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De l’éventuelle candidature de Salif Diallo en 2010

Publié le lundi 16 juin 2008 à 14h41min

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S’appuyant sur un article dans lequel San Finna faisait sans parti pris la part des choses entre les atouts et les handicaps d’une éventuelle candidature de Salif Diallo contre Blaise Compaoré en 2010, l’auteur du présent Point de vue (qui semble, lui, avoir son opinion faite) apporte sur la base d’analyses et de constatations personnelles, sa contribution au débat en soutenant qu’une telle candidature pourrait faire, à son avis, mal ! Suivez plutôt la trame de ses développements !

INTRODUCTION

« Salif Diallo candidat à la Présidence en 2010 : le coup serait-il jouable ? » : telle est la question que San Finna N° 465 du 26 Mai au 01 Juin 2008 posait à ses lecteurs sous forme de question sondage. Serait-ce un ballon de sonde lancé par Salif Diallo lui-même pour évaluer ses chances de battre Blaise Compaoré dans un duel à mort comme on a coutume de voir dans les films westerns ou une simple idée lumineuse de San Finna ? Dans tous les cas, la question est posée, et il est difficile de croire que le premier concerné n’a pas été avisé avant la publication de l’écrit dans le journal. Quoiqu’il en soit, la question étant posée, tout lecteur peut y aller de ses spéculations et de ses élucubrations. Pour notre part, nous voudrions inviter les lecteurs de San Finna à une lecture croisée de quelques écrits significatifs sur Salif Diallo afin de se faire une idée sur la « jouabilité » ou non d’une candidature de Salif Diallo en 2010. L’objectif de cette lecture croisée est d’amener le lecteur à imaginer le scénario d’un duel à la loyale, comme dans un Western, entre Salif Diallo et Blaise Compaoré en 2010. Elle aura en outre l’avantage de trouver quelques pistes de réponse aux questions soulevées par l’Hebdo du 14 Avril 2008, à savoir entre Blaise Compaoré et Salif Diallo : Qui a fait de qui ce qu’il est aujourd’hui ? Qui est plus stratège et politique que qui ? Qui est mieux implanté dans le cœur des Burkinabè ?

Avant même d’engager les débats, il convient de souligner qu’en tant que citoyen libre, jouissant de ses droit civiques, Salif Diallo a, bien entendu, le droit de se présenter aux présidentielles de 2010 et de compétir pour la magistrature suprême, quels que soient les candidats en lice. Donc la question qui est posée ici, est la suivante : au vu de ses qualités humaines, de ses compétences techniques et politiques, des espoirs ou des désespoirs qu’il pourrait susciter au sein de l’électorat national, les Burkinabè dans leur ensemble accorderont-ils leur confiance à Salif Diallo plutôt qu’à Blaise Compaoré, si le duel avait lieu en 2010 ?

I- CE QUE NOUS REVELE UNE LECTTURE CROISEE DES MEDIAS NATIONAUX

Tout d’abord, nous voudrions dire « Bravo, merci et félicitations » à San Finna qui, après l’Hebdo du 14 Avril 2008, a eu le courage et l’honnêteté journalistique de ramener les Burkinabè en face de la vérité et de la réalité en ce qui concerne le mythe créé et entretenu autour de Salif Diallo. Les hommes de sciences disent que « Ce qui est, est ». N’en déplaise aux journalistes qui émargent chez Salif Diallo, la vérité et la réalité sont là, difficiles à altérer ou à enterrer. Une bonne lecture croisée de l’Hebdo du 14 Avril 2008 et de San Finna N° 465 du 26 Mai au 01 Juin 2008, ainsi que d’autres écrits et/ou déclarations, permet de faire la part entre le mythe et la réalité en ce qui concerne les relations entre Blaise Compaoré et Salif Diallo. Aujourd’hui, les relations semblent brouillées entre les deux amis et grands complices d’hier, et Blaise Compaoré est traité d’ingrat par les amis et les proches de Salif Diallo, pendant que les amis de Blaise Compaoré traitent Salif Diallo de beaucoup de noms d’oiseaux peu recommandables et l’accusent de mordre la main qui l’a nourri.

