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Afrique du Sud : L’héritage dilapidé de Nelson Mandela

Publié le vendredi 30 mai 2008 à 12h11min

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Zuma et Mbeki

Des Noirs s’attaquant à d’autres Noirs. La capitale économique sud-africaine Johannesburg, vient de connaître des scènes d’horreur caractérisées par de violentes attaques xénophobes, qui feraient sourire l’ancien président ségrégationniste Pieter Botha. Bouc émissaire des nombreuses frustrations nées de l’accroissement des inégalités sociales dans ce pays, la communauté étrangère est la cible toute trouvée de populations pauvres sud-africaines, elle qu’on fait passer pour la principale cause de la misère et du mal-être de tous ces paumés et autres crève-la-faim de ce pays.

De fait, en Afrique du Sud, les tensions sociales ont été aggravées par l’arrivée de millions d’Africains, pour la plupart clandestins. Et si l’on est arrivé à une telle explosion de violences, c’est que rien n’a été fait pour éviter le pire. Bien au contraire, on a le sentiment que les gouvernements successifs sont restés insensibles, voire sourds à de nombreux appels qui tendaient à les mettre en garde. On sait par exemple qu’une enquête menée en 1998, attirait l’attention du gouvernement de Nelson Mandela sur “une xénophobie rampante, un sentiment hostile vis-à-vis de l’étranger ”. Plutôt que de faire de l’anticipation, de mettre des garde-fous pour contrer la menace xénophobe, la nation arc-en-ciel a visiblement fait dans le laisser-aller, si elle n’a pas laissé les choses pourrir. Certes, on peut concéder aux autorités sud-africaines qu’elles n’ont pas été suffisamment préparées à un afflux important d’étrangers constitués en majorité de Zimbabwéens. Mais en profitant de cette main-d’œuvre moins chère et parfois bien qualifiée, l’Etat a-t-il toujours eu le souci de garantir un minimum de protection aux travailleurs immigrés ? Assurément, non. Objet de rackets permanents, ceux-ci sont toujours condamnés à vivre dans l’illégalité parce que la régularisation est, pour eux, quasiment impossible. L’octroi d’un statut spécial aux travailleurs migrants des pays voisins, tel qu’envisagé par le gouvernement sud-africain, pourrait donc apporter un plus en termes de meilleur traitement de l’étranger.

Evidemment, le tout n’est pas d’améliorer les conditions sociales de ces migrants. Car cette explosion de xénophobie n’est pas une simple réaction face à une immigration incontrôlée. Elle est beaucoup plus révélatrice d’un malaise social profond au sein d’une population sud-africaine qui ne cesse de subir les contrecoups de la vie chère et qui continue d’être durement frappée par le chômage. Avec son slogan scandé à chaque élection (“une meilleure vie pour tous ”), le parti au pouvoir, l’ANC, n’a jusque-là pas été en mesure de répondre aux attentes sociales d’une population sud-africaine noire toujours en proie à la misère et qui a du mal à comprendre que les dirigeants de la plus grande puissance économique du continent peinent à améliorer son sort, et ce depuis les années d’apartheid.

Si les violences apparaissent ainsi comme un message clair à l’attention des autorités, celles-ci devraient donc prêter une attention particulière à l’appel. En ce qui le concerne, le président Sud-africain Thabo MBeki devrait se montrer plus réactif, lui qui, déjà, a été l’objet de critiques pour avoir mis du temps avant de désapprouver de telles agressions.

Ce déchaînement de violence écorne l’image de la Nation arc-en-ciel qui aspire pourtant à un leadership continental et, mieux, à disposer, au nom de l’Afrique, d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Face à l’image hideuse que lui renvoie cette nation, le reste du continent ne peut qu’en être choqué, à l’image du Nigeria qui n’a pas hésité à réclamer des dédommagements pour les exactions commises contre ses ressortissants.

Le climat semble à présent revenu à l’apaisement après le défilé de milliers de manifestants qui demandaient l’arrêt des violences. Comment à présent faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent plus ?

Il est clair que cette affaire qui vient davantage assombrir l’image de ce pays déjà connu pour sa grande criminalité, aura du mal à se répéter si elle est gérée avec la plus grande fermeté et la plus grande clairvoyance. Plus que l’image de son pays, celle du président sud-africain Thabo M’Beki en prend un sérieux coup. On peut dire que c’est une fin de mandat peu honorable pour ce dernier. En permettant à la xénophobie de franchir un tel palier, Thabo M’Beki montre une fois de plus - il a échoué dans certaines médiations sur le continent - son incapacité à chausser les bottes d’un grand homme comme Nelson Mandela. Assurément, Thabo M’Beki aura, de façon certaine, dilapidé l’héritage de cette figure illustre du continent noir en s’éloignant un peu trop, dans la pensée et le style, de l’ancien pensionnaire de Roben Island.

“Le Pays

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