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Amina Mousso Ouédraogo, Médiateur du Faso : « Il faut élargir les compétences des Ombudsmans et Médiateurs africains »

Publié le vendredi 9 mai 2008 à 11h38min

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Tripoli (la capitale libyenne) a abrité du 7 au 11 avril dernier, la deuxième assemblée générale de l’Association des Ombudsmans et Médiateurs africains (AOMA). Près de quarante (40) délégations de Médiateurs et des représentants de six (6) organisations internationales ont pris part à cette rencontre. Le Médiateur du Faso, Amina M. Ouédraogo revient sur les temps forts de cette assemblée générale de l’AOMA dans cette interview.

Quelles ont été les grandes questions évoquées lors de ce congrès de Tripoli ?

Amina Ouédraogo : Le congrès de Tripoli était placé sous le thème : « Quatre décennies de l’Ombudsman et du Médiateur en Afrique : bilans, défis et perspectives ». Il a permis aux différents médiateurs de faire la rétrospective de l’impact des actions de leurs institutions, d’aborder les défis à relever, et de définir l’angle sous lequel ils devraient dorénavant inscrire leurs interventions.
Dans ce cadre, les ombudsmans et médiateurs ont mené des échanges sur une meilleure organisation de l’Association, sur la prise en compte des disparités économiques de chaque pays concernant la fixation des cotisations annuelles, sur l’adhésion des nouveaux membres, sur le fonctionnement du bureau exécutif et des coordonnateurs des régions.
Toujours au titre des grandes questions, un projet de cadre stratégique définissant les objectifs stratégiques a été soumis à l’assemblée générale, pour régir les activités de l’association de 2008 à 2012. Il est à noter que ce projet devra reconduire pour la plus grande part, les activités qui n’ont pas pu être réalisées dans le document-cadre 2003-2006.

L’institution de l’Ombudsman a en effet quarante ans en Afrique, quel est réellement son impact non seulement sur le fonctionnement des services publics mais également, sur la gouvernance en général ?

La médiation institutionnelle comme alternative au contentieux s’est développée pour permettre de régler des litiges individuels ou collectifs entre personnes physiques et institutions, entre administrations et usagers. Elle participe au souci de protéger le citoyen contre les dysfonctionnements de la machine administrative et contribue ainsi à la rendre efficiente dans son fonctionnement. S’agissant de bon fonctionnement du service public, on ne peut occulter des valeurs cardinales comme l’égal accès de tous au service public, la bonne application des textes, le respect de la légalité, l’impartialité de l’administration, son efficience, sa transparence…

La bonne gouvernance quant à elle, intègre les principes relatifs à l’amélioration de la performance dans la gestion du secteur public, à la création d’un cadre juridique favorable au développement, à la promotion de l’information et la transparence.
L’intervention du médiateur consiste à veiller au bon fonctionnement de l’administration en vue de la satisfaction de l’intérêt général. En s’interposant entre l’administration et l’usager, en identifiant les attentes des usagers et les dysfonctionnements de l’appareil administratif, le médiateur par son approche impartiale et objective, suggère une culture de la qualité. En inventoriant les bonnes et les mauvaises pratiques de l’administration, et en instituant un code sur les bonnes pratiques administratives, le médiateur prévient les dérives et transforme qualitativement le service public. Cette démarche devrait à terme, conduire à son humanisation et à la construction d’une administration accessible, soucieuse de la sécurité juridique et de la légalité.
Des considérations ci-dessus, il ne fait donc aucun doute de l’impact du Médiateur sur le bon fonctionnement des services publics, et sur la bonne gouvernance en général.

Qu’en est-il des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest qui n’ont qu’environ une décennie d’expérience par rapport à leurs homologues anglophones ?

Pour mémoire, l’ombudsman tire son origine de Suéde où le parlement suédois décida en 1809 de désigner une personnalité dont le rôle serait de contrôler l’administration en dehors des autres voies ordinaires de recours. Les premiers pays africains anglo-saxons l’ont adopté à partir des années 1960 et les Etats africains francophones ne vont l’instituer qu’à partir des années 1990. Déjà de ce point de vue, il est juste d’observer que l’expérience des pays anglosaxons est effectivement plus grande que celle des pays francophones du point de vue de l’ancienneté.