Ici, nous notons que, contrairement à la meute des journalistes qui mangent et boivent dans la main de Salif Diallo, et qui une fois repus, et à la manière des grands chantres et griots qui viennent de délester leur proie de grosses sommes d’argent, le décrivent comme un surhomme, grand stratège politique en comparaison duquel Blaise Compaoré ne serait qu’un nain et un piètre politique, San Finna et l’Hebdo viennent de montrer que fort heureusement, il existe encore des journalistes qui ont le courage et la lucidité politique et professionnelle, pour dire les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on rêve qu’elles soient :

1- San Finna affirme que Salif Diallo a revendiqué en vain le poste de Premier Ministre : « cette griserie qui l’a amené, comme aucun collaborateur de Blaise Compaoré ne l’a fait avant lui, à revendiquer la nomination au premier Ministère comme un dû et à rentrer en quasi dissidence avec son chef parce que ses exigences n’ont pas été prises en compte ». Ainsi l’origine de la grande brouille, pourraient être les ambitions démesurées de Salif de parvenir au sommet de l’Etat, comme Président du Faso, ou à défaut comme Président de l’Assemblée Nationale ou comme Premier Ministre. Tous ceux qu’il considère comme concurrents potentiels sont combattus avec férocité et mis à l’écart des centres décisionnels. Youssouf Ouédraogo, Bongnessan Arsène Yé, Roch Marc Christian Kaboré, Mélégué Traoré, Laurent Sédégo, Paramanga Ernest Yonly, et dans une certaine mesure Hermann Yaméogo, Gérard Ouédraogo et sont fils Gilbert, etc., ne diront pas le contraire. C’est ce qui explique aussi la haine et la hargne contre le Premier Ministre Tertius Zongo et François Compaoré qui sont considérés comme les obstacles du jour, qu’il faut absolument détruire pour dégager la voie royale à la Présidence du Faso

2- Par ailleurs, San Finna estime que Salif Diallo a mis à profit sa proximité avec Blaise Compaoré et la confiance que celui-ci a placée en lui pour construire sa propre carrière, tout en clamant qu’il ne vit et ne respire que pour Blaise Compaoré : « Il est indéniable que pendant tout le temps qu’il a passé auprès de Blaise Compaoré, Salif Diallo a su fortifier l’image de son maître mais sans oublier de construire la sienne propre. Etant aux premiers postes de la construction de l’Etat Compaoré, il a su en fortifier les bases politiques, financières, médiatiques, diplomatiques…. Mais s’il a servi l’homme qui lui a mis le pied à l’étrier avec audace et fidélité, il n’a jamais perdu de vue qu’il lui fallait, avec cette politique si ingrate, amasser des « poires pour la soif. Ainsi, il est lui-même aujourd’hui crédité d’un capital politique, médiatique, relationnel mais surtout financier que l’on dit immensément confortable. Il a donc amplement les moyens de sa propre politique. Et comme par ailleurs, il a su apparaître à la fois comme l’homme des missions impossibles et comme un travailleur acharné, il saura jouer là-dessus également ». Comme le dit l’adage, « le chien chasse pour lui-même d’abord, c’est son maître qui pense qu’il nourrit son chien pour qu’il chasse pour lui. »

3- Il est indéniable (et Salif Diallo lui-même l’a confessé au cours d’une émission à la TNB, ce que San Finna décrit comme des choses pas catholiques) que Salif Diallo a commis au cours de sa carrière des crimes politiques et économiques abominables : « Il n’a pas fait dans la dentelle pour déblayer le passage à Blaise Compaoré et renforcer les fondations de son pouvoir. Il a brisé des carrières, des ambitions, des vies. Il a ruiné des hommes, séparé des familles, des couples. Il a jusqu’en dehors du Burkina Faso, créé des peurs, des ressentiments, des haines qui lui collent à la peau. Dans l’opposition comme dans la mouvance présidentielle, il en est qui aimeraient bien au coin de la rue, la nuit tombante, ou en le croisant en rase campagne à la faveur d’une compétition électorale, lui rendre la pareille ».

4- En clair, on reconnaît que Salif Diallo est coupable d’atrocités innommables, ce que lui-même a reconnu publiquement lors de l’émission de la Radio Nationale « Tapis rouge » en direct de Samandeni. Si donc Salif Diallo a été capable de tant d’atrocités et de cruautés tout juste pour protéger le pouvoir de Blaise Compaoré, comme San Finna l’écrit en guise d’excuses pour les monstruosités commises par Salif Diallo, alors de quoi sera-t-il capable quand il s’agira de conquérir et de conserver son propre pouvoir ?

5- San Finna confirme ce que le citoyen lambda croit au fond de lui-même : « Salif Diallo est aujourd’hui crédité d’un capital financier qu’on dit immensément confortable. Cependant que l’Hebdo affirme que Salif Diallo est arrivé en politique ‘ avec sa mobylette d’écolier de marque Puchoma, couleur gris clair, sa silhouette filiforme et ses baskets souvent mal lacés’. »

6- Quand et comment Salif Diallo a amassé cette fortune colossale qui le grise ? Il n’y a pas si longtemps, on dénonçait avec virulence et on condamnait sans appel les enrichissements illicites. Il y a lieu qu’une structure de contrôle habilitée puisse vérifier les sources et les conditions d’enrichissement de Salif Diallo. Et pour ne rien arranger, le Bendré N°482 du 28 Mai 2008 laisse apparaître de nouvelles insinuations à propos d’une certaine implication de Salif Diallo dans l’entreprise machiavélique d’affamer le peuple avec la complicité de certains opérateurs économiques dans le sombre dessein de provoquer des soulèvements pour renverser le Gouvernement Tertius Zongo.

7- Tout le « bla-bla-bla » de Salif Diallo à la TNB n’a été qu’un écran de fumée. San Finna met en évidence ce que de nombreux observateurs avisés -y compris de nombreux bailleurs- essayaient mais en vain, de faire voir aux Burkinabè, à savoir que tous les projets lancés avec pompe par Salif Diallo n’ont jamais connu d’aboutissement heureux : « le coton OGM, les pénuries alimentaires, les barrages asséchés, les productions qui pourrissent sur place, les nombreux grands projets lancés en grande pompe mais lamentablement avortés comme la Ceinture verte, la gomme arabique, la briqueterie de Boromo, les unités agro-industrielles, les émeutes contre la faim… De politique agricole, au moment où on la replace enfin au cœur du développement, il n’y en a jamais eu que de fumeuse » ! Il y a vraiment lieu de procéder à des audits systématiques de tous les projets du super ministère dont il avait la charge. En effet, il y a de plus en plus de commentaires malicieux faisant état de barrages réceptionnés sur le papier, mais qui n’existeraient pas sur le terrain. Et depuis la fameuse visite du Premier Ministre au périmètre irrigué de Bagré, on a appris que sur 30000ha à aménager, en réalité seulement 3000 ha ont pu être aménagés.

8- En présentant les choses dans une perspective historique, l’Hebdo du 14 Avril 2008 permet de rendre à César ce qui est à César. Historiquement, il est établi que Salif Diallo n’a joué aucun rôle dans l’avènement de la Révolution, mieux il l’a combattu avec les Dabo Boukary, avant de se retourner contre ses anciens amis du PCRV et de l’UGEB : « Plus présent dans l’avènement de la Rectification, il n’a pas plus de mérites personnels, de légitimité historique qu’un Arsène Bognessan Yé, Laurent Sedogo, Gilbert Diendéré, Jean-Marc Palm, François Compaoré, Achille Tapsoba et on en passe et pas de moindre personnalité. Il n’est pas plus camarade de Blaise Compaoré qu’un Théodore Kilmité Hien, Alain Ilboudo, Gabriel Tamini, Simon Compaoré, etc. Sa fidélité au système n’a pas été plus éprouvée que celle d’un Roch Marc Christian Kaboré, Kwamé Lougué, Djibrill Bassolé, Jean-Pierre Palm, etc. » Salif Diallo lui-même a reconnu publiquement que le 15 Octobre 1987, au moment où les armes crépitaient dur, dur, il se trouvait dans le salon de Blaise Compaoré.

9- De l’analyse de l’Hebdo, il ressort que la grande différence entre Salif Diallo et les autres camarades et compagnons de lutte de Blaise Compaoré, c’est que Salif a compris très tôt qu’il faut investir dans la médiatisation à outrance de sa personne et des actions où il est directement ou indirectement impliqué. « Ses largesses envers des hommes de médias, des leaders de l’opposition et des militants du CDP ont complété les traits caractéristiques d’un politique puissant, entreprenant et efficace. Et pourtant, certains parmi les noms cités plus haut, avec le dixième des moyens que Salif Diallo possède mais surtout avec des instructions clairement données par le président, feraient mieux que lui ».

