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An I du gouvernement Tertius Zongo : Promesses, promesses, promesses !

Publié le vendredi 13 juin 2008 à 09h51min

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Juin 2007 - juin 2008. Cela fait un an que Tertius Zongo alors ambassadeur du Burkina aux Etats-Unis, a été appelé à la tête du gouvernement du « pays des hommes intègres » avec comme mission de former un gouvernement chargé de réaliser le programme du président du Faso, le « Progrès continu pour une société d’espérance ».

C’est le nouveau contrat que Blaise Compaoré souhaitait établir avec le peuple burkinabè pour la période novembre 2005 - novembre 2010. Il a récolté 1 674 966 voix lors de la présidentielle du 13 novembre 2005. Après Paramanga Yonli qui a conduit le premier gouvernement chargé de la mise en œuvre du programme présidentiel, Tertius Zongo est arrivé comme un messie qui devait sortir l’ « espérance » promise par Blaise Compaoré du papier et la traduire en actes concrets. Un an après son entrée fracassante à la Primature, que peut-on retenir de l’action de Tertius Zongo ?

Enseignant de comptabilité, d’économie des affaires et d’analyse financière à l’université de Ouagadougou, Secrétaire général de la Chambre de commerce, directeur général de l’Office national des céréales (OFNACER), gouverneur pour le Burkina au sein de plusieurs institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI, BAD, BID), directeur général de la Coopération, ministre de 1995 à 2001 et enfin ambassadeur, voilà résumé le profil de l’homme providentiel auquel Blaise Compaoré a fait appel pour créer les conditions d’une société d’espérance depuis un an.

A priori, c’est un profil rassurant au regard de l’expérience de l’homme en matière de gestion des affaires publiques, de ses connaissances des arcanes du pouvoir et du monde de la coopération au développement. Cependant, bien des Burkinabè sont restés sceptiques quant à la capacité du 5ème premier ministre de Blaise Compaoré à réussir là où ses prédécesseurs ont simplement fait ce qu’ils pouvaient, c’est-à-dire peu de choses par rapport à l’océan de besoins des populations de ce pays qui, depuis 20 ans, sombrent progressivement dans la misère généralisée et la déchéance sociale. Tertius Zongo est à la fois acteur et produit du système politique en place qui semble avoir montré ses limites à redonner confiance aux citoyens. Bien au contraire, ces derniers se convainquent de jour en jour, au regard des pratiques et des comportements de ceux qui nous gouvernent, que l’Etat, ses biens et services sont monopolisés, sinon appropriés abusivement par une poignée d’hommes et de femmes qui gravitent dans les sphères du pouvoir, des réseaux (de famille, d’amitié, des alliances et des affinités) avec à la clé, des promotions complaisantes, le déni systématique de droit au profit des puissants du moment, de l’impunité, etc.

Tertius Zongo a pris les rênes du gouvernement, à un moment où le défi majeur n’est pas de changer les hommes, mais surtout de repenser le fondement de l’Etat de ses institutions dans leurs rapports aux citoyens. Le premier grand défi pour lui, était de former un gouvernement composé d’hommes et de femmes ayant la pleine conscience que la gestion du pouvoir d’Etat, c’est d’avoir un sens aigu de service public ; un sacrifice personnel et un renoncement de soi, l’amour et le respect de l’autre, … avant d’être honneurs, avantages. Une équipe de personnalités désireuses de servir l’intérêt général et non les intérêts ou le pouvoir d’un individu et, par ricochet, leur intérêt propre à l’ombre du grand sachem.

Un autre grand défi qui est lié au premier, est de créer les conditions d’une administration publique de management, débarrassée des influences politiques, de la corruption, des concussions, des copinages et des réseaux mafieux. En somme, il devait assainir la gestion des affaires publiques.