Du point de vue des compétences, (définies par les textes les instituant) certains Médiateurs anglophones ont le pouvoir de faire acter leurs recommandations par les tribunaux. C’est le cas en Namibie où les recommandations revêtues d’une formule exécutoire peuvent être mises en application par les tribunaux. Dans le cas du Malawi par exemple, lorsqu’une autorité se montre peu disposée à respecter la directive du Médiateur, ce dernier est tenu de signaler ce refus au Parlement du Malawi. La loi l’y oblige. Enfin, les médiateurs ont dans certains cas l’initiative personnelle de la poursuite des agents malveillants. Par contre, les Médiateurs des pays francophones n’ont que le pouvoir de demander à l’autorité administrative d’entreprendre contre tout agent malveillant des actions appropriées en vue d’assurer la réparation des torts causés. Toutefois, on note que les Etats africains Francophones ont de plus en plus tendance à soutenir l’action de leurs Médiateurs. C’est ainsi qu’au Sénégal par exemple, les autorités gouvernementales ont pris une circulaire administrative faisant obligation à tous les départements ministériels, d’accorder une attention particulière aux demandes d’information et aux recommandations du Médiateur.

A notre avis, cela ne peut que contribuer à soutenir son action dans la recherche de la bonne gouvernance. De même, ils sont libres de mener des enquêtes sur le fonctionnement de certaines administrations tels que l’armée, la police, le Parlement, etc. sauf en matière de défense nationale et de secret d’Etat. En tout état de cause, si incontestablement il existe des différences fonctionnelles, certaines valeurs communes sont néanmoins partagées par tous les médiateurs.

A titre d’exemple, il convient de citer, entre autres, la recherche de la bonne gouvernance, le traitement diligent des plaintes sur le fondement du droit où de l’équité, la gratuité et la facilité d’accès à leurs services, le respect de l’autorité de la loi, l’indépendance, mais surtout la crédibilité, la compétence, l’impartialité et l’intégrité personnelle du détenteur de cette fonction.
Enfin, dans la plupart des pays, les services centraux sont basés dans la capitale et des services régionaux sont répartis sur l’ensemble du pays afin de servir ceux qui vivent dans les zones reculées.

On a vu que les Médiateurs et Ombudsmans s’intéressent aux problèmes de corruption, de droits de l’homme, de développement durable etc, des sujets discutés au congrès. Est-ce un effet de mode ?

Loin de vouloir sacrifier à ce qui pourrait s’apparenter à un effet de mode, les médiateurs ont voulu à travers leurs expériences quotidiennes et personnelles, tirer la sonnette d’alarme sur des problèmes qui, s’ils ne relèvent pas de leurs domaines de compétences a priori, pourraient cependant avoir des conséquences tout aussi désastreuses que celles liées à la mal administration et à la mal gouvernance administrative.
A cet effet, il a été relevé que le mandat classique du Médiateur qui consiste à lutter exclusivement contre les mauvaises pratiques administratives limite son domaine de compétences. Or, en restreignant le domaine de compétences du Médiateur, son efficacité pourrait être remise en question du fait de la naissance des nouveaux maux qui minent l’administration, notamment celui lié à la corruption, qui a comme corollaires, la mauvaise répartition des richesses, les multiples formes de discrimination, la violation des droits humains et la mauvaise gouvernance économique et enfin, l’extrême pauvreté ... Ce n’est qu’à ce prix qu’on pourrait parler de meilleure répartition des richesses et de développement durable. Aussi dans sa forme actuelle, le domaine des compétences du médiateur devrait être élargi pour non seulement englober la lutte contre la corruption, les violations des droits humains, mais aussi pour davantage prendre en compte les particuliers, les sociétés et organisations privées du fait des nombreuses privatisations dans le domaine économique. Certains médiateurs ont déjà cette compétence dans leurs bureaux.

Comment se porte l’AOMA qui a vu le jour à Ouagadougou en juillet 2003 ?

La création de l’AOMA a été sous-tendue par l’idée maîtresse que les ombudsmans et médiateurs africains devraient œuvrer au renforcement de leur coopération, au partage de leurs expériences en vue de promouvoir le concept de médiateur dans une Afrique en plein processus de démocratisation. La coopération et la mise en réseau sont d’une importance capitale pour assurer l’efficacité du Médiateur.
L’AOMA a été portée sur ses fonts baptismaux en juillet 2003 lors de la 8e Conférence régionale des ombudsmans et médiateurs africains (CROMA) qui s’est tenue à Ouagadougou en juillet 2003. Elle se porte donc comme tout bébé âgé de 5 ans.
Ceci pour dire qu’elle est vraiment jeune et qu’elle est toujours en train de chercher ses marques au sein d’une communauté africaine assez plurielle.
Il est toutefois bon de préciser que l’association n’est que le prolongement du Centre des ombudsmans africains qui, lui, est fonctionnel depuis 1979 en Tanzanie à Dar-Es-Salam. Le siège actuel de l’association se trouve en Afrique du Sud et nous espérons que les acquis obtenus depuis la création de ce centre seront capitalisés et profiteront à cette toute jeune association pleine d’ambition.

Service de communication Médiateur du Faso

Sidwaya

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