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Etat de droit en Afrique : Les révisions constitutionnelles en question

Publié le mercredi 4 juin 2008 à 12h14min

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Augustin Loada du CGD

Le Burkina a connu quatre constitutions dans son histoire démocratique. Chacune de ces constitutions présente des avantages et des inconvénients mais aucune n’a véritablement épousé les aspirations réelles des populations. Ces conclusions sont sorties du séminaire sur le constitutionalisme et les révisions constitutionnelles en Afrique francophone organisée par le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), le 03 Juin 2008 dans la salle de conférence du PNUD.

« Le Bénin et le Mali n’ont jamais modifié leurs constitutions, tandis que le Sénégal l’a modifié une douzaine de fois, soit en moyenne une modification chaque cinq mois ». Ce constat est du Professeur Madior Fall, modérateur de la conférence. Il déduira donc que le Burkina qui en est à sa quatrième constitution se situe au juste milieu. Les premières interventions ont porté sur la procédure d’élaboration de la première constitution en 1991. A ce propos, les témoignages de Arsène Bongnessan Yé qui a présidé le comité constitutionnel de l’époque et de Me Halidou Ouédraogo membre de la commission, ont été fort édifiants. De commun accord, ils ont reconnu que les forces en discussions étaient disproportionnées. Sur les 104 membres de la commission, 64 venaient du Front révolutionnaire et seulement 40 des reste de la société, qui regroupait les voix discordantes tel que le MBDHP, le Parti Africain pour l’intégration (PAI), l’Eglise catholique et bien d’autres.

Ce ne fut pas du tout facile car, comme l’a souligné Me Halidou Ouédraogo très diminué par sa maladie mais au maintien très fier, il y a eu beaucoup de tentatives d’intimidations et même l’enlèvement du représentant des étudiants à la commission. Finalement, le Burkina réussira tout de même à avoir sa première constitution en 1991, après six mois de travaux. Après cette présentation de l’arrière cour de la rédaction de la constitution de la première république du Burkina, le professeur Luc Marius Ibriga a défini les tendances générales de toutes les constitutions que le Burkina a connues.

Tendances des constitutions burkinabè selon Luc Marius Ibriga

« Une présidence négro africaine », c’est ainsi que le Professeur Ibriga définit l’exercice du pouvoir exécutif au Burkina. Toutes les constitutions qui se sont succédé ont consacré la toute puissance du chef de l’Etat. Dans la première constitution il est stipulé : « Le pouvoir exécutif appartient de façon exclusive au président de la république ». Dans la présente constitution, il est stipulé : « Le président de la république détient la totalité du pouvoir exécutif ».

Sur le plan législatif, les constitutions Burkinabè ont une tendance à la

professionnalisation parlementaire. Les députés sont des salariés, sauf sous la deuxième république ou le mandat des députés était gratuit et qu’ils avaient leurs activités professionnelles propres. Ces derniers ne touchaient que des perdiems lors des différentes sessions parlementaires.

Des rapports inégaux ont été soulignés entre les différents pouvoirs par le professeur Luc Marius Ibriga. Notamment, les différentes constitutions tendent à l’abaissement du pouvoir judiciaire. Le président de la république est considéré comme le chef suprême de la magistrature. La décision qui a été prise sous la quatrième république d’éclater la cour suprême en différentes juridictions : cour des comptes, cour de cassation et conseil constitutionnel a été décrié par la majorité des intervenants et considérée comme un affaiblissement du pouvoir judiciaire. A cette analyse du Professeur Luc Marius Ibriga, succèdera celle du secrétaire exécutif du CGD, le professeur Augustin Loada.

Des révisions constitutionnelles qui émanent de l’Assemblée nationale mais pas du peuple.

De la communication du Professeur Loada, il ressort que les révisions constitutionnelles de 1997, 2000 et 2002, ont toutes été des initiatives des députés de l’Assemblée Nationale. Le peuple est toujours resté en marge, et ses aspirations les plus profondes ignorées. Le professeur explique cela par les motifs qui ont prévalu à ces révisions. Les amendements constitutionnels portent généralement sur la durée du mandat présidentiel. Il s’agit donc en substance de la consolidation du pouvoir exécutif et non de la prise en compte des aspirations du peuple.

Toutefois, Augustin Loada note une exception pour la constitution de 2000 qui a consacré un rééquilibrage des forces sociopolitiques nationales. Cela s’explique par le rapport de force qui a été inversé par la révolte née de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998. Mais les avancées de cette constitution, une fois que le rapport de force a été inversé, ont été annulées par la constitution de 2002. C’est ce qui a fait dire aux différents intervenants que c’est le rapport de force en place qui conditionne le tripatouillage ou non des constitutions, ou la prise en compte des aspirations populaires en lieu et place des stratégies de conquête et de consolidation du pouvoir.

Le professeur Augustin Loada a saisi l’occasion pour révéler l’existence d’une base de données sur les valeurs que les Burkinabè souhaitent voir inscrire dans leur constitution. Des données qui sont le résultat d’une enquête du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), qui souhaite que les autorités Burkinabè puissent en tenir compte pour d’éventuelles futures modifications constitutionnelles.

La conférence qui s’est tenue toute la journée du Mardi 03 Juin 2008, a connu la présence de plusieurs personnalités dont des députés, des chefs coutumiers, mais aussi d’anciens acteurs politiques qui ont apporté leurs témoignages en vue d’éclairer le processus de démocratisation entamé depuis la première constitution de 1991. La cérémonie a été présidée par le président de l’Assemblée Nationale, Roch March Christian Kaboré, qui s’est engagé à tenir compte des différentes propositions qui résulteront des échanges.

Hermann Nazé
Lefaso.net

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