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Salif absent, Tertius s’oblige à monter au créneau

Publié le vendredi 16 mai 2008 à 11h09min

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C’est Gaston Defferre, ancien ministre de l’Intérieur français qui aurait déclaré que les cimetières sont pleins d’hommes irremplaçables. C’est bien la preuve que le monde continue de tourner sans eux. La formule de l’homme d’Etat français résonne étrangement au ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques qui peine à trouver ses marques depuis le limogeage de Salif Diallo. Non pas que l’homme soit effectivement indispensable, mais tout simplement parce qu’il a été viré à un moment de grand défi.

Dans un contexte de crise alimentaire et céréalière, se traduisant par des émeutes de rue et où la moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres, on a besoin d’hommes, capables de secouer le cocotier pour qu’il en tombe suffisamment de fruits. Conscient de cela, Tertius Zongo n’a pas hésité à faire le déplacement de Matourkou pour apporter le soutien de l’ensemble de son gouvernement aux cadres du ministère qui s’y retrouvaient en conclave. Un Premier ministre qui s’invite à un CASEM, ce n’est pas un fait courant. Il dit être allé apporter le soutien du gouvernement à un secteur considéré comme le pilier du développement qui doit relever le défi du " court et moyen terme ". Tout cela est bien exact, mais cela n’explique pas entièrement le bien fondé de sa présence à Matourkou plutôt qu’au CASEM de la Santé.

La seule chose qui rend intelligible ce déplacement du Premier ministre, c’est la nécessité d’insuffler de l’enthousiasme à un département subitement devenu groggy du fait du départ de son premier responsable. Non pas que le départ en lui-même pose problème, mais la façon dont il est intervenu a suscité de l’émoi, voire de l’inquiétude non seulement au sein du ministère, mais également dans le monde paysan. Salif Diallo avait fini par faire corps avec ce ministère et avec le monde paysan, il entretenait des rapports fusionnels. En le limogeant, on a cassé un ressort et Tertius Zongo le sait. C’est ce qui explique sans doute sa montée au créneau, allant au secours du très respectable Laurent Sedego qui n’aurait pas souhaité se retrouver dans cette situation. " Je suis un soldat " ne cesse de répéter ce dernier. Mais " le soldat Sedego " sait aussi que le contexte est très délicat. Et il faut être plus qu’un soldat pour espérer être à la hauteur du défi.

Certes, des engagements ont été pris au CASEM. Il s’agit notamment d’accroître la production végétale de 13,23%, ce qui va porter la production céréalière à 4 231 479 tonnes avec un doublement de la production de riz qui passe de 123 028 tonnes à 247 484 tonnes. Par quel miracle va-t-on atteindre ces performances ? Tertius Zongo décline les moyens : l’audace, la créativité, la prise d’initiatives, la synergie d’actions. Tout cela va sans doute compter, mais il faudra aussi et surtout de l’argent, pour acheter les semences, pour emblaver les surfaces, pour garantir en partie la production grâce à la maîtrise totale de l’eau et pour et pour…

Ce ne serait donc pas de la sinécure pour le nouveau locataire du ministère qui a besoin de maîtriser les circuits de financement et d’avoir un bon carnet d’adresses.
Et c’est là où la personnalité de Salif Diallo sortait de l’ordinaire. Même si les accords de financement sont signés par le ministère en charge des Finances, ce n’est un secret pour personne que Salif, en raison de sa notoriété et de son charisme, négociait lui-même les fonds pour son ministère. Sur ce point, il était d’une efficacité qu’on ne peut sérieusement mettre en cause. Il n’est pas certain que quelqu’un d’autre aurait pu réussir autant que lui.

C’est pourquoi la querelle publique de Bourzanga était à la fois dérisoire et piteuse pour l’image de l’exécutif. Dans la mauvaise passe que traverse le pays, le ministre Sedego gagnerait à mettre Salif à contribution pour faire avancer ses dossiers, dossiers qu’il connaît du reste très bien. Tertius Zongo sait qu’il sera jugé à ses résultats. On comprend pourquoi il n’hésite pas à bousculer les habitudes. Maintenant que Matourkou est devenu un cas de jurisprudence, il faut s’attendre à ce que d’autres ministères s’engouffrent dans la brèche.

Rendez-vous donc au prochain CASEM du MESSRS. Pourquoi pas ?

Par Germain Bitiou NAMA

L’Evénement

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