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Corruption en Afrique : Punir par l’exemple

Publié le mardi 13 mai 2008 à 11h39min

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Après avoir été longtemps voué aux gémonies, le Cameroun donne aujourd’hui le bon exemple au continent en sanctionnant de gros poissons pris dans la nasse des brigades anti-corruption. Mais, en optant pour les sanctions, le président Biya croit-il pouvoir faire oublier son bilan catastrophique et se faire reconduire après le tripatouillage de la Constitution ?

Les faits sont têtus : la gangrène de la corruption ronge l’Afrique pour de multiples raisons dont l’absence de principes, de rigueur, de méthode et d’organisation, les effets du clientélisme et particulièrement le laxisme qui sévit au sommet de l’Etat. Ce laxisme est lui-même tributaire de l’extrême longévité au pouvoir, laquelle finit par faire du tort au pays.

Ainsi en est-il du Cameroun où environ 28 ans de pouvoir de Paul Biya ont forgé une mentalité et un système qui ont servi de lit à la prévarication et aux excès en tous genres. Dans ce pays si peu habitué aux travaux du Conseil des ministres, et où le citoyen a cessé de se lasser de l’absence quasipermanente du premier responsable de l’Etat, les rats voleurs ont largement eu le temps de proliférer. Tant et si bien qu’aujourd’hui les dégâts sont énormes pour l’économie nationale.

Le bilan Biya est assurément l’un des plus catastrophiques d’Afrique, au regard des potentialités d’un pays que la nature a gâté. De plus, il ne manque d’intelligences ni à l’intérieur, ni dans la diaspora. Dommage ! Malheur à ce peuple s’il doit endurer pour longtemps encore un tel régime par suite de tripatouillage des textes constitutionnels. Car le système est là et il sera difficile de le démanteler.

Cette situation de pourriture déteint sur le citoyen camerounais dont la réputation à l’extérieur est mise à rude épreuve. Pourtant, aux lendemains des indépendances, ce pays nous avait habitués à bien d’autres choses. On se rappelle encore les allusions aux Bamiléké, peuple dont le dynamisme autant que la rigueur dans la gestion, l’esprit de solidarité forçaient l’admiration des autres peuples africains.

Certes, face à la corruption grimpante, l’initiative du régime Biya est à saluer. Mais il aura tout de même fallu les dénonciations de Camerounais courageux, de la société civile comme de la presse. Les interpellations des bailleurs de fonds ont fait le reste. Aujourd’hui, malgré la cupidité de certains magistrats, on assiste à une réhabilitation de la justice camerounaise qui n’hésite pas à écrouer des dignitaires du pouvoir. Il faut espérer que cette moralisation se poursuive. Mais surtout, que le premier responsable des chantiers navals qui en fait aujourd’hui les frais ne soit pas le dernier.

Mais pourquoi ce sursaut du régime Biya après des années de résistance ?

Les véritables motivations de tels dirigeants africains ne sont pas loin : la diversion, car il faut faire oublier les bilans catastrophiques de règnes sans partage. Il faut redorer son blazon terni par la concussion, la répression aveugle et les manquements graves aux droits humains élémentaires.

Cependant, l’exemple du Cameroun doit faire tache d’huile à un moment où le continent a besoin de ressources pour répondre à la demande sociale. Face à la vie chère, il ne faut point attendre les injonctions des bailleurs de fonds pour sévir. Si les services de contrôle font bien leur travail, l’impunité disparaîtra inévitablement. Aussi faut-il renforcer les structures de lutte contre la corruption : en les dotant en ressources adéquates et en formant le personnel requis. On le sait, avec les nouvelles technologies, les escrocs sont passés maîtres dans l’art de la roublardise.

Il doit être révolu, ce temps où un dirigeant africain et sa famille dilapidaient les maigres ressources de l’Etat. Sans aucun égard pour les textes ni pour ceux qui ont placé leur confiance en eux en les élisant. Les fonctionnaires qui obéissent aveuglément à leurs sollicitations doivent comprendre qu’ils favorisent l’incurie par leur silence, leur peur et leur complicité. L’Afrique change et les nouvelles générations n’acceptent plus qu’on brade les ressources disponibles pour ensuite clamer que la minceur du budget ne permet pas de répondre à leurs attentes. Cela, après avoir contracté en leur nom des dettes que ces générations devront bien payer un jour.

Il est heureux que la justice, hier aux ordres, commence à se responsabiliser à travers le continent. De plus en plus, elle interpelle de prétendus intouchables qui doivent rendre compte. Outre leurs valeurs pédagogiques, ces manières d’agir ont assurément un effet dissuasif sur ceux qui succombent facilement à l’appât du gain. C’est pourquoi, plutôt que d’agir de manière sporadique, il convient de multiplier les opérations coups de poing.

Ce qui se passe aujourd’hui en Afrique confirme l’échec de La Baule. Les expériences démocratiques sont presque partout un échec. Il y a récupération des luttes des peuples. Des dirigeants sans scrupules acceptent difficilement de partir quand vient l’heure de plier bagages. Ils sabordent ouvertement les textes pour se maintenir. Parce que les trous laissés par leur gestion sont énormes. Non seulement la démocratie est quasi inexistante, mais aussi les pays sont pris en otages par ces dirigeants et leurs proches.

Au départ architectes d’un système savamment conçu, les dirigeants africains perdent peu à peu le contrôle de leur propre outil. Peu d’entre eux osent s’attaquer au dispositif qui use du clientélisme pour les maintenir en place. Ainsi émerge et se multiplie la meute de courtisans zélés, véritables prédateurs des économies nationales comme on en trouve aujourd’hui un peu partout en Afrique.

Parce qu’ils n’aspirent qu’à s’enrichir, la plupart de ces militants se réfugient le plus souvent dans des regroupements proches du pouvoir et dont les motivations sont difficilement vendables auprès de l’opinion publique. Il ne faut donc pas s’étonner que du jour au lendemain ils posent problème à la république.

"Le Pays

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