10- Comparant Salif Diallo au nouveau Premier Ministre Kenyan, Raila Odinga, le journal conclut que Odinga est issu d’un grand parti politique régnant quasiment sur la moitié du pays,insinuant par là que Salif Diallo ne disposerait pas d’autant d’atouts que Raila Odinga.

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Dans le contexte burkinabè Salif Diallo dispose, peut-être, de plus d’atouts que Raila Odinga.

II- LES ATOUTS DE SALIF DIALLO

Qu’on ne s’y trompe pas. Si Gorba se permet de lancer un ballon-sonde sur ses chances de battre Blaise Compaoré en 2010, c’est en considération de certaines données et surtout des atouts dont il dispose. Et en la matière, les atouts de Salif Diallo ne sont pas négligeables, nonobstant les retournements de vestes, de jupes et de pagnes qui ne manqueront pas.

1- Au niveau des super électeurs

Même si au Burkina Faso, il n’y a pas de système de super délégués comme aux Etats-Unis d’Amérique, il n’en demeure pas moins qu’il y a des électeurs qui sont plus influents que d’autres, dans la mesure où leur choix sera déterminant pour le choix de dizaines ou de centaines de militants et de sympathisants.

• Au Centre et au Plateau Central : dans ce vaste espace électoral déterminant, Salif Diallo pourrait compter sur le Super Camarade Simon Compaoré et sa galaxie (Achille Tapsoba, Tiemtoré Salif, Sawadogo Salif, les Maires d’Arrondissement, à l’exception peut-être d’un seul).

• Au Centre Ouest, Salif Diallo pourrait également compter sur des super électeurs comme Seydou Bouda et Hubert Yaméogo, leur galaxie et autres larbins comme les Bertin Wiya, Aline Koala, Théophile Zongo, etc.

• Au Sahel, Salif Diallo pourrait compter sur le super camarade Cissé Kader, même s’il faut reconnaître que le commissaire régional du Sahel a de moins en moins d’emprise sur l’électorat du Sahel, surtout qu’il s’attire les foudres du non moins Super électeur Emir du Liptako. C’est en tout cas la substance des rumeurs qui nous parviennent du Sahel.

• Au Centre Nord, Salif Diallo pourrait compter sur le commissaire Régional, Sawadogo Zembendé Théodore, DG de la LONAB, Président de la Fédération Burkinabè du Football. Le soutien du super mal causeur Dim Salif serait garanti, tout comme celui de Siméon Sawadogo que Salif aurait fait nommer gouverneur au Centre Est, auprès de son allié stratégique Alain Yoda.

• Au Centre Est, Salif Diallo pourrait bien compter sur Bedouma Alain Yoda et sa galaxie, Odile Bounkoungou, Balima Boureima dit Boureima Ghana, etc. Mais là, rien n’est encore joué, vu la manière dont le Ministre d’Etat, Ministre de la Santé, s’accroche à la Première Dame, comme un enfant attraperait la jupe ou le pagne de sa mère, on peut parier que le cœur et la raison de Yoda balancent et rebalancent. En bon Bissa il préférerait attendre l’issue du duel pour apporter son soutien indéfectible au vainqueur.

• Au Centre Sud, Salif Diallo pourrait compter sur des super électeurs comme le DG du SIAO, Bouda Jean Claude, le Commissaire Régional du CDP Bertin Ouédraogo et bien d’autres personnalités qui, à ce qui se raconte, lui devraient, pour avoir mangé dans sa main.

• Dans les Hauts Bassins, Salif Diallo pourrait compter sur le soutien indéfectible du Maire de Bobo-Dioulasso, Salia Sanou, et de toute la galaxie dont Gorba lui-même a contribué à la mise en place. Sans oublier le Gouverneur Bebrigda Mathieu Ouédraogo, son promotionnaire d’école et la Ministre de l’Action Sociale, Pascaline Tamini dont on dit qu’il est plus que proche.

