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OCADES CARITAS BURKINA : 10 ans au service de la paix et du développement

Publié le mardi 10 juin 2008 à 15h10min

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Créée le 05 février 1998 par la Conférence Episcopale du Burkina, l’Organisation Catholique pour le Développement et la Solidarité (OCADES) a célébré son dixième anniversaire du 24 au 27 avril 2008 sous le thème :« Avec Marie, sois acteur de la charité du Christ dans ta communauté chrétienne ». Messe d’action de grâce, conférences, collectes au profit des démunis,… ont été au cœur de ce grand évènement.

Mais au delà, c’est surtout la volonté de faire une rétrospective en vue d’envisager l’avenir avec plus de sérénité, d’engagement et d’efficacité qui était recherchée. Dix ans après, le combat contre l’exclusion, la pauvreté et pour le développement intégral de tout homme et de tout l’homme continue donc de plus belle.
L’Eglise Catholique est fortement attachée au développement et à la dignité de la personne humaine. Elle veut que l’homme se réalise pleinement dans l’autonomie et la responsabilité.

L’Organisation Catholique pour le Développement et la Solidarité (OCADES) apparaît comme l’instrument de cette pastorale sociale. Elle traduit la sensibilité de l’Eglise Famille du Burkina aux réalités de son environnement. En effet, en matière de développement, les défis du Burkina Faso, pays classé parmi les plus pauvres de la planète, sont immenses. L’Etat, malgré ses interventions, n’arrive toujours pas à répondre aux aspirations du plus grand nombre. Conséquences, la pauvreté, les inégalités et la marginalisation connaissent une croissance exponentielle. Des hommes, des femmes et des enfants sont malades, affamés, désespérés, privés des services sociaux de base…

Face à de telles souffrances, l’Eglise, conformément aux prescriptions des saintes écritures, ne peux pas se voiler le visage. Bien au contraire ! Il lui faut constamment cerner les problèmes dans leur réelle ampleur et leur complexité pour proposer des « thérapies » appropriées. C’est dans un tel contexte qu’est née et qu’évolue l’OCADES. Selon Monseigneur Paul Ouédraogo, Président de la Commission Episcopale de Pastorale Sociale, Président de l’OCADES Burkina « toute la problématique de l’existence de l’OCADES se trouve focalisée sur la recherche du plein épanouissement physique, intellectuel, social culturel, moral et spirituel de l’homme. Il n’y a de plein épanouissement que lorsque le développement est intégral, prenant en compte toutes les dimensions de la personne humaine. L’OCADES y travaille avec l’énergie de la charité, les convictions de la foi en Dieu et en l’homme, et avec le dynamisme de l’espérance. »

Autocritique pour un nouvel élan

C’est pour cette raison que le 10è anniversaire se voulait d’abord un cadre d’auto évaluation des pratiques pastorales de l’OCADES dans l’exercice de la charité. Ensuite, une opportunité pour consolider les acquis dans tous les diocèses. Enfin, un moment de projection sur l’avenir avec une vision, des stratégies pour faire de chaque chrétien un acteur de la charité du Christ dans sa communauté humaine. Pour matérialiser une telle vision, les objectifs définis visaient d’une part à réaliser une profonde compréhension et appropriation des missions de l’OCADES par les acteurs, en resituant l’organisation comme un instrument d’animation de la pastorale sociale au service de tous. D’autre part, il s’agissait de valoriser l’exercice de solidarité et de partage des communautés chrétiennes en structurant les démembrements des paroisses et des communautés de base. La dernière finalité était de susciter l’engagement des agents pastoraux à accompagner les communautés chrétiennes de base dans le développement. Contrairement aux grandes parades ou autres jamborees avec mangeailles et beuveries, l’OCADES a choisi de célébrer ce 10ème anniversaire dans la sobriété. Il n y a donc pas eu de dépenses pour des repas communautaires ou des manifestations. De l’avis du Secrétaire Exécutif National, le Père Isidore Ouédraogo ce choix trouve sa pertinence dans la volonté d’« être solidaires des plus pauvres de nos communautés dans ce contexte mondialisé ‘de la vie chère ‘ ».

Puis d’ajouter : « L’augmentation des coûts des produits de base ou de grande consommation touche en priorité les couches les plus pauvres de nos communautés. Nous voul[i]ons que ce geste soit prophétique pour changer les attitudes et les comportements face aux fêtes et aux manifestations de manière générale ». Dans la dynamique du 10è anniversaire, du 02 au 11 avril, 136 Curés ont été formés sur l’OCADES. Les journées nationales de célébration communautaire ont eu lieu du 24 au 27 avril. Elles ont été marquées par la réunion du Conseil d’Administration, la tenue de l’Assemblée Générale, l’organisation d’une conférence de presse et d’une conférence publique. Le 29 mai 2008, les grands séminaristes du Grand Séminaire Saint Pierre Saint Paul et du Grand Séminaire Saint Iréné ont bénéficié d’une formation sur l’OCADES. Pour une plus grande visibilité de l’évènement, des pagnes ont été imprimés. Un hymne à la charité a également été composé pour mieux communiquer sur la vision et les missions de l’OCADES.
Mobilisés pour les batailles futures.

