LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

"Refondation nationale" au Faso : Le choc des EGO ou le socle des EGAUX ?

Publié le vendredi 2 mai 2008 à 14h06min

PARTAGER :                          

Le 5 avril dernier, un groupe de partis politiques à la tête duquel se trouvent le Dr Alain Dominique Zoubga de l’autre Burkina/PSR, Amadou Dabo de l’UNDD et Christian T. Koné du PNR/JV s’est réuni et, au regard de la situation nationale, a estimé qu’il est grand temps de mobiliser toutes les forces vives du Faso pour une "refondation nationale" du pays.

Pour Le Petit Robert, le mot refondation est composé "de re et fondation", qui renvoient à l’"action de refonder". Quant au verbe refonder lui-même, il signifie "fonder (un parti, une doctrine) sur de nouveaux principes, de nouvelles bases".

Dans le principe, la réflexion menée par les neuf partis politiques signataires du document relatif à la refondation est donc non seulement pertinente et opportune, mais également détaillée et rigoureuse. En outre, la générosité des objectifs que la réflexion se fixe se passe de commentaire.

Du reste, si c’est l’une des rares fois que des formations politiques mettent leurs efforts en commun pour procéder à une telle lecture de la conjoncture politique du Burkina, les préoccupations qu’elles posent sont régulièrement soulevées par la société civile (ONG, syndicats, associations) et les médias. Toutefois, il faut tout de même se féliciter que l’opposition que l’on dit inexistante ait eu cette initiative et ait même réussi à en convaincre certains partis de la mouvance présidentielle.

C’est la preuve que les initiateurs du document sur la refondation se sont placés au-dessus ou en travers de l’étiquetage facile qui classe de façon manichéenne les partis politiques en fausse opposition et en mouvanciers d’une part et d’autre part en vraie opposition, porteuse de progrès.

Comme le Dr A.D. Zoubga et ses camarades le savent, on ne peut classer les humains et les groupes humains en deux catégories (bonne et mauvaise) de façon immuable et éternelle : le bon (ou ce qu’on croit tel) peut devenir meilleur, moins bon ou simplement mauvais tandis que le mauvais peut se muer en pire, en moins mauvais ou carrément en bon.

Si telle est l’intention des "refondateurs", il faut les applaudir, car ils ont pour souci la construction du socle des égaux en droit que sont les humains.

Un bémol cependant

Autant, il faut apprécier la hardiesse des initiateurs, autant il sied de se demander si certains d’entre eux, qui ont des comptes à régler avec le pouvoir en place, n’ont pas trouvé là une occasion idéale de se venger. En effet, les deux "frères" du Boulkiemdé (par exemple) que sont Hermann Yaméogo et Alain Zoubga en ont vu des vertes et des pas mûres de la part du régime de Blaise Compaoré, même si eux aussi ne sont pas privés de donner des coups au président du Faso et au CDP.

De même qu’il faut apprécier positivement la hauteur de l’analyse et les solutions proposées, de même il est opportun de se demander si la forme du document, qui accable B. Compaoré et le CDP, est susceptible de les prédisposer à entrer en dialogue de manière franche et honnête avec les "refondateurs".

S’il est vrai que les propositions des "refondateurs" sont lumineuses, il est pertinent de s’interroger sur la non-participation à l’initiative par des formations politiques comme le PDP, l’UNIR/MS, etc. qui, quoique l’on en dise, sont des partis politiques dont on ne peut faire table rase.

Enfin, il faut certes convenir avec le Dr A. Zoubga que le Burkina n’est pas cette "cité du soleil" du penseur italien Tommaso Campanella, mais il n’est pas non plus cet hiver nucléaire qui apparaît en filigrane dans le document.

Une analyse politique faite par des politiques

La refondation en tant qu’analyse diagnostique a le mérite d’exister et d’être l’Å"uvre de politiques connaissant assez bien la vie politique du Faso. Toutefois, elle a l’inconvénient d’avoir été rédigée par des politiques avec ce qu’elle comporte ou renferme de partialité et d’esprit partisan. Tant et si bien que :

elle peut être assimilée à une Å"uvre à même de permettre à certains partis politiques de se redonner une santé certaine à travers la participation à la gestion de l’Etat. En effet, il n’est pas exclu que certains initiateurs de cette refondation, eu égard aux difficultés matérielles et financières dans lesquelles se trouvent leurs partis politiques, voient là une occasion de reconstituer leur trésor dans la perspective des batailles électorales futures ;

elle rappelle l’aptitude de certaines formations politiques de gauche (issues des groupuscules communistes) à rédiger et à faire publier des déclarations alors que sur le terrain leur existence reste à prouver ; or, il est une nécessité que l’éloquence et la prolixité soient en phase avec la capacité à mobiliser de grandes masses d’électeurs ;

elle traîne un péché originel, qui ne rend pas facile l’adhésion de la société civile et de certains pans de l’opinion publique. A notre avis, si le document avait été le fruit d’une étude débarrassée de ses scories de forme et de fond tout en gardant les mêmes idées, les mêmes arguments enrichis par des exemples, ç’aurait été possible pour la société civile et une bonne partie de la société politique de se l’approprier.

En somme, la sagesse commande que nous soyons lucides : les préoccupations soulevées par les "refondateurs" sont compréhensibles et justes, même si certains aspects gagneraient à être relativisés ; les solutions qu’ils proposent sont dignes d’intérêt quand bien même elles ne sont qu’une base autour de laquelle des discussions peuvent (et peut-être) doivent s’engager.

Toutefois, il est erroné de croire que la situation que vit le pays est si critique (dans sa manifestation) que le pouvoir est obligé de tendre la main au Dr A. Zoubga et à ses camarades.

C’est dire qu’il n’est pas exclu que nous assistions au choc des égo quand on sait que les responsables du CDP planchent sur le sujet afin de donner une suite à une correspondance des initiateurs de la refondation, transmettant une copie du document et demandant à les rencontrer.

A moins que derrière les "refondateurs", se trouve la main de l’homme de Kosyam qui, conscient de la passe dans laquelle se trouve le Faso, veut entendre d’autres voix que la sienne et celles de son entourage.

Zoodnoma Kafando

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique