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Un naaba ivoirien à Kosyam : Qu’est-ce que c’est maladroit !

Publié le vendredi 2 mai 2008 à 13h31min

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Pour ses bons et loyaux services en faveur de la paix en Côte d’Ivoire et dont le point d’orgue a été la signature de l’Accord de Ouagadougou le 4 mars 2007, Blaise Compaoré a été intronisé le mardi 29 avril 2008 par le Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire (CSRCT-CI). Une cérémonie empreinte de solennité, au cours de laquelle l’impétrant, en plus des mots aimables, a reçu les attributs de sa charge, notamment le kita, le bonnet surmonté d’une colombe entourée de quatre autres, plus petites, et un chasse-mouche "pour écarter les mauvais esprits sur la route de la paix".

Dieu seul sait s’il en aura besoin, car si une date est maintenant fixée pour le scrutin (le 30 novembre prochain), le chemin qui mène à la présidentielle est, on ne le sait que trop, parsemé d’embûches. Entre les irrédentistes du Gbagboland qui ne se sont jamais consolés de n’avoir pu casser du rebelle et les anciens croquants qui ont fini par se criminaliser dans une guerre de rapines dont ils ne veulent pas la fin, ce ne sont, en effet, pas les "mauvais esprits" qui manquent.

Venant de têtes couronnées, l’honneur fait au président du Faso est sans doute fort, car qui, mieux que ces dépositaires de nos traditions, ces gardiens du temple moral et spirituel, peut mesurer l’importance et l’impact de la paix pour leurs sujets.

Il est vrai cependant, qu’ici comme là-bas, certains bonnets rouges ou noirs, c’est selon, se sont vassalisés (c’est un comble) souvent pour des raisons alimentaires, entamant du même coup le crédit de l’institution coutumière. Si fait que les actes qu’ils posent sont souvent sujets à caution.

Qu’un tel hommage soit rendu, comme ce fut le cas mercredi, au Mogho Naaba par ses homologues venus du pays de la reine Pokou, il n’y a strictement rien à redire, car c’est dans l’ordre normal des choses. Mais voir le premier magistrat burkinabè drapé dans ce qui est tout sauf une toge républicaine et coiffé d’un bonnet qui n’a rien de phrygien a un côté malheureux voire folklorique.

Mardi dernier, en voyant les images de cette intronisation, fût-elle symbolique, de ce naaba ivoirien de Kosyam, on a pu d’ailleurs ressentir comme un sentiment de gêne. Que la première maison du Burkina, il est vrai surmontée de bonnets architecturaux, soit le théâtre d’une telle scène a, en effet, quelque chose de dérangeant pour ne pas dire de burlesque dans une république.

Qui plus est, quand l’honoré s’appelle Blaise Compaoré, un chef d’Etat à qui on prête souvent des tentations monarchiques. N’avait-il pas fait sauter le verrou constitutionnel qui limitait le nombre de mandats présidentiels, même si, à la faveur de la crise née de l’assassinat de Norbert Zongo, il a dû revoir ses ambitions à la baisse ?

Tout se passe donc comme si, ne pouvant pas être roi du Burkina, il avait obtenu un substitut de consolation, apporté depuis la lagune Ebrié par des notabilités que les esprits chagrins ont vite fait de prendre pour des "cocos stratégiques".

Pour quelqu’un qu’on soupçonne sérieusement d’avoir une conception nabale du "pouvoir du Blanc", offrir un tel spectacle au palais de Kosyam est, à tout le moins, inopportun et maladroit en matière d’image. Avec toutes les compétences qu’ils ont, Blaise et sa cour (c’est le lieu de le dire) ne pouvaient d’ailleurs pas ignorer que ça ricanerait fort dans les chaumières à la vue de cet accoutrement impérial.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur

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