• Dans les Cascades, bien que l’ancien ministre Alain Ludovic Tou soit malade, la galaxie qu’il a mise en place, avec l’appui de Salif Diallo et de Simon Compaoré, est toujours là ; sa fiabilité et son efficacité viennent d’être testées à l’occasion des manifestations contre la vie chère à Banfora. Les histoires des parrainages à répétition de cérémonies par la Première Dame à Banfora n’étaient qu’écran de fumée noire pour brouiller les esprits et endormir les gens du camp adverse, notamment la Famille Présidentielle.

• Au niveau de la Boucle du Mouhoun, le soutien de super camarades comme Dieudonné Bonané, Robert Sangaré, Saran Sérémé semble bien acquis, sauf retournement de veste ou de jupe. Cependant, dans les zones de Dédougou et des Balé, Gorba a fait sale boulot et il ne manque pas de super militants du Front Populaire, de l’ODP/MT et du CDP qui voudraient bien en découdre avec lui. Mais néanmoins, il pourrait compter sur le soutien fort appréciable de Bonou Alphonse.

• Dans le Sud Ouest, les cartes paraissent un peu brouillées pour le moment, mais Gorba ne manque pas de soutien, pour cause de services rendus à diverses personnalités qui comptent dans la région.

• Dans la Région de l’Est, malgré la petite brouille qu’il y a eu avec le super camarade Paramanga Ernest Yonli qui, par orgueil, a voulu nier son appartenance au système Salif Diallo, les autres grands camarades de la galaxie sont restés fidèles à Gorba, ne serait-ce qu’en reconnaissance soit des largesses reçues, soit des promotions dont ils ont bénéficiées à divers échelons de l’Administration Publique. Ce qui est sûr, le soutien indéfectible du DG de la CNSS, Innocent Couldiaty et de celui du Ministre Tankoano Joachim pourrait être garanti.

• Au niveau de la Région du Nord-Yatenga, malgré la pugnacité de l’ADF/RDA et l’adversité et les rancoeurs nées des campagnes de dénigrement et des humiliations répétées de grands militants du CDP, Gorba a rendu tellement de services, servi tellement de largesses, promu tellement de cadres du Grand Nord que même sans recourir à la fibre régionale et régionaliste, on peut s’attendre à ce qu’il rafle la mise, si le choix est à faire entre lui et un autre candidat venu d’ailleurs. Sans oublier le soutien non marchandable de ses inconditionnels comme le Maire de Ouahigouya, le Président du conseil Régional, Ouédraogo Mahamoudou dit Samadi, Laya Sawadogo, Lassané Sawadogo, Baba Ouédraogo, et tous les nouveaux riches qu’il aurait fabriqués, etc.

2. Au niveau des quatre pouvoirs

Il ne fait pas de doute que, mieux que Blais Compaoré, Salif Diallo concentre tous les pouvoirs. Blaise Compaoré est Président du Faso, mais c’est Salif Diallo qui détient l’essence et l’essentiel des pouvoirs :

- Au niveau de l’exécutif, tous les grands commis de l’Etat, à commencer par le Premier Ministre, les présidents d’institutions, les membres du gouvernement et tous les hauts fonctionnaires de l’administration publique et parapublique, à ce qui se dit, ont plus peur de Salif Diallo que de Blaise Compaoré.

- Au niveau du législatif, c’est bien connu, Rock est président du CDP, Président de l’Assemblée Nationale, mais c’est Salif Diallo et Simon Compaoré qui contrôlent le parti et l’Assemblée. La majeure partie des élus CDP préfèrent obéir à Salif Diallo qu’à Roch ou François Compaoré. Ça crève les yeux que la majorité parlementaire actuelle n’est pas une majorité présidentielle. La preuve en est que loin de soutenir l’action et les efforts du gouvernement, elle travaille plutôt à entraver l’exécution du programme quinquennal de Blaise Compaoré, pour qu’il n’y ait pas un bilan positif à présenter en 2010. Quand Salif Diallo déclarait le 5 Avril 2008 (en sa qualité de Secrétaire Chargé de l’Orientation politique) à la réunion du Bureau Politique National du CDP, que le gouvernement (qu’il venait tout juste de quitter) manquait de vision politique, n’est capable que de « mesurettes » et que la crise actuelle est la résultante de mauvais choix stratégiques, de mauvaise orientation politique, vous pensez que qui était visé ? C’est bien son adversaire de 2010. Mieux, les députés du parti majoritaire viennent de se démarquer publiquement et bruyamment du gouvernement en demandant comme les syndicats, le relèvement du pouvoir d’achat sans proposer de nouvelles recettes qui permettraient de faire face aux nouvelles dépenses. La preuve est ainsi faite que le gouvernement ne dispose plus de majorité réelle à l’Assemblée Nationale, et le Président Blaise Compaoré devrait prendre cette donne en considération. En prenant le Gouvernement à contre-pied sur une question aussi grave que celle de a vie chère, l’avertissement est donné que le Premier Ministre n’est pas à l’abri d’une motion de censure.

