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Malick Sawadogo : "Les cybercentres communautaires jouent un rôle de service public"

Publié le mercredi 28 mai 2008 à 11h05min

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Malick Sawadogo

Capitaliser l’apport des cybercentres communautaires au développement en renforçant leurs capacités par une meilleure synergie, tel est l’objectif d’un atelier qui se tient demain à l’initiative de quelques animateurs de ces structures dans la salle de conférence de l’autorité du Liptako Gourma sise avenue Kwamé NKrumah. Pour Malick Sawadogo, l’un des organisateurs, les cybercentres communautaires jouent un rôle de service public et doivent être soutenus comme tels.

Qu’est-ce qu’un cybercentre communautaire ?

Ces structures ont plusieurs dénominations et cela en fonction des partenaires techniques et financiers, des organisations qui supportent l’initiative. Communément, on a les appellations Centres Multimédias Communautaires, Cybercentres communautaires, téléboutiques, Télécentres Communautaires Polyvalents. En anglais, l’appellation la plus dominante est celle de TELECENTER, soit Telecentre.
Les réelles missions et objectifs de ces structures n’ont souvent rien à voir avec leurs dénominations. Ce qui importe, ce sont les activités qui s’y mènent. Elles vont du simple appel téléphonique en passant par la navigation web, la formation, le e-commerce et la formation à distance. Vu sous cet angle, le telecentre est un espace renfermant une large gamme de services en fonction de son lieu d’ancrage, des attentes de la population et des dispositions matérielles existantes dans cet espace.

D’une manière général, un cybercentre est un espace public grâce auquel des utilisateurs (membres d’une communauté ou d’un groupe particulier) peuvent avoir accès gratuitement ou non, à des ordinateurs, à l’Internet et à d’autres technologies de l’information et de la communication, permettant de collecter de l’information, de l’emmagasiner, de la traiter et de la communiquer, tout en facilitant une meilleure connaissance des outils et des infrastructures numériques. Les Cybercentres communautaires polyvalents ont vocation à offrir une gamme plus variée de services, à favoriser la participation des utilisateurs, tant au niveau de la propriété, de la gestion et de l’exploitation qu’à celui de la définition des services à offrir.

En quoi les cybercentres peuvent-ils participer au développement ?

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent de nos jours un rôle de levier de plus en plus déterminant dans le développement économique, social et culturel des nations. Elles sont devenues un véritable outil stratégique pour l’enracinement de la bonne gouvernance, le développement et la valorisation des ressources humaines et la transformation de la mondialisation en opportunités.
Les cybercentres tels que définis ci-dessus comme étant le lieu où les populations ont accès aux TIC, on peut affirmer sans hésitation qu’ils contribuent considérablement au développement d’une nation.
En effet, les cybercentres communautaires étant des outils transversaux, ils interviennent dans plusieurs secteurs liés au développement. Entre autres :

En agriculture, les cybercentres contribuent à accroître la qualité et la production agricole en offrant l’accès aux informations sur les prix des marchés de certains intrants agricoles. Ils fournissent aussi l’information sur les techniques de production et de commercialisation d’emballage, de traitement sur les activités agricoles.
En éducation, les cybercentres communautaires peuvent aider à accroître la qualité des enseignements dans leurs localités en fournissant du matériel d’appui aux écoles et aux lycées (accès à des ressources numériques, des cd multimédias, échanges avec d’autres lycées dans le monde par des foras et des vidéo conférences, aide à la recherche de partenaires...)
En partenariat avec les enseignants et responsables d’établissement scolaires et universitaires, des activités intellectuelles et de recherches peuvent être instaurées (création et animation de blogs individuels ou par groupe sur des sujets/thèmes précis) afin de développer les capacités de recherches chez les jeunes scolarisés.
Les cybercentres peuvent servir de cadre pour la collecte et la numérisation des données scolaires (nombre d’élèves, résultats des examens, etc.)

