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Fonction publique : On évalue les wagons sans les locomotives

Publié le vendredi 6 juin 2008 à 12h23min

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Le ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’Etat, Seydou Bouda a animé une conférence de presse le 28 mai dernier sur le nouveau système d’évaluation des agents de la fonction publique. Censé entrer en vigueur officiellement le 1er janvier 2006, ce nouveau système va connaître son application cette année. Il se veut plus transparent que l’ancien.

Par la circulaire No 2008-006 du 20 février 2008, le Premier ministre, Tertius Zongo a donné cette directive : « Afin de restaurer le crédit de l’Etat, j’invite chaque Président d’Institution et chaque Ministre à prendre toutes les mesures utiles pour la mise en œuvre effective du nouveau système d’évaluation des agents publics à compter du 1er janvier 2008 ». Que de temps mis pour faire appliquer ces textes qui devraient l’être officiellement depuis 2006. Ces dits textes ont été adoptés par la loi No 013/98/AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique. La teneur de cette nouveauté est livrée par deux articles. L’article 78 stipule : « Tout fonctionnaire en activité ou en détachement doit faire l’objet, chaque année, d’une évaluation exprimant son rendement dans le service.

Le pouvoir d’évaluation appartient au supérieur hiérarchique immédiat du fonctionnaire qui l’exerce sur la base d’un contrat d’objectifs établi annuellement avec chaque agent ».
Quant à l’article 79 : « Les résultats attendus et ceux atteints par le fonctionnaire, ainsi que les observations du supérieur hiérarchique font l’objet d’un entretien d’évaluation avec le fonctionnaire concerné.

A l’issue de l’entretien d’évaluation, une note chiffrée est arrêtée suivant une cotation de un (1) à dix (10) et communiquée au fonctionnaire.
La note chiffrée attribuée peut être contestée par toute personne ayant intérêt à agir. La contestation est adressée au Ministre de tutelle de l’agent noté, qui statue après avis du Comité Technique Paritaire. Toute évaluation jugée complaisante ou abusive expose le notateur à des sanctions disciplinaires ». Une moyenne de 6/10 peut faire espérer un avancement dans la carrière. Ce nouveau système est applicable aussi aux agents contractuels de l’Etat selon l’article 192 et devra permettre d’atteindre essentiellement quatre objectifs. Il s’agit de la promotion du dialogue et de la participation de l’agent ; la responsabilisation ; la transparence et l’harmonisation dans l’appréciation des rendements et des bases de notation.

L’agent de la Fonction publique, un maillon d’une chaîne

« L’évaluation des agents de la fonction publique exprime leur rendement dans le service. L’évaluation du rendement est un ensemble de procédures destinées à juger les qualifications et les mérites des agents. Elle mesure les activités des agents au cours d’une période de référence en s’appuyant sur des critères quantitatifs et qualificatifs explicités qui vont permettre aux supérieurs hiérarchiques immédiats de formuler une opinion globale et objective sur la contribution de leurs collaborateurs à la bonne marché du service.

L’évaluation du rendement prend en compte les résultats atteints mais également la manière dont ces résultats sont acquis ». Telle est la compréhension que donne le ministère de la Fonction publique et de la reforme de l’Etat. C’est donc une trouvaille pour une administration performante minée par plusieurs maux parmi lesquels sa politisation. La conséquence en est que l’appartenance politique devient critère d’avancement des agents de la fonction publique. Elle ne permet donc pas de placer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.

L’évaluation des agents de la fonction publique telle que conçue dans sa forme est une belle initiative mais la réalité du terrain la rendra t-elle applicable en toute objectivité ? Un directeur d’école, militant d’un parti politique pourra t-il avoir une certaine hauteur d’esprit pour noter objectivement un camarade du même parti qui a battu campagne avec lui pour la victoire du parti ?
Quoi qu’on dise, les habitudes ont la peau dure et ne s’effacent pas à coup de lois qui en fait, ne sont votées que pour contenter les institutions internationales. Les agents de la fonction publique ne sont que des maillons dans la longue chaîne qui désorganise l’administration publique.

Quid des présidents d’institution, ministres… ?

Ces fonctions ne sont pas considérées comme des emplois de l’administration publique. En effet, l’article 7 stipule : « Les agents de la Fonction Publique sont l’ensemble des personnes physiques recrutées pour assurer, à titre permanent ou temporaire, directement et personnellement, une mission de service public au sein des services centraux ou déconcentrés des administrations et institutions publiques ». Quant à la substance de l’article 12, on retiendra que : « Le mode commun d’accès aux emplois de la Fonction Publique est le concours, entendu comme étant le mode de recrutement par lequel des candidats sélectionnés sont soumis à des épreuves à l’issue desquelles ceux reconnus aptes sont classés par ordre de mérite par un jury souverain et déclarés admis, dans la limite des emplois à pourvoir, par l’autorité ayant pouvoir d’organisation des concours.

Il ne peut être dérogé au principe de recrutement par concours que de façon exceptionnelle et en application des textes en vigueur ».
Une interprétation stricto sensu de ces deux articles laisse entrevoir que le ministre, le président d’institution ne remplissent pas les conditions d’agents de la fonction publique. Par conséquent, ils sont exemptés d’une évaluation dans le cadre de la loi No 013/98/AN du 28 avril 1998. Pourtant, leur rôle est capital dans le fonctionnement des institutions de l’Etat. Ils forment une locomotive. Bien conduite, l’Etat y gagne. Mal conduite, c’est la dérive. Il faut donc une évaluation de ces personnalités pour mesurer à sa juste valeur leur rendement. Le Premier ministre Tertius Zongo avait promis une évaluation de ses ministres dès sa prise de fonction. Pour l’instant, cette évaluation tant attendue par les Burkinabé se fait attendre. Et en lieu et place, le gouvernement veut évaluer des wagons qui suivent le rythme de la locomotive afin d’éviter les actes « compromettant les performances de notre administration publique ».

Par Jean Paul Bamogo

Bendré

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