- Au niveau du judiciaire, ayant contribué, semble-t-il, à la construction de la carrière de nombreux grands magistrats, beaucoup de jugements, à ce qu’on dit, seraient rendus sur recommandation ou sur instruction de Salif Diallo.

- Au niveau de la presse, il est généralement admis, à tort ou à raison, que Salif Diallo contrôle pratiquement toutes les rédactions des médias publics de l’Etat et des médias privés dont il entretient grassement les journalistes et qui le servent bien en retour.

3. En application des principes de Machiavel

 ? Il importe que le Prince soit craint, même s’il n’est pas aimé. Il est bien connu que les gens, surtout les fonctionnaires de l’administration publique et les militants du CDP ont plus peur de Salif Diallo que de Blaise Compaoré. La formule consacrée est qu’il vaut mieux avoir affaire à Blaise Compaoré qu’à Salif Diallo.

* Les alliances stratégiques entre ennemis jurés. On n’a pas besoin d’être exégète du Prince de Machiavel pour savoir que pour parvenir à un objectif final, on a besoin de passer par des objectifs intermédiaires. En tout cas Gorba le sait. En effet, des alliances contre nature se sont nouées pour permettre aux colonels de renverser le régime de la troisième république. Le CMRPN était une étape indispensable pour la Révolution, les révolutionnaires eux-mêmes le savaient très bien. En clair, sans le Coup d’Etat du 25 Novembre 1980, il n’ y aurait pas eu celui du 7 Novembre 1982 qui consacrait l’avènement du CSP1, puis du CSP2. Et sans CSP 1 et 2 il n’y aurait jamais eu la Révolution du 4 Août 1983 et il n’ y aurait probablement pas eu la Rectification du 15 Octobre 1987. En d’autres termes, tous ceux qui sont contre le régime de Blaise Compaoré, peuvent faire une alliance stratégique autour de Salif Diallo, avec pour seul objectif : battre Blaise Compaoré. Et avec Salif, on crée tout juste une étape. Cela veut dire que dans un scénario de duel fatidique entre Blaise Compaoré et Salif Diallo, tous ceux qui ont maille à partir avec le système Blaise Compaoré, même s’ils n’aiment pas Salif Diallo, vont voter pour Salif Diallo, l’objectif étant de faire tomber Blaise Compaoré et on règle le cas de Salif Diallo après, le plus difficile ayant été fait. L’ennemi de mon ennemi peut-être mon ami ou mon allié stratégique

*L’Agitation de l’épouvantail de François Compaoré.