En santé, les cybercentres jouent un rôle de premier plan en favorisant l’accès à de l’information médicale et les conditions à tenir pour une meilleure santé de la population. Les cybercentres deviennent par conséquent des partenaires privilégiés du monde de la santé et peuvent aider à développer la télé médecine et la télé expertise au niveau local

En E-gouvernance, ils facilitent l’accès a des informations étatiques à travers les sites web institutionnels et ministériels, aux données et listes électorales informatisées, à l’obtention de documents en ligne, accès aux journaux locaux en ligne...

Pour le cas particulier de la cyberstratégie nationale par rapport à la dynamique des cybercentres, il faut dire que cette cyberstratégie telle que définie par le gouvernement ne peut réellement voir le jour sans une complicité avec les cybercentres et sans une véritable implication de ceux-ci. Les cybercentres sont des réceptacles par où les informations numériques du gouvernement peuvent atteindre le grand public sur tout le territoire national et par où les travaux des populations peuvent être exécutés. Les cybercentres doivent être des espaces de conseils sur la vie numérique nationale, sur la cyberdélinquance dont souffrent les populations utilisant l’Internet, ainsi que des espaces d’appui à la formulation de projets pour le monde du développement.

Quant au fonds de service universel, dans le cas spécifique du Burkina, l’Autorité de Régulation des télécommunications (ARTEL) dans le cadre de sa politique de mise en œuvre du fond de service universel a intégré les aspects de formation au niveau local, alors qu’elle se cantonnait en premier lieu à la simple couverture en télécommunications dans les zones rurales. La position stratégique des cybercentres les place d’office et désormais comme collaborateurs de premier rang d’ARTEL sur le terrain.

Le programme 5000 ordinateurs et formation de 10 000 jeunes du ministère de la jeunesse et de l’emploi est aussi illustratif. Le ministère de la Jeunesse, dans le cadre de son programme « 10000 jeunes et 5000 ordinateurs » a commencé à travailler avec certains cybercentres sur le terrain ; ce qui dénote de l’importance de ces entités comme centres de formation par excellence. Les cybercentres de par leurs expériences pourront également aider les organisations de jeunes dans la gestion et la maintenance des équipements. Pour la réalisation de ce vaste programme, le Ministère de la jeunesse et de l’emploi ne peut trouver meilleur partenaire sur le terrain que les cybercentres communautaires.

En matière de lutte contre la pauvreté, les cybercentres participent activement à la mise en œuvre du cadre stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) et à l’atteinte des objectifs du millénaire pour le Développement (OMD) à travers :
- la création d’emplois au niveau local
- l’accroissement de la production due à une bonne exploitation de techniques culturales en ligne
- les téléservices offerts à la population
- la baisse de l’illettrisme numérique par le biais des formations
- le renforcement des relations inter associations au niveau national
- une meilleure diffusion des informations (prix des produits, zones d’abondance, opportunités d’affaires...)
Voilà un ensemble de données qui expliquent le rôle et la place des cybercentres dans le développement.

Quel bilan faites-vous de leur fonctionnement ?

Quelques gestionnaires de cybercentresLe fonctionnement des cybercentres de nos jours ne passe sans difficulté. Mais d’une manière générale, il y a lieu de reconnaître que le bilan est globalement satisfaisant. En effet, sur un effectif de plus d’une cinquantaine, seule une vingtaine de cybercentres communautaires principalement les centres ADEN sont encore soutenu (financièrement et techniquement) par le promoteur du projet qui se trouve être le Ministère Français des Affaires Etrangères. Le reste essaie tant bien que mal de fonctionner de façon autonome et d’assurer leur rôle de mission de service public même si cela n’est pas encore reconnu officiellement.
Au vu de leur fonction sociale, de leur rôle et de la contribution qu’ils peuvent apporter dans le développement, nous pensons que les cybercentres doivent être considérés comme des structures assurant une mission de service public au même titre que les fédérations sportives et bénéficier des avantages qui sont liés (subvention de l’Etat, etc.)