Les interventions de l’OCADES sont du ressort de deux départements : le Département Solidarité et Partage (DSP) et le Département Développement et Promotion Humaine (DDPH). Socialement, les actions du DSP sont axées sur l’aide humanitaire, les secours d’urgence, la réhabilitation et la réinsertion des personnes vulnérables ou des exclus sociaux. Le DDPH pour sa part s’occupe de l’hydraulique, de la micro finance, de l’accès aux services sociaux de base, des questions liées à l’agriculture, à l’élevage, à l’environnement, de la problématique Femmes et développement… Depuis sa création en 1998, l’OCADES s’est déployée dans tous les 13 diocèses du Burkina Faso, lesquels diocèses regroupent plus de 158 paroisses pour près de 4500 villages. Aujourd’hui, il existe 13 secrétariats exécutifs diocésains où travaillent plus de 450 techniciens de différents profils. Economiquement, en 10 ans, plus de trente cinq milliards (35 000 000 000) francs CFA ont été injectés dans le domaine du développement comme dans le domaine social lors des crises alimentaires ou des catastrophes naturelles. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Les défis à relever sont encore importants au regard des difficultés rencontrées.

Au nombre de ces écueils, il y a la question de l’implication et de l’appropriation des infrastructures dans une optique d’autonomisation atteinte, la mobilisation constante de tous les acteurs à la base, la question de la gestion du foncier au niveau des villages et la marginalisation de la femme dans les sphères de production. Pour inverser la tendance, l’OCADES a élaboré un plan stratégique 2005-2010. Il a pour objectif global d’accompagner les populations dans l’auto prise en charge de leur développement. Trois axes ont été définis dans une telle perspective : l’axe développement et promotion humaine, l’axe solidarité et partage et l’axe renforcement des capacités d’intervention des populations bénéficiaires et de l’OCADES. 10 ans sont entrain de passer, de nombreuses autres années arrivent. A l’OCADES, le leitmotiv est que toutes les actions, en tout temps et en tout lieu, doivent être réalisées dans l’amour et la foi inébranlable en Dieu.

Arsène Flavien Bationo (bationoflavien@yahoo.fr)
Lefaso.net


Abbé Isidore Ouédraogo, SEN OCADES : Construire la pastorale sociale sur du roc !

« Les défis majeurs de la pastorale sociale au Burkina Faso ». Tel est le titre de l’ouvrage de 164 pages écrit par l’Abbé Isidore Ouédraogo, Secrétaire Exécutif National de l’Organisation Catholique pour le Développement et la Solidarité (OCADES Caritas Burkina).Paru en juillet 2006, cet essai qui a pour sous titre « éviter de construire sur le sable » est une analyse critique de la mission sociale de l’Eglise sous l’angle théologico-pastoral. A travers une redéfinition des concepts de « pauvreté » et de « développement », l’auteur met à nue les avatars du fondamentalisme libéral fondé sur l’accumulation effrénée et la quasi chosification de l’homme. Par la même occasion, il prône une vision ontologique du développement dans laquelle l’homme n’en serait plus objet, mais plutôt acteur et sujet

« Deus caritas est ». Dieu est amour/charité. La première encyclique du Pape Benoît XVI ainsi intitulée, traduit la vocation de l’Eglise à être instrument de charité et surtout à inculquer cette vertu cardinale aux hommes. En ce sens, la pastorale sociale est une véritable mission de conscientisation, d’appui et de promotion intégrale de l’être humain. L’homme doit donc être toujours considéré comme une fin et jamais simplement comme un moyen. Pour éviter de poursuivre l’ombre au détriment de la proie, il est nécessaire de bâtir sur du roc en cernant d’abord tous les contours du problème qu’on veut résoudre. Son ouvrage étant une réflexion sur les enjeux et les défis du développement au Burkina Faso, L’Abbé Isidore Ouédraogo commence par faire un diagnostic de la situation socio-économique du pays.

Celle-ci est caractérisée par une pauvreté chronique et résiduelle et une croissante paupérisation. Se basant sur les chiffres de l’Institut National de la Démographie et de la Statistique (INSD), il avance qu’en 2003, 46,4% de la population vivaient en dessous du seuil de pauvreté fixé à 82 6 72 FCFA par personne et par an dans un ménage. Ces mêmes sources indiquent que la pauvreté, définie par l’INSD comme « une privation tant physiologique que sociale du bien-être de l’être humain », frappe 52,3% des populations en milieu rural contre 19,9% en milieu urbain. Mais dans tous les cas, précise l’auteur, l’indigence est essentiellement féminine et infantile.

