutter contre la vie chère, il n’a pas manqué (lors même qu’il a défendu son bilan avec brio) de reconnaître qu’il y a eu des insuffisances. Et pas des moindres ! Dire qu’il n’y a pas de suivi dans un gouvernement, ce n’est pas « petit » ! L’homme, en plus, bien qu’étant un intellectuel confirmé, n’a pas fait dans le vocabulaire : il a opté pour le langage « gbagboïen » et il a fait mouche. Qui pouvait imaginer qu’un premier Ministre, en des termes aussi crûs, taperait sur COTECNA ? Et lorsqu’on a cru le déstabiliser en parlant de Salif Diallo, il a eu les mots justes pour relever qu’on faisait beaucoup trop de bruit autour de cette affaire quand l’intéressé lui-même se tenait en quelque sorte à carreau. Et puis, il ne faut pas oublier l’exposé liminaire qui a été flamboyant dans la forme comme dans le fond et qui montre que non seulement l’homme connaît ses dossiers mais qu’il s’active à faire ce qu’il dit en allant lui-même au charbon.

Ainsi donc, tout le monde reconnaîtra ses acquis dans le domaine de l’emploi, du travail et de la sécurité sociale où les efforts ont consisté, notamment en la mise en place de 12 guichets uniques dans les chefs-lieux de région pour le financement de projets, la mise en œuvre de programme de formation de 5 000 jeunes en entreprenariat et de 10 000 jeunes aux métiers, la consolidation des bases du dialogue social, le renforcement de la protection sociale des travailleurs et l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail. Comment aussi ne pas se réjouir de cette réduction du prix mensuel des ARV de 5 000 F CFA à 1 500 F CFA depuis le 1er décembre 2007 d’une part et la prise en charge gratuite des cas de méningite et des cas de paludisme grave chez les enfants de 0 à 5 ans et les femmes enceintes d’autre part ? Les partisans du PM ne s’arrêtent pas là et jugent l’action de Mr Zongo tout à fait bénéfique dans l’éducation : tout le monde a pu constater la gratuité des manuels scolaires dans toutes les écoles, la gratuité des fournitures scolaires dans les écoles primaires publiques et la suppression des frais de scolarité dans toutes les écoles primaires publiques. Quant à l’essor industriel et minier, il est patent.

Bref, bien joué Tertius, disent ses partisans après la conférence !

En conclusion, au PM de regarder tout cela avec une distance pour en prendre de la graine car ce qui est sûr, c’est que la partie qui s’annonce pour lui exige qu’il laboure dans le champ des sceptiques mais surtout des mécontents !

Aristide Ouédraogo

San Finna

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