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Ce qui ressort des échanges et rencontres entre gestionnaires et leaders de cybercentres communautaires qui ont lieu depuis deux ans, c’est qu’ils rencontrent pratiquement les mêmes problèmes et défis mais à des niveaux variés. Ces difficultés sont d’ordre financier, technique et humain.
Difficultés financières parce que tout simplement, au regard de leur caractère, on leur demande aussi d’être rentables donc d’assurer leur pérennité. D’où la double équation à résoudre : concilier la fonction sociale et la nécessité de l’autonomie financière.
Les difficultés techniques, c’est principalement celles liées à la connexion Internet et à l’électricité. Surtout dans les zones rurales, il y a une absence de connexion et même quand elle existe, est très instable et très onéreuse. Il en est de même pour le manque d’électricité dans les zones où sont implantés des cybercentres communautaires, ces derniers fonctionnent pour la plupart du temps à l’aide d’un groupe électrogène. Ce qui complique d’avantage la résolution de l’équation ci-dessus. Imaginez que deux personnes souhaitant faire des recherches d’informations sur le net viennent solliciter une heure de connexion, vous devez mettre en marche le groupe électrogène pendant une heure qui consomme environ 1 litre et demi par heure. Tout en sachant que le prix d’une heure de connexion n’excède pas 500 FCFA.

Enfin, il y a les difficultés liées à l’absence de ressources humaines compétentes dans les cybercentres. En effet, le secteur des TIC étant relativement nouveau au Burkina, les ressources humaines qualifiées ne sont pas nécessairement à la portée des cybercentres communautaires. La majorité des gestionnaires n’ont pas la capacité technique nécessaire au moment de leur recrutement. A cela s’ajoute le phénomène du perpétuel recommencement. En effet, l’absence d’un statut clairement défini du gestionnaire/animateur de cybercentre constitue un facteur très démotivant. Toute chose qui favorise le départ de ces derniers vers d’autres horizons à la première occasion, laissant ainsi le cybercentre sans animateur, donc dans l’obligation de s’attacher les services d’une autre personne et de procéder à sa formation.

Pourquoi voulez-vous créer une structure de regroupement formel ?

Un adage dit que l’union fait la force et nous croyons que les cybercentres ne dérogent pas à cette règle. Comme nous l’avons souligné un peu plus haut, les cybercentres communautaires rencontrent pratiquement les mêmes problèmes et défis. Nous pensons donc qu’en étant unis et mieux organisés, nous serons plus fort et mieux écoutés. En effet, il sera plus facile pour un regroupement de cybercentres de faire le plaidoyer auprès des pouvoirs publics et autres partenaires comme les sociétés et/ou opérateurs de télécommunication pour obtenir des tarifs préférentiels pour la connectivité ou d’autres avantages susceptibles de contribuer à assurer leur rentabilité et donc leur pérennité.
Notez que ce regroupement n’a rien de politique, c’est simplement un moyen sûr d’accomplir une des missions que s’est fixé le groupe qui est de se constituer en une force sociale organisée pour la défense de leurs intérêts stratégiques et pour jouer pleinement leur rôle d’acteurs de développement et de structures de service public.

En quoi consiste le plan triennal que vous voulez mettre en œuvre ?

Le plan triennal a été élaboré sur la base des acquis, des recommandations et des difficultés des deux précédentes années mais aussi de l’analyse de l’environnement interne et externe des cybercentres au Burkina. Il consiste à la réalisation d’un certain nombre actions et activités pointues sur une période de trois ans soit de 2009 à 2011.
Les activités retenues sont axées sur les domaines de renforcement des capacités de acteurs et des structures afin de les outiller pour répondre efficacement aux besoins des populations ; sur la production de contenus endogènes calqués sur les réels besoins des populations et des communautés et sur les échanges d’expériences et de bonnes pratiques.

