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Commissions ad hoc parlementaires : Des médecins après la mort ?

Publié le jeudi 5 juin 2008 à 11h16min

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Pour réduire le coût de la vie devenu cher ces derniers temps et aussi donner une nouvelle dynamique à la démocratie burkinabè, l’Assemblée nationale a créé 4 commissions ad hoc. Celles-ci ont planché sus la vie chère et les réformes politiques et institutionnelles et ont récemment remis leurs rapports. Tout en saluant l’initiative, l’auteur des lignes suivantes se demande si celle-ci servira réellement à quelque chose.

Depuis quelque temps, notre pays, à l’instar de la majorité des Etats africains, vit dans un contexte de critique de gouvernance. On se rappelle encore des expressions comme : « Le Burkina Faso est à la croisée des chemins » (Laurent Bado citant Blaise Compaoré) ou encore « La démocratie est en crise au Burkina Faso » (Me Hermann Yaméogo), il y a déjà quelque trois ou quatre ans.

Aujourd’hui si tout le monde en parle, et c’est malheureux, c’est parce que le phénomène est devenu général. Tous les Etats qui n’ont pas anticipé la rectification des règles de gouvernance se trouvent aujourd’hui au bord du gouffre. Ainsi, toutes les fois que la politique économique d’un pays est caractérisée par le clientélisme, le clanisme ; que la politique sociale est caractérisée par une négligence des secteurs tels que la santé, l’éducation ; que la démocratie est vidée de tout son sens par les fraudes, les abus de tout genre, il y a crise, le peuple perd confiance et la suite n’est généralement "pas jolie ".

Il est vrai qu’en plus des phénomènes mondiaux liés à la cherté de la vie, la détérioration de la gouvernance touche le monde entier. Seulement, chaque pays, au regard de son histoire et de la politique qu’il mène, est touché de façon particulière. C’est pourquoi moi, je ne proposerai pas comme l’honorable député Mahama Sawadogo d’aller aux Nations unies pour en parler. Chaque Etat a ses propres remèdes, en tout cas pour sauver l’essentiel.

Crise de gouvernance

Au Burkina, avant les derniers événements liés à cette crise de gouvernance, nous avons connu des périodes similaires dans les années 98-99 où, c’est la preuve que la gouvernance est biaisée, la mort de Norbert Zongo a fait parler beaucoup plus des travailleurs qui avaient des arriérés, des opposants qui n’avaient pas accès à des postes électifs du fait de code taillé sur mesure, des étudiants qui n’avaient pas de bourse, la violation des libertés publiques que de l’assassinat lui-même. Contrairement aux années 90, il n’ y a pas eu de fuite en avant, on a décidé de faire face aux problèmes que connaissait notre société à travers un collège de sages (constitué de religieux, coutumiers, anciens chefs d’Etat...) qui, dans un rapport remis au Président, a fait un état des lieux pas du tout complaisant.

Si aujourd’hui on a l’impression d’être à la case départ, c’est parce qu’on a remis en cause ce rapport ; on ne saurait donc sortir de cette impasse sans faire recours à ce qui a été un jour à l’origine de notre cohésion, aussi brève fût-elle. Comme pour dire que la politique est l’art de feinter, de créer, on voit le Parlement qui, jusqu’à preuve du contraire, a entériné la remise en cause des recommandations du collège de sages (à travers des révisions constitutionnelles et autres modifications de lois) se porter volontaire pour endiguer la crise que notre pays connaît à travers la création de quatre commissions.

Nier la pertinence de cette initiative serait, pour moi, une malhonnêteté intellectuelle. Aussi voudrais-je saluer le courage de notre auguste Assemblée pour une telle initiative dans la mesure où, jusqu’à preuve du contraire, elle n’a jamais existé, mais elle ne saurait servir à quelque chose si elle n’aborde pas les questions essentielles de la crise de notre démocratie.

En attendant que le Parlement rende publics les rapports qu’ils a reçus pour faire les analyses qu’il faut, on peut, a priori, dire ce à quoi nous nous attendons.

De la vie chère

On ne saurait comprendre à quel titre le Parlement, justement lui qui est indexé soit par la presse, les cadres... d’être budgétivore parce qu’ayant un coût de fonctionnement énorme et les députés des émoluments, comme qui dirait conséquents, puisse être seul à statuer sur la question de la vie chère à côté de nos braves travailleurs qui, depuis un certain temps, battent le pavé pour un mieux- être face à un mépris qui ne dit pas son nom ! Nos paysans qui, depuis un certain temps, ne savent plus ce qu’ils doivent faire dans la mesure où ils donnent l’impression d’être exclus de la politique agricole dans un contexte d’APE , nos commerçants qui sont taxés de torpilleurs, spéculateurs.

Non ! je pense personnellement que ces acteurs ne sont pas, dans ce contexte particulier, à mettre seulement au niveau de la consultation, ils doivent non seulement être dans la conception des nouvelles mesures, mais aussi dans la mise en œuvre de celles-ci. C’est ainsi qu’on pourra dire que nous avons avancé dans le processus de développement et de dialogue social efficient. Si en Guinée Lassana Kouyaté a été Premier ministre, ce n’est pas parce que le RPG du général Conté n’avait pas la majorité, encore moins parce que les députés de ce pays ne se sentent pas aussi patriotes que les nôtres ! On doit, en plus des travailleurs et des commerçants, ajouter les consommateurs et les producteurs dans la recherche et l’application des solutions pour une vie moins chère pour les Burkinabè.

Pour ainsi dire, les mesures telles que celles qui pourraient être recommandées, au demeurant non exécutoires, ne peuvent pas constituer des mesures d’apaisement parce qu’il faut par exemple que tel commerçant sache que ce n’est pas X tout seul qui a le monopole du riz, ou que ce consommateur puisse être sûr de pouvoir vivre sans dette. Bref !

De la réforme institutionnelle et politique

En attendant que les rapports parlementaires soient rendus publics pour qu’on sache le contenu des réformes que les commissions proposent en matière institutionnelle et politique, il est intéressant de rappeler que la situation que notre pays traverse est aussi liée à la crise de représentativité, notamment au Parlement et aux conseils municipaux, où le droit de suffrage des citoyens est dévoyé, les partis politiques d’opposition semblent ne pas avoir le droit d’exister du fait du code électoral en vigueur. Pour cette raison, on peut saluer l’initiative parlementaire, même si cela ressemble à ce qu’on appelle le médecin après la mort ! Un toilettage du système électoral est à saluer et le Parlement actuel, qui est justement le produit de cette volonté du CDP de tout racler, est le mieux placé pour rectifier. Mais quid des autres institutions qui ne souffrent pas moins de dénaturation ? La justice, on ne cessera de le dire, est gangrenée par la corruption et la politique. Des diplomates même sont souvent montés au créneau pour dénoncer cet état de fait. L’armée n’est pas en reste de l’injustice ni de la mauvaise organisation... Les parlementaires se doivent également, dans un cadre inclusif de tous les acteurs concernés, de s’y intéresser d’autant plus que la tension sociale n’est pas uniquement liée au statut de chef de file de l’opposition ou du code électoral mais à toute la confiance que le peuple a perdue en ses gouvernants.

En conclusion, je pense que la situation dont on parle actuellement pose même le problème de notre actuel parlement, de notre actuel gouvernement, de notre type de régime... Un travail exclusif d’aucune commission ne peut nous faire sortir de cette impasse, à moins que les gens ne s’accrochent qu’a leurs avantages !

Arsène S. Koné
Etudiant en 4e année de droit

L’Observateur

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