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Développement : L’incurie des dirigeants africains

Publié le jeudi 17 juin 2004 à 06h38min

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Après un grand incendie qui a fait des ravages proportionnels à
l’appétit vorace des flammes, le Gabon vient de connaître un
autre événement malheureux de taille avec le plongeon fatal
d’un avion la semaine dernière. Le Sénégal a connu lui aussi
son "deuil national", il y a 2 ans avec le naufrage du bateau
Joola.

A l’instar de ces pays et d’autres qui ont été décimés par
des catastrophes d’envergure, le Burkina Faso a également eu
son lot. L’incendie d’une partie du marché central de
Ouagadougou, sans avoir provoqué de pertes en vies
humaines, reste un grand trou béant pour l’économie nationale
déjà en difficulté.

Dans un cas, comme dans l’autre, tous ces
drames, qu’ils aient eu lieu au Burkina Faso où à l’autre bout de
l’Afrique, ont un triple dénominateur commun : la mal
gouvernance, l’absence de vision futuriste et l’incapacité
d’anticipation des gouvernants africains.
Cette incurie des dirigeants africains est la conséquence,
consciente ou non, de leurs programmes politiques qui se
limitent, la plupart du temps, à la défense envers et contre tous,
de leurs seuls intérêts individuels et égoïstes.

Au détriment du
peuple qui pourtant leur a permis de se hisser au sommet de
l’Etat, les gouvernants font souvent preuve d’une irresponsabilité
odieuse, se contentant de longs discours soporifiques, en lieu
et place d’actes concrets devant contribuer au mieux-être du
peuple. Régulièrement, nos responsables politiques constatent
l’état de délabrement de tel bâtiment ou tel véhicule
abondamment utilisé par le public, mais ne font rien. Ils se
taisent soit par complicité avec l’entrepreneur qui a mal fait le
travail ou avec le fournisseur qui a livré une machine
défectueuse, soit pour d’autres intérêts dont ceux politiques.

Dans le cas du Joola, du crash de l’avion de Gabon Express, ou
du marché Rood Woko, ce serait difficile, voire impossible
d’accorder le bénéfice de l’ignorance aux gouvernants. Dans le
cas particulier de Rood Woko, des simulations ont été faites et
la sonnette d’alarme a été tirée par les services compétents
mais rien n’a été fait pour éviter l’irréparable.
Les politiciens prennent rarement les choses en main, au
risque de faire des mécontents dans certains cercles qui
constituent le rocher sur lequel ils s’adossent ou les couches
qui forment leur vivier électoral.

En sus, la plupart des grosses
affaires qui prospèrent sont, soit leur propriété directe ou
indirecte, soit celle d’un de leurs parents, amis ou proches. Le
clientélisme, l’affairisme et la corruption étant devenus les
sports les mieux pratiqués, on ferme les yeux sur des pratiques
maffieuses, mais surtout dangereuses. Les surcharges de
véhicules de transport en commun qui passent sous le regard
passif et complaisant des forces de l’ordre moyennant quelques
billets de banque, la pollution à grande échelle occasionnée par
des industries appartenant à des "intouchables", les
occupations anarchiques d’espaces, etc., sont autant de
marques de la défaillance des Etats africains.

C’est le règne
des affaires et ce sont les populations qui, résignées en
souffrent. "Dieu est avec nous", laisse souvent tomber,
l’instituteur du fin fond du pays qui est contraint d’emprunter,
avec sa femme enceinte et ses deux enfants, l’unique camion
brinquebalant et "bourré", qui assure chaque semaine la liaison
avec la capitale et son lieu de travail. "On n’a pas le choix",
appuie le commerçant de kola ou le chauffeur du car, qui se
laissent racketter sans autre forme de procès par les agents
des forces de l’ordre qui sont plus préoccupés à remplir leurs
poches qu’à assurer la sécurité des usagers de la route.

Certes, la responsabilité des populations africaines qui
s’abonnent à la fatalité et font parfois preuve de manque d’esprit
citoyen et de prudence, n’est pas à exclure. Cependant, l’Etat
africain est encore plus criminel, lui qui ferme les yeux sur ces
impairs qui conduisent aux drames ou refuse d’informer les
populations sur les risques qu’elles encourent. On ne saurait
non plus occulter la minimisation coupable qui est faite de ces
dangers éventuels.

On cache des vérités aux populations.
L’opacité sur la gestion des affaires publiques servant de mode
de gouvernement, le développement participatif demeure un
leurre et le peuple n’est pris au sérieux que lorsqu’il s’agit de
voter.
Face donc à cette démission de l’Etat africain, la véritable
alternative reste l’émergence d’une société civile forte qui
s’appuierait sur une presse libre et responsable.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 17 juin 2004 à 12:45, par Casimir En réponse à : > Développement : L’incurie des dirigeants africains

    Je pense que les dirigeants se donnent certaines libertés parceque les populations leurs en ont permises. Le peuple est aussi responsable des mal-conduites de ses dirigeants. Tout peuple libre, qui veut vivre libre dit :

    - Non aux policiers qui volent les passagers pour leurs propres intérêts ;
    - Non à l’impunité ;
    - Non à la négligeance des décideurs ;
    - Non à l’esprit non visionnaire de ses dirigeants ;
    - Non à la mauvaise gestion des biens publics ;
    - Non à la corruption ;
    - Non à la non transparence ;
    - Non à tous les maux sociaux ;
    - La patrie ou la mort nous vaincrons ;

    Mais ce "non" n’est possible qu’avec un peuple convaincu et libre. La liberté a toujours un prix à payer. Les peuples Africains aujourd’hui refusent de payer le prix de la liberté. Ce prix qui consiste à limiter de façon explicite les dérapages de ses dirigeants. N’attendez surtout pas que ce prix soit facile à négocier. Et aucun individu tout seul ne saurait payer ce prix. Car ce prix nécessite une mobilisation importante de la population. L’expérience montre que tous ceux qui ont lutté pour la liberté des peuples Africains ont été assassinés le plus souvent sauvagement... Le peuple qui choisit consciencieusement son président, ses députés en Afrique vivra librement. En Afrique, les peuples ne se donnent pas les moyens d’être suffisamment libres, voilà pourquoi les dirigeants sont exagèrement libres..

    A tous ceux qui pillent les caisses de l’Etat, à tous ceux qui assassinent le peuple, à tous ceux qui se développent de façon illicite, à tous ceux qui sont inconscients, je dirai cela : "vous êtes la honte de l’Afrique".

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