L’aversion que Salif Diallo nourrit pour François Compaoré ne date pas de maintenant, loin s’en faut. Ayant toujours voulu être le seul confident du Prince, le seul vrai conseiller, c’est-à-dire, celui qui initie, fait rédiger les textes et les décisions et les fait signer par le Prince, Salif Diallo n’a jamais supporté la silhouette de François Compaoré dans les couloirs de la Présidence du Faso. Manquant d’arguments pour faire éloigner François Compaoré de la Présidence, il développe une campagne machiavélique contre lui dans la presse qu’il contrôlerait à plus de 90% en recourant à l’intoxication, à la désinformation, aux rumeurs les plus folles sur la personne de François Compaoré et tous ceux qui commettent le péché impardonnable de le fréquenter. En fait, l’adversaire politique de Salif Diallo qui a toujours nourri des ambitions pour la Présidence du Faso, c’est bien Blaise Compaoré. Mais le jeu était très subtil. Bien que n’ayant pas joué les premiers rôles à l’avènement de la Révolution d’Août et de la Rectification, Salif Diallo, en appliquant les principes de Machiavel, a réussi à se faire passer pour l’inconditionnel de Blaise Compaoré, le fidèle des fidèles, etc. Malheureusement, le temps passe et le Prince ne songe toujours pas à passer la main. Ayant échoué dans ses tentatives de se faire élire ou nommer Président de l’Assemblée Nationale ou Premier Ministre, il ne reste plus qu’à risquer le tout pour le tout : défier le Président lui-même aux présidentielles de 2010. En fait l’idée n’est pas nouvelle. Elle a manqué de près de se concrétiser en 2005. En effet, les gourous du CDP cachaient mal leur impatience de voir le Conseil Constitutionnel invalider la candidature de Blaise Compaoré. Une Campagne en sourdine ou guerre de positionnement avait déjà commencé entre Salif Diallo et Roch Marc Kaboré. Chacun d’eux faisait le décompte de ses supporteurs potentiels au niveau de l’Assemblée Nationale, au niveau du CDP, au niveau de l’Administration Publique, au niveau de la Société Civile, au niveau des grands opérateurs économiques, au niveau des leaders d’opinions (chefferie coutumière, hiérarchie des confessions religieuses), au niveau des universitaires et intellectuels du pays, etc.

D’une manière systématique et radicale, Salif Diallo faisait limoger tous les ministres, les directeurs centraux, les directeurs régionaux et provinciaux, les hauts commissaires, les préfets, etc., dont il n’était pas sûr du soutien inconditionnel, le moment venu. D’où le courroux et la colère de la galaxie Salif Diallo- Simon Compaoré contre les ABC, l’ADF/RDA, les partis de la Mouvance, etc. qui s’étaient déjà déclarés en faveur de la candidature de Blaise Compaoré. Les ABC ont payé très cher leur soutien à Blaise Compaoré lors de la confection des listes électorales pour les municipales et pour les législatives. Ils ont été littéralement massacrés par la galaxie Salif Diallo- Simon Compaoré.
Pour achever de liquider politiquement François Compaoré, il agite l’épouvantail de la « monarchisation du pouvoir », de la « dynastisation » du régime de Blaise Compaoré », de la « familiarisation du pouvoir », etc.

* Blaise Compaoré lui-même a préparé le terrain pour que Salif Diallo le batte en 2010.

En permettant à Salif Diallo de faire le nettoyage et de faire le grand vide autour de Blaise Compaoré et de François Compaoré, on peut dire que c’est Blaise Compaoré lui-même qui a déroulé le tapis rouge pour Salif Diallo :

- Pour avoir une promotion dans l’Administration ou dans une ambassade du Burkina à l’extérieur, il est bien connu qu’il faut s’adresser à Salif Diallo plutôt qu’à Blaise Compaoré, encore moins à François Compaoré ou à Roch ;

- Tous ceux qui ont donné l’impression de faire preuve de zèle pour Blaise Compaoré sont virés de leurs postes, traînés dans la boue, et jetés en pâture aux médias acquis et payés pour briser les carrières politiques et professionnelles de tous les cadres et intellectuels que Salif Diallo ne contrôle pas ;

- Au moins 80 à 90% des ambassadeurs et des personnels de nos chancelleries, à ce qu’on susurre, doivent leur promotion à Salif Diallo, bien plus qu’au Président Blaise Compaoré qui n’a fait que signer les décisions et les décrets savamment préparés par Salif Diallo ;

- Au moins 80 à 90% des députés CDP et des élus locaux doivent leur élection à la galaxie Salif Diallo- Simon Compaoré qu’à Blaise Compaoré ou à Roch ;

- Les grands opérateurs économiques et les patrons des grandes entreprises savent très bien que pour avoir un gros marché public de l’Etat, il vaut mieux s’adresser à Salif Diallo qu’à Blaise Compaoré ou à François Compaoré ou à Roch ;

- Il est bien connu que quand Salif Diallo fait un coup tordu, il s’empresse de faire répandre que c’est sur instruction de Blaise Compaoré ;

- Blaise Compaoré a, semble-t-il, toujours été au courant de ça et de bien d’autres faits du Palais que nous ignorons. Mais il a toujours fermé les yeux. Il a toujours laissé faire. Et maintenant que Salif Diallo, sans gêne, pense et même dit disposer des armes nécessaires, il peut faire (ou défaire) Blaise Compaoré, et c’est ça qu’il ambitionne de réaliser en 2010. Ceux d’en face gagneraient à ouvrir l’œil, et le bon ;

