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Développement de l’Afrique : Absence de vision et de courage

Publié le mercredi 14 mai 2008 à 12h54min

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Le Pr Ki-Zerbo, historien et homme politique burkinabè, au soir de sa vie, nous a laissé cette question en héritage, à travers son livre "A quand l’Afrique ? ". Une interpellation individuelle et collective qui repose sur un constat qu’il a lui même fait tout au long de sa vie : le continent a du mal à se détacher de toutes ces chaînes qui plombent son réveil économique et politique. Elles ont pour noms : analphabétisme, mimétisme, dépendance économique et alimentaire, incurie des décideurs politiques...

Le continent a du mal à se mettre débout et à inventer lui même son avenir. Trop accrochés aux baskets des Occidentaux, la plupart des gouvernements ne peuvent se passer ni de leurs financements ni de leurs conseils. Les chefs d’Etat sont devenus, depuis belle lurette, des administrateurs des intérêts des anciens maîtres ou de leurs multinationales au détriment des intérêts des populations.

Depuis les indépendances, comme si le colonisateur avait tracé le sillon dans lequel il n’en sortirait jamais, l’Etat africain traîne les mêmes problèmes, incapable de réfléchir par lui même pour orienter son action sur le très long terme. La crise actuelle de la vie chère en est l’illustration la plus parfaite. Tous les pays africains ont essayé, à quelques détails près, les mêmes antidotes en octroyant des facilités fiscales aux importateurs. Le fait est que l’Afrique est incapable de se nourrir. Pas qu’elle n’en a pas les moyens, mais parce qu’elle n’ a jamais osé sortir des sentiers battus. Aucune voix n’a osé dire qu’il fallait remettre tout à plat pour réduire cette forte dépendance et tendre vers l’autosuffisance alimentaire. A force de courir après les devises étrangères, l’Etat africain a oublié qu’il est de sa responsabilité de nourrir ses populations et de leur donner le cadre et les moyens nécessaires pour y arriver. En Afrique, pour signifier son indépendance vis-à-vis de quelqu’un, on lui jette généralement à la face : " je ne mange pas chez toi". C’est une forme de fierté et de souveraineté que nos Etats ont du mal à traduire dans les faits.

L’occasion est pourtant belle avec ce séisme qui s’annonce dans les flux commerciaux alimentaires, de donner toute sa place à l’agriculture africaine en boostant la production et surtout, c’est le maillon faible, en développant des réseaux de commercialisation pour faciliter la mise sur le marché des produits agricoles à l’intérieur des frontières régionales et continentales. Tous les spécialistes sont d’accord pour dire qu’il n’y a pas de solutions imparables à court terme pour faire face à la flambée actuelle des prix des produits de grande consommation. L’agriculture, tout comme les autres secteurs, doivent s’adapter, (pour cela il faut une vison), à un programme dans le temps et dans l’espace et qui ne se limiterait pas à un seul pays.

Il faut à l’Afrique du courage car ceux qui profitent, à peu de frais, du labeur de ses fils, ne se laisseront pas faire. Les pressions ne manqueront pas. Mais une fois que l’Afrique aura une claire vision de ce qu’elle souhaite pour ses fils, la moitié du chemin sera déjà accomplie. La Banque mondiale et le F.M.I ont montré leurs limites. Et, il est impérieux, voire vital que le continent procède à une refondation car le corset occidental dans lequel les Etats africains sont maintenus depuis des décennies n’a pas encore créé le développement auquel les Africains aspirent. Le véritable développement est-il d’ailleurs possible dans ces conditions ? Le modèle occidental que les Africains ont copié est un échec. Pourquoi ne pas essayer le modèle africain ? S’il n’existe pas, il faut le créer et s’inspirer de l’expérience des peuples d’Asie qui se sont construit une place dans le concert des nations en assurant leur souveraineté alimentaire et en affirmant leur identité culturelle dans un monde globalisant qui a tendance à tout formater. Sous les rapports économiques et politiques actuels, l’Occident est une menace pour l’Afrique. Si l’ouverture au reste du monde est une nécessité, il appartient aux Africains d’en définir le rythme et la façon d’y "entrer" afin de ne pas perdre tous leurs repères et leur âme. Des sacrifices sont indispensables pour y arriver. Les Asiatiques ont déjà montré le chemin et si aujourd’hui, ils sont courtisés par les multinationales de l’Occident, ils n’ont rien perdu de leur identité, ni de leur indépendance.

Cette refondation passe également par une nouvelle définition des relations entre les pouvoirs africains et leur peuple et le nouveau contrat qui mettra définitivement fin à ces régimes monarchiques qui se sont drapés du manteau républicain et qui empêchent pourtant l’alternance, le renouvellement des idées et des hommes. ll leur faut une vraie culture du sacrifice au service du peuple, même si cela doit être au détriment de leur fauteuil.

Le NEPAD fut un frémissement et comme toutes les initiatives afro-américaines, il est en train de mourir de sa belle mort parce qu’il permettrait une fois mis en oeuvre, de faire bouger les frontières de l’inertie et de l’inaction. L’Afrique ayant hélas, été irréversiblement balkanisée, la vraie réponse aux défis de son développement, est collective. Parce que les Etats, pris individuellement malgré leur potentiel économique, sont faibles, malléables et manipulables.

Le Pays

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