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Crise alimentaire en Afrique : S’appauvrir pour mieux rebondir

Publié le mercredi 4 juin 2008 à 11h35min

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Jamais sommet de la FAO n’aura été aussi attendu. Le monde entier est confronté à une crise alimentaire qui risque de plonger durablement de nombreux pays dans l’insécurité alimentaire. Il n’est donc pas surprenant que le sommet de Rome batte des records de participation. La FAO se penche donc sur la santé alimentaire du globe et sur les moyens de permettre aux agricultures des pays en développement de faire face à la crise alimentaire.

La flambée des prix des produits de première nécessité a fini de mettre à nu les politiques agricoles des pays du Sud, notamment ceux du continent africain qui n’arrivent plus à nourrir leurs populations. Ce qui est l’illustration d’un échec politique. Même Mugabe, en pleine campagne électorale, n’a pu résister à l’idée de se rendre au sommet de la FAO, malgré l’hostilité des Occidentaux. Trop dépendante de l’extérieur pour ses denrées essentielles telles que le blé, le riz, les pâtes alimentaires et le lait , l’Afrique a le plus à perdre dans ce tourbillon de la vie chère dont la première cause officelle reste l’envolée du prix du pétrole, pris en otage par des spéculateurs. Ce sont là les travers du système capitaliste.

Les émeutes de la faim qui ont fait tache d’huile dans les capitales africaines ont sonné comme une alerte pour les gouvernants et les institutions internationales. La FAO a dû reporter son sommet annuel et réadapter le thème à l’actualité brûlante.

Du coup, les pays exportateurs de ces produits sensibles ont subitement opté pour une politique d’exportation prudente. Ils font des stocks et ne mettent que le strict minimum sur le marché. Les intermédiaires se font des plus-values énormes sur le dos des pays importateurs et sur le dos des consommateurs africains, obligés de se plier en quatre pour se procurer le fameux sac de riz dont la consommation, du fait d’une démographie galopante, a explosé en moins d’une décennie.

Mais en réalité, cette insécurité alimentaire n’est pas le fait d’une pénurie de denrées alimentaires dont souffre le continent. Il s’agit plutôt d’une question d’accessibilité. La flambée des prix met à mal le pouvoir d’achat stagnant voire régressant des ménages. Le directeur général de la FAO a vu juste en déclarant à l’ouverture du sommet que pour l’Afrique, il fallait des solutions politiques à la crise. D’une certaine façon, il fait le constat de l’échec de toutes les politiques mises en oeuvre depuis les indépendances. Elles ont été incapables de mettre le continent à l’abri de la disette et de sécuriser les populations au plan alimentaire. Au contraire , on a vu des pays sacrifier, sous la férule des PAS (Programme d’ajustement structurel), le développement de l’agriculture vivrière au profit des cultures de rente et surtout des devises pour alimenter le fonctionnement de l’Etat. Ils y ont été encouragés par les institutions de Bretton Woods qui ont fait démanteler tous les systèmes nationaux d’appui et d’encadrement. Livrant ainsi des producteurs à un marché dont ils ne maîtrisaient pas tous les contours. D’ailleurs, ces pays n’avaient-ils pas fait l’option suicidaire de nourrir leur peuple avec les surplus alimentaires à très bas coûts du Nord ? C’est depuis ces démantèlements sauvages que l’Afrique a renoncé à sa souveraineté alimentaire, se soumettant à l’aide alimentaire internationale devenue au fil des ans une arme politique entre les mains des pays donateurs.

Le tout libéral est un système économique qui a comme corollaire la pauvreté. Les riches n’ont jamais été aussi riches, tandis que les pauvres ont de plus en plus du mal à survivre. L’Afrique doit avoir le recul nécessaire et réfléchir par elle-même pour son développement. Il faut espérer que la flambée actuelle des prix, conjuguée aux cris de colère des villes et des campagnes africaines, bouscule enfin l’orgueil des dirigeants africains afin qu’ils se donnent les moyens, individuellement ou collectivement, de créer les conditions de nourrir convenablement leurs populations : des politiques agricoles adaptées aux besoins de celles-ci et complémentaires dans un cadre régional ou continental. Il est difficile de se développer quand on n’arrive pas à assurer à sa population, l’un des droits fondamentaux : se nourrir.

La mécanisation et l’utilisation des fertilisants agricoles pour augmenter les rendements restent problématiques. Le potentiel agricole est énorme pour atteindre cet objectif de sécurisation alimentaire. Mais, force est de reconnaître que les politiques en la matière ne sont pas vigoureuses. Et, c’est dans un tel contexte que l’on fait miroiter au continent les vertus de la culture des plantes pour le biocarburant. Encore une façon de divertir le continent de ses priorités ? Tout comme avec les produits de rente tels le coton, l’arachide, le café, les investisseurs ne manquent pas d’argent pour promouvoir la culture des plantes à usage énergétique et du coton OGM. Une nouvelle dépendance se prépare à l’horizon si l’on n’y prend garde. Les terres cultivables seront en concurrence pour la production d’aliments ou d’énergie. Le continent n’en manque pas. Aux africains de refuser les aides liées, de renoncer à certaines facilités d’aujourd’hui, avec tout ce que cela comporte de sacrifices pour se bâtir une vision, une stratégie de développement basée sur une agriculture qui assure sa sécurité alimentaire en priorité.

"Le pays"

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