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Cour des comptes : Ainsi donc, ils violent la loi !

Publié le vendredi 13 juin 2008 à 09h50min

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« La particularité de la loi, c’est qu’on peut la violer sans qu’elle ne crie ». Pourtant, à la Cour des comptes, elle crie sans qu’on ne l’entende. La sphère dirigeante de cette haute institution de l’Etat est actuellement hors-la-loi. Les membres ont été nommés en 2002 pour un mandat de cinq ans. Donc jusqu’en 2007. Mais jusqu’à présent, leur mandat n’a ni été renouvelé, ni prorogé. Le comble, c’est qu’ils savent qu’ils sont dans l’illégalité. Mais ils sont là, couverts par le silence du Conseil supérieur de la magistrature.

Les actes actuels de la Cour des comptes sont-ils nuls et de nul effet ? Le débat commence à faire rage dans les couloirs du palais de justice. « C’est dommage quand la loi est violée par des hommes de loi », affirme une avocate. Puis, elle feuillette minutieusement le Code judiciaire et fait soudain une halte sur l’article 6. « Regardez vous-même ! Les textes sont clairs », dit-elle. Aussitôt, elle se met à lire l’article en question : « Outre les magistrats, la Cour des comptes est composée de fonctionnaires ou de personnalités désignées en qualité de membre de la Cour en raison de leur compétence et de leur expérience en matière de finances publiques pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois (…) ».

Ses observations ne se font pas attendre : « Puisque leur mandat est à terme et n’a pas été renouvelé, un justiciable peut soulever avec justes raisons, la nullité des actes posés par la Cour des comptes ».
Pourtant, dans cette « juridiction supérieure de contrôle des finances publiques », personne n’ose lever le petit doigt pour parler de cette illégalité pourtant criarde. Du moins officiellement. En tous cas, la plupart des gens que nous avons contactés ont préféré, jusque-là, garder le silence. Pas parce qu’ils ne sont pas conscients du problème. « Mais parce que cette situation nous arrange tous », confesse l’un d’entre eux, sourire aux lèvres. Et il est formel : « Le renouvellement des mandats ne relève pas de nous. Il serait maladroit de notre part de scier la branche sur laquelle nous sommes assis ».

Mais tous ne sont pas de cet avis. Il y a ceux qui estiment que « la loi, c’est la loi. Il faut la respecter ». Eux portent un doigt accusateur sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). C’est lui qui concocte les nominations. Mais depuis 2007, aucune note officielle ne donne un nouveau mandat aux personnalités de la Cour des comptes. Jusqu’à quand durera cette situation ? La réponse pourrait venir du président Blaise Compaoré. Il est à la fois président du Faso, président du conseil des ministres et président du conseil supérieur de la magistrature. Ceux qui sont chargés de lui faire des propositions sont-ils à bout de souffle ? En tous cas, pour le moment, c’est la loi du silence qui règne en maître absolu.

Mais il n’y a pas que ça. La qualité de certains membres de la Cour pose problème. Selon des sources concordantes, des conseillers des affaires économiques ont été cooptés pour être dans la sphère dirigeante de cette haute juridiction de contrôle des finances publiques. Pourtant, le Code judiciaire qui régit la Cour des comptes ne les y autorise pas. Morceau choisi : en plus des magistrats, « (…) seuls peuvent être désignés membres de la Cour, les inspecteurs des finances, du trésor et des impôts, et les experts comptables ayant une expérience professionnelle d’au moins quinze ans ». C’est écrit à la page 162 du Code judiciaire.

Autre problème, c’est que certains membres de la Cour n’ont pas produit leur propre compte avant de prendre fonction. Ils peuvent de ce fait être redevables à l’Etat. Comment, dans de telles conditions, peuvent-ils demander des comptes aux contribuables ? Dans le milieu des juristes, certains estiment que cela est « juridiquement et moralement incorrect ».

La situation est préoccupante. Et de plus en plus de langues se délient et souhaitent vivement que des réformes soient effectuées. Depuis 2002, la Cour n’a rendu aucun arrêt définitif. Aucun avis aussi. Il suffit de lire l’annuaire statistique de la Justice –Edition 2007, page 87, pour s’en rendre compte. Certes, les quelques rapports produits par la Cour des comptes ont fait grand bruit du fait des dossiers sensibles traités. Mais que sont devenues les recommandations de la Cour ? « Nous n’avons pas pu faire d’évaluation pour savoir si nos recommandations ont été exécutées ou pas », confie-t-on dans cette haute juridiction de l’Etat. Et voici la question qui tombe, brusque et fracassante : à quoi sert un rapport sans suite ? Question à qui de droit…

Par Hervé D’AFRICK

Le Reporter (reporterbf@yahoo.fr)

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