Portrait robot du « pauvre »

Au Burkina Faso, dans l’imaginaire collectif, « être pauvre », rime avec misère, indigence, dénuement, marginalisation, exclusion. « Être développé » par contre équivaudrait à être riche ou à acquérir la capacité de s’enrichir. Cette perception est purement économiciste. D’où cette question du Secrétaire Exécutif National de l’OCADES : quel type d’édifice construit-on quand le processus de développement se réalise dans une logique d’accumulation ? On abouti simplement à une stratification sociale marquée par une féroce dictature des classes dominantes. C’est le triomphe de la logique : « qui a l’argent, a le pouvoir ». Une vision diamétralement opposée à celle de l’Eglise qui depuis 1900, vient en aide aux démunis du Burkina Faso dans une dynamique locale d’auto promotion et sans aucun prosélytisme.

Selon l’Abbé Isidore Ouédraogo, les facteurs de la pauvreté sont à rechercher dans l’imposition du fondamentalisme libéral, la montée de la corruption, la démocratie mécanique, les insécurités humaines, etc. Tous ces travers ont entraîné une crise de confiance entre gouvernants et gouvernés. Elle s’est traduite par de vives réactions au cours des famines successives de 1950 à 1983, des luttes syndicales du 03 janvier 1966, de la révolution sankariste et surtout de la contestation populaire née du drame de Sapouy, le 13 décembre 1998.

Face à l’ampleur de la crise, le gouvernement a été contraint d’opérer des réformes institutionnelles, sociales et politiques contre la culture d’impunité généralisée, contre la violence politique et la violence d’Etat érigée en système de gouvernement. Après l’expérience douloureuse des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), le pays a été admis à l’initiative PPTE (Pays Pauvre Très Endetté), tout en se dotant d’un Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Malgré ces différents instruments, les résultats se font toujours attendre. La contribution d’autres acteurs est donc plus que nécessaire.

Les organisations caritatives face à leurs responsabilités

C’est alors que l’Abbé Isidore aborde la piste des organisations catholiques caritatives intervenant au Burkina Faso. Les premières à s’implanter sont le Secours Catholique France (SCF) en 1956 qui deviendra Caritas Voltaïque en 1961, et Catholic Relief Service (CRS-USA) en 1960. En 1973, l’Eglise fonde le BEL (Bureau d’Etudes et de Liaison). Son objectif, aider et accompagner les initiatives locales de développement. C’est réellement à partir de 1983 qu’on assiste à l’émergence d’une pastorale sociale structurée avec la mise en œuvre de programmes périodiques de développement.

Constatant la multiplicité et la rivalité entre les acteurs (BEL et Caritas), la dispersion des efforts et l’absence d’une stratégie commune, la conférence des évêques décide de la création de l’Organisation Catholique pour le Développement et la Solidarité (OCADES) par fusion du BEL et de la Caritas. La création intervient le 05 février 1998. L’OCADES est membre de Caritas Internationalis, confédération mondiale de 162 organisations catholiques de secours, de développement et de service social. Sa contribution se réalise à travers la mise en œuvre de stratégies d’auto prise en charge des populations par l’organisation de formations diverses, l’appui aux agriculteurs et éleveurs, l’alphabétisation, l’enseignement, l’aide humanitaire, le secours d’urgence, le renforcement des capacités organisationnelles…

Dix ans après sa création, sa contribution au développement du Burkina Faso est de plus en plus forte. Si la pastorale sociale est à saluer, l’Abbé Isidore Ouédraogo attire l’attention sur des attitudes ou comportements qui pourraient compromettre ses actions ou entacher la noblesse de ses intentions. Il en est ainsi du péril de la déresponsabilisation de l’Etat puisque les organisations répondent devant les donateurs et non devant l’Etat. Il y a également le piège de la mendicité. Selon l’auteur : « la tentation est toujours grande d’utiliser la misère comme un code culturel, émotionnel pour attendrir, émouvoir et susciter un élan de générosité quand le misérabilisme semble toucher les donateurs ».

Le troisième danger est celui de la compétition : « La recherche immodérée et quelques fois inopportune des financements qui caractérise les organisations engagées dans les questions de développement en contexte burkinabè, produit des mécanismes de compétition, des attitudes et des habitudes concurrentielles. La logique de la compétition se joue à la fois sur le terrain de la recherche des financements auprès des bailleurs de fonds, sur la capacité de structuration des organisations à cette recherche, et malheureusement sur le terrain des réalisations avec les populations ». Les structures d’Eglise n’échappent pas à cette situation. De ce fait, l’abbé Isidore appelle les différents protagonistes à développer la responsabilité citoyenne des chrétiens en accordant une place centrale au laïcat dans la pastorale de développement.

A ses yeux, il est également important de faire évoluer la culture organisationnelle vers des dimensions plus humaines et véritablement chrétiennes. S’inspirant de 1 cor13, 1-13, ce consultant en développement organisationnel et Coach martèle : « Les communautés humaines peuvent tout faire, tout posséder, tout réaliser, parler les langues des hommes et des anges, connaître les mystères et les sciences, avoir une foi à transporter les montagnes, distribuer tous leurs biens en aumône, livrer leurs corps aux flammes,… si elles n’ont pas la charité, cela ne sert à rien ».

Arsène Flavien Bationo (bationoflavien@yahoo.fr)
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