Face à l’immensité des attentes, en termes de création et de redistribution de richesses, d’accès effectif aux services sociaux de base, de transparence dans la gestion du bien commun, le premier ministre Zongo se voit investi d’une lourde mission.
Dès sa nomination, il a affirmé mesurer la portée et la lourdeur de cette mission. Mais son gouvernement reste dominé par des anciens avec l’arrivée d’une dizaine de nouvelles têtes. Déjà, dans sa composition, ce gouvernement, toujours pléthorique et dont certains de ses membres inspirent peu de confiance, ne donnait pas l’impression d’avoir les hommes qu’il fallait pour apporter le changement tant attendu. Comme ses prédécesseurs, Tertius Zongo veut faire du neuf avec du vieux. Malgré tout, de nombreux citoyens de ce pays lui ont accordé la présomption de bonne foi. Et lui-même s’est montré rassurant en affirmant avoir entendu et compris les attentes et aspirations des Burkinabé.

Du discours volontariste aux symboles

Aux lendemains de sa nomination et de la composition de son gouvernement, il a initié une vaste consultation des forces vives de la nation (si l’on peut s’exprimer ainsi). Ces consultations devraient l’aider, en principe, à prendre toute la mesure des attentes et en tenir compte dans l’action quotidienne du gouvernement. Ses premiers discours sont encourageants. Sans faux fuyants, il reconnaît les réalités et conditions de vie de la majorité des Burkinabè et promet des actions concrètes de la part du gouvernement. Il engage aussi une série de mesures tendant à réduire l’usage abusif des moyens de l’Etat, notamment le matériel roulant, à améliorer les recouvrements des recettes publiques, à lutter contre les pratiques corruptrices dans l’administration publique. Il se déplace personnellement à l’Assemblée nationale pour suivre les prestations de ses ministres interpellés par la représentation nationale.

Avec une aisance et une liberté de parole extraordinaire, Tertius Zongo est sur tous les fronts de son gouvernement, s’exprime sur tous les sujets sans détour, reconnaissant, au besoin, les faiblesses ou les insuffisances de l’action publique tout en s’engageant à y apporter des réponses.

Le 4 octobre 2007, devant la représentation nationale, il a décliné les grands points de son action qui devrait conduire à l’espérance promise par Blaise Compaoré à l’horizon 2010 à travers sa déclaration de politique générale. « Nous devons agir pour répondre aux attentes des populations. Nous devons encourager l’ardeur au travail et créer les conditions de l’excellence qui, seules, nous permettront de concrétiser la vision énoncée par le Président du Faso et de nous montrer dignes de la confiance que notre peuple a placée en chacun de nous. Pour y parvenir, nous devons retourner aux valeurs séculaires qui ont fait le succès et la fierté de notre pays. Il s’agit notamment de la foi inébranlable aux potentialités de l’être humain, ceci quel que soit le degré d’adversité et de difficultés auquel l’on est quotidiennement confronté ; la culture de l’ardeur au travail comme antidote à l’irresponsabilité, à la démission et le recours aux échappatoires faciles ; l’adhésion aux principes d’égalité de chance et de la valorisation du mérite individuel ; la solidarité, la tolérance et le respect des opinions des autres, gages de stabilité et de progrès social ». Tels sont les principes de base autour desquels il entend conduire son action à la tête du gouvernement avec l’ambition de consolider les « bases d’une croissance de qualité, réductrice de la pauvreté, dans un contexte de gestion rigoureusement orientée sur les résultats »

La stratégie d’action du gouvernement repose sur quatre orientations : « l’édification d’une économie ouverte et compétitive, porteuse de croissance de qualité et d’emplois ; la création de conditions d’épanouissement et la valorisation du capital humain ; le renforcement de l’autorité de l’Etat et la promotion d’une gouvernance partagée ; le rayonnement international du Burkina et son leadership dans le concert des nations ».
En quelques mois, les choses ont commencé à bouger dans l’administration publique. L’usage du matériel roulant fait l’objet de contrôles inopinés. Il en est de même pour la ponctualité au service. A cela il convient d’ajouter la rigueur imposée dans le recouvrement des taxes et autres impôts qui ont suscité inquiétudes et craintes chez certains agents publics dealers et commerçants véreux. Quelques petits fonctionnaires, auteurs de peccadilles ont été limogés en conseil de ministres avec poursuites judiciaires. Des policiers ont été mis en examen et déposés à la maison d’arrêt de Ouagadougou pour leur responsabilité dans la mort d’un citoyen. Bref, quelques signes de changement semblaient poindre à l’horizon.