A terme, le plan d’action triennal devrait à aboutir :
- à la mise en place d’une équipe dynamique et motivée de gestionnaires pour la direction du réseau des cybercentres communautaires du Burkina ;
- à l’inventaire des besoins en renforcement de capacités des cybercentres et des gestionnaires ;
- au renforcement des compétences en gestion, animation et en matière technique des gestionnaires des cybercentres participants ;
- au partage des bonnes pratiques et leçons apprises avec d’autres acteurs de la communauté des cybercentres francophones à travers la liste FETEMA, les sites portails de telecentre.org, du réseau Burkina-NTIC et le journal "l’heure des télécentres".
- au développement et à la validation des contenus endogènes et outils de formation adaptés aux réalités des participants et des milieux bénéficiaires sont développés ;
- à la validation des outils et ressources pour la gestion et l’animation de cybercentres ;
- au développement d’un site portail du réseau des cybercentres communautaires du Burkina avec un espace spécifiquement dédié à chaque cybercentres participant ;
- à la création de nouveaux partenariats entre les cybercentres et les structures locales ;
- à la sensibilisation des populations à une plus grande utilisation des services et produits proposés par ceux-ci.

Quel peut être l’apport des partenaires au développement dans la réalisation de ce plan ?

L’apport des partenaires au développement pour la mise en œuvre de ce plan triennal est plus que déterminant et doit être de tout genre (financier, technique, matériel, institutionnel, etc.). Et c’est d’ailleurs la raison pour la quelle, le groupe Cybercentres communautaires du Burkina en partenariat avec l’Institut International pour la Communication et le développement (IICD), le programme Telecentre.org, le projet ADEN Burkina, Oxfam Québec, la Commission Nationale pour la Francophonie du Burkina, @link Telecom et le réseau Burkina NTIC organise un atelier de réflexion mais aussi de plaidoyer autour du thème « Place et rôle des cybercentres communautaires dans le processus de développement au Burkina : Plan stratégique triennal » le Jeudi 29 mai 2008 à partir de 8h30 dans la salle de conférence du Liptako Gourma.
Cet atelier placé sous la présidence du ministre des Postes et des technologies de l’information et de la communication et sous le parrainage du ministre de la Culture, du tourisme et de la communication, a pour objectif de montrer par des expériences réussies et des pratiques exemplaires, le rôle et la contribution des cybercentres au développement, en vue de susciter l’adhésion et le soutien des partenaires au plan stratégique triennal du réseau des cybercentres communautaires du Burkina.
C’est donc dire que nous bénéficions du soutien et des encouragements des autorités, il reste véritablement le soutien des partenaires.
Du reste, quelques-uns ont déjà donné le ton pour accompagner la mise en œuvre du plan ; c’est le lieu de les remercier pour cette disponibilité. Ce sont Telecentre.org/Canada, IICD et Oxfam Québec.

Nous attendons alors le soutien d’autres partenaires et institutions. En effet, le plan d’action triennal tel que élaboré et présenté contribue à l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement notamment la réduction de la pauvreté par la création d’emplois et la mise en place de partenariat pour le développement entre structures décentralisés et les cybercentres. D’autre part, notre regroupement se positionne comme un partenaire de taille pour la mise en œuvre de la cyberstratégie nationale qui, on le sait, a été conçu sur la base du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. Et nous savons que l’apport des partenaires au développement au Burkina (que ça soit une collaboration bilatérale ou multilatérale) est axé sur ces documents cadre. Nous les invitons tous à faire le déplacement le jeudi 29 mai 2008 dans la salle de conférence de l’autorité du Liptako Gourma sise avenue Kwamé NKrumah pour écouter et voir des exemples de succès de l’apport des cybercentres communautaires au développement.

Cyriaque Paré
Lefaso.net

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