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Le marathon refondateur gagne en conviction et en force

Publié le lundi 28 avril 2008 à 12h07min

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Alors que les commentaires, les débats, les réactions, se poursuivent dans les médias, dans les conversations, autour de la Refondation qui est devenue un problème global de société, le CDP bruit des mêmes motivations qui justifient cette demande au plan national. Nous poursuivons donc le débat à travers une réflexion sur ce coup de tonnerre et un échange que nous avons arraché de haute main à René Emile Kaboré, personnalité bien connue du nouveau courant au CDP.

I. Des Refondateurs au C.D.P ? « Au secours » ou « Youpi », c’est selon !

Comme dit l’adage, le poisson pourrit toujours par la tête ! Aujourd’hui, la question de la crise est sur toutes les lèvres. Quand on parle de la situation, même si le mot de refondation ne sort pas toujours, on entend invariablement dire « Ca ne va pas ! ». Certains vont jusqu’à affirmer qu’au Burkina Faso, on va se voir, on va s’étriper un de ces quatre !

Pendant longtemps, ceux qui nous gouvernent ont fait comme si de rien n’était, affirmant alentour qu’il n’y avait rien au village. Les bruits se sont faits persistants, et puis on a parlé d’une Fédération des associations soutenant Blaise Compaoré. Ensuite, les bisbilles entre responsables du CDP sont arrivées à se manifester par médias interposés. Au sommet de l’Etat, l’entente, disait-on, n’était plus cordiale. Tout cela a abouti à l’éviction de Salif Diallo. On a commencé alors à comprendre que ça n’allait vraiment pas dans la grande maison CDP.
Avec l’incroyable Déclaration parue dans Le Pays du vendredi 25 avril 2008, de personnalités du parti (et pas des moindres !) qui dénoncent un mal-vivre dans la famille, des carences telles que « l’abandon du dialogue, pour ne pas dire du débat, au profit d’une dérive autoritaire et sectaire… la perte progressive et importante de la confiance des militants vis-à-vis de la direction du parti… la peur, le manque de courage de beaucoup de militants dans l’expression et la défense de leurs idées », on se convainc que le ver est dans le fruit, que le mal qui frappe le CDP est celui qui frappe aussi le pays. Normal : quand la tête du poisson pourrit (comme nous le disions), c’est tout le corps qui se corrompt.

Avec la lettre historique et courageuse du 23 avril 2008 annonçant la création d’un courant au sein du parti pour son recadrage et pour le service de la démocratie, c’est en quelque sorte la refondation qui y est rentrée. Certains pourront dire que c’est la catastrophe parce que ça peut déboucher sur la grande lessive, des pertes d’avantages, et ils auront pour ce qui les concerne, raison d’appeler au secours. Mais d’autres pourront s’écrier « Youpi ! » parce que pour eux, il était temps qu’on mette les choses à plat pour voir si chacun a joué sa partition, pour comprendre pourquoi certains maux se sont emparés du pays et pourquoi la démocratie a pris ce cours inattendu. Le moment était plus que venu, pour ceux-là, de rabattre le caquet de ceux qu’on a construit de toutes pièces et qui ont tellement attrapé la grosse tête qu’ils pensent pouvoir piétiner tout le monde sur leur passage, formater les institutions à leur goût et pire, être calife à la place du calife.

Cependant, on peut aussi se donner un peu plus de perspective en se disant que le plus important, ce n’est pas la revanche sur tel ou tel ; c’est la prise de conscience, comme dit l’adage, qu’une chose ne se gâte que parce qu’on n’engage pas la discussion pour empêcher qu’elle se gâte. Si la discussion s’engage au sein du CDP pour refonder le parti, elle peut aussi s’engager au plan national pour refonder la gouvernance nationale. L’aggiornamento demandé au plan national se fera à ce prix !

VT


Petit échange avec René Emile Kaboré : « Il est difficile de parler de démocratie puisqu’à l’intérieur même de notre parti, nous n’arrivons pas à de vrais débats d’idées »

- Qu’est-ce qui sous-tend votre volonté de créer un courant au sein du CDP ?

René Emile Kaboré (R.E.K.) : Je réponds parce que c’est peut-être un approfondissent de ce qui est écrit dans le papier. Nous avons d’abord fait le constat que nous sommes CDP par une volonté que nous avons exprimée. Si on est CDP, c’est parce que nous soutenons le programme du président Blaise Compaoré. Nous sommes censés être le fer de lance de ce programme puisque le CDP a été créé pour soutenir le président Compaoré, pas pour faire autre chose. Malheureusement, nous avons constaté qu’au sein du CDP