Malheureusement, les discours volontaristes et les quelques initiatives du gouvernement qui ont commencé à créer la prudence chez certains agents indélicats de l’administration publique, allaient très vite se révéler être un coup d’épée dans l’eau. L’un des premiers couacs a été cette fameuse affaire du Directeur général des douanes inculpé avec mandat de dépôt par un juge (pour fausses exonérations évaluées à environ 500 millions de francs CFA) et libéré in extremis grâce à l’intervention du ministre de la Justice qui aurait agi sur instruction expresse du premier ministre. Cette affaire, au-delà de son fondement juridique (à savoir si le DG était innocent ou non) a remis à l’ordre du jour l’indépendance de la justice. Il appartenait à la justice d’établir la culpabilité ou non de l’inculpé et non au gouvernement de juger de la qualité de ceux qui peuvent faire l’objet d’un mandat de dépôt. Pour toute explication, le ministre de la Justice donne entre autres arguments, le fait que le DG des douanes « n’est pas n’importe qui ». Cette sortie malheureuse du ministre Zakaria Koté a fini de convaincre plus d’un qu’il y a une justice à double vitesse et que notre justice n’est pas égale pour tous.

Viendront par la suite, les manifestations contre la vie chère qui ont sérieusement ébranlé le gouvernement burkinabè. Après de longs mois de tergiversations devant les cris de détresse des populations face à la flambée des prix des produits de première nécessité, le gouvernement a attendu la montée de la colère populaire et des violences dans certains centres urbains en février 2008 pour commencer à courir dans tous les sens sans véritablement trouver une alternative sérieuse à la situation. Les mesures prises, notamment l’exonération des frais de douanes sur l’importation de certains produits dont le riz n’ont pas réussi à stabiliser les prix. La cherté de la vie continue de hanter le quotidien de la majorité des populations. Le prix du riz et bien d’autres produits continue de grimper. Le sac de riz tourne autour de 20 000 FCFA sur le marché depuis le début du mois de mai. Le gouvernement assiste impuissant à cette situation qui est certes un phénomène mondial. Mais chaque Etat a l’obligation régalienne de développer des initiatives pour soulager un tant soit peu ses citoyens en difficultés. A ce niveau, notre gouvernement manque crucialement d’efficacité et même de capacités de proposition. Le jeu de cache-cache avec les syndicats illustre éloquemment cette gêne du gouvernement.

Au même moment intervient ce boulet politique avec le léger remaniement ministériel, juste pour limoger Salif Diallo, ancien presque numéro 2 du pouvoir en place. Là encore, ce fut un tollé général, surtout sur la manière dont l’ancien ministre d’Etat a été remercié. C’est avec le gouvernement Tertius Zongo que l’on a vu pour la première fois, un remaniement ministériel juste pour débarquer un seul ministre et de surcroît un jour de Pâques, dans la nuit. Pour la première fois également, l’on a vu le Président du Faso rendre hommage à un ministre qu’il a débarqué du gouvernement. Sur ce remaniement ministériel, beaucoup d’encre a noirci les pages de journaux et trop de salive ont coulé dans les rues.

Tertius Zongo a-t-il perdu de sa superbe ?

Curieusement, c’est en ce moment crucial de vie chère où l’on attendait que le premier ministre rassure, qu’il s’est terré dans un mutisme presque total, préférant laisser à ses ministres la difficile mission de calmer des populations en colère, de rencontrer les différentes catégories socioprofessionnelles (chefferie coutumière et communautés religieuses, syndicats et partis politiques, opérateurs économiques, etc.). Depuis, Tertius Zongo fait dans les symboles : visites au Palais de justice, à l’université, dans les organes de presse, etc.

Ces derniers mois, le premier ministre se fait de plus en plus discret. Il parle de moins en moins. Même les contrôles inopinés de l’usage des matériels roulants de l’Etat se font de plus en plus rares.

Le premier ministre a-t-il perdu de sa superbe ? La question mérite d’être posée quand on sait qu’il a soutenu à son arrivée que le gouvernement devait communiquer sur ses actions. Mais au fait, que fait le gouvernement en ces moments où le désespoir gagne du terrain.

Nous l’avions écrit dans notre édition d’août dernier : « Pour réussir ce pari titanesque mais combien souhaité de tous, Tertius Zongo devrait commencer par bannir de son action quotidienne, les discours mielleux comme le savait si bien faire son prédécesseur, Paramanga Yonli (…) On sait Tertius Zongo aussi bel orateur. Mais si c’est ce « Burkina en progrès » version Yonli qu’il doit continuer pour bâtir la société d’espérance, la misère économique et sociale a encore de beaux jours devant elle. Ce dont la majorité des citoyens ont urgemment besoin, ce sont des actes concrets. Alors moins de discours, plus d’actions ! Moins de suffisances et de mépris, plus de dialogue ! ». Au regard de la situation actuelle, l’on est au regret de constater que même s’il y a eu des actes, les discours et les symboles occupent plus de place dans l’action gouvernementale que les résultats palpables sur le terrain. Certains nous diront que la plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a. Mais si la plus belle a vraiment si peu à donner, elle doit savoir où se trouve sa place. On ne dirige pas un pays avec des « Notre pays n’a pas de ressources ». Justement ce pays qui n’a pas de ressources a besoin d’hommes et de femmes qui ont suffisamment de génie à même de créer les conditions minimales d’équité dans l’accès au peu de ressources pour le diriger.

Pendant que l’on crie à la cherté de la vie, les ministres comme celui de la santé, Alain Yoda, font des tournées en provinces avec de longs cortèges, de grosses cylindrées, une longue suite de techniciens et autres.

Bref, sur le plan purement technique, le gouvernement Tertius Zongo a du mal à montrer une capacité à mieux faire que les précédents. Ce dont le Burkina a besoin aujourd’hui pour se positionner dans le concert des nations, c’est un gouvernement d’hommes et de femmes qui ont des capacités réelles d’initiative de management, de la rigueur et de la créativité, qui savent écouter et comprendre les cris de détresse du peuple et ont le courage politique de défendre l’intérêt général contre celui des clans, des réseaux familiaux ou d’affaires. Sur ce plan donc, la timidité de Tertius Zongo et son gouvernement est plus qu’inquiétant.

A cela, s’ajoute la dimension politique de l’action gouvernementale. Un gouvernement composé d’hommes et de femmes qui ne sont ni purement technocrates, ni de fins politiques, un gouvernement de « yesmen » coptés en guise de remerciement ou juste pour nuire à des adversaires politiques, ne peut réussir la lourde mission de construire une société d’espérance au Burkina Faso dans ce contexte général d’agonie morale et de courses à l’enrichissement. Pour y parvenir, il faut d’abord mettre un peu d’ordre dans les rangs des clans qui se sont formés au sommet de l’Etat. Il faut restaurer l’autorité de l’Etat qui doit être au dessus de tout individu quel qu’il soit et quelles que soient les fonctions qu’il occupe. Il est impératif de mettre l’Etat et ses appareils en dehors des clans qui se sont formés autour du Président Compaoré et qui se livrent une guerre sans merci.

Quand on a ces gouvernements pléthoriques avec souvent des membres dont personnes ne connaît les parcours professionnels, l’on ne peut réellement en attendre quelque chose de salutaire. Pour faire du Burkina un pays émergent, il nous faut d’abord un gouvernement de personnalités reconnues pour leurs capacités intellectuelles à maîtriser les grands enjeux de gouvernance dans le contexte actuel de mondialisation, qui ont des capacités d’anticipation et une haute idée de la responsabilité, de l’éthique et de la morale, du bien et du service public.

Les grands défis aujourd’hui, c’est de redonner confiance, enfin, au peuple qui attend avec impatience, la société d’espérance promise. Pour l’instant, tout ou presque renforce le désespoir et la crainte d’une explosion sociale. Un an déjà et rien n’incite véritablement à l’optimisme. Mais il reste encore deux ans à Blaise Compaoré et à son Premier ministre. A l’heure du bilan, l’on fera ensemble le compte. Et le peuple appréciera. Donnera-t-il raison à Laurent Bado, pour qui « le peuple burkinabè aime la misère comme le porc aime la boue » ? Wait and see !

Par Boureima OUEDRAOGO

Le Reporter (reporterbf@yahoo.fr)

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