- Le pavé des refondateurs et des réformateurs : la question fondamentale ici n’est pas de savoir s’il faut douter ou ne pas douter de la valeur intrinsèque de chacun des refondateurs ou des réformateurs. A y voir de près, il y en a parmi eux qui ne peuvent pas mobiliser un rat, même s’il faut leur reconnaître une grande capacité de nuisance. Le vrai débat, et le Président Blaise Compaoré et son parti le CDP, doivent y prêter une oreille attentive, se résume en ceci : les questions soulevées sont-elles pertinentes ? Les problèmes posés sont-ils réels ou sont-ils le fruit d’imaginations débordantes et incontrôlées ? Les refondateurs et les réformateurs disent-ils tout haut ce que le peuple burkinabè dans ses différentes composantes pense tout bas ? En effet, nous vivons des moments qui rappellent étrangement les derniers moments de la Troisième République. Tout le monde sentait que l’autorité du Président Sangoulé Lamiza était quelque peu entamée ; des membres de son gouvernement se donnaient plus de pouvoirs que le Premier Ministre et le Président lui-même qu’ils défiaient quotidiennement, avec arrogance et mépris, la mal cause étant la chose la mieux partagée. Le parti majoritaire de l’époque, le RDA, manquant de ressorts nécessaires pour provoquer le changement voulu et attendu par tout le pays, le changement est arrivé quand même, mais en empruntant des voies non républicaines. Aujourd’hui, au niveau du parti majoritaire, le CDP, on ne connaît que mal cause, arrogance, mépris et injures grossières. Voilà pourquoi les refondateurs et les réformateurs ont choisi de s’adresser directement au Président du Faso, garant de la stabilité et de la paix sociale, pour lui faire comprendre qu’il y a véritablement péril en la demeure.

Au passage, ils prennent les leaders d’opinions à témoin, pour qu’un jour personne ne dise : « Pourtant vous saviez que les choses allaient mal et vous n’avez rien dit ». Si Blaise Compaoré ne saisit pas l’opportunité qui lui est offerte pour montrer que c’est bien lui qui peut et qui va être le maître du changement, Salif Diallo, quant à lui ne va pas manquer de s’engouffrer dans la brèche et il fera mal à Blaise Compaoré.

CONCLUSION
En guise de conclusion à notre modeste analyse, nous dirons que la réponse à la question de San Finna : « Salif Diallo candidat à la Présidence en 2010. Le coup serait-il jouable ? », peut bien être affirmative. C’est bien jouable, mais rien n’est joué d’avance. Tout comme dans le cas du duel final et décisif, nul ne peut être certain de l’issue, avant la fin de l’épreuve fatidique. En considération de nombreux faits apparents, Salif Diallo ne manque pas d’atouts, ni de volonté, ce qui veut dire qu’il a des chances certaines de battre Blaise Compaoré en 2010. Cependant, nous devons reconnaître avec modestie et humilité que nous ne disposons pas de tous les éléments d’appréciation, et il se peut que des éléments plus déterminants que ceux que nous avons mentionnés ci-dessus n’aient pas été pris en considération dans nos spéculations discursives. D’ailleurs le journaliste lui-même a voulu être précautionneux en écrivant : « L’ingratitude dont on accuse Blaise Compaoré pour l’avoir écarté sans ménagement du pouvoir lui est également renvoyée, lui qui ayant eu suffisamment son compte dans l’exercice du pouvoir, aurait dû accepter d’en être écarté comme bien d’autres l’ont été avant lui sans pour autant s’estimer victime d’un crime innommable. Il aurait pu aller jouir de sa fortune dans n’importe quel paradis du monde, s’occuper de sa santé qu’on dit fragile, sans se croire en devoir de se venger en voulant devenir calife à la place du calife, surtout qu’il a voulu marquer dans le marbre sa différence en se montrant comme celui des collaborateurs qui n’avait pour seule ambition que de servir son chef. » Mais si Salif Diallo choisit de provoquer son maître et son mentor en duel, eh bien que le combat soit loyal et que le meilleur gagne.

Youssouf Ouattara,
Observateur de la scène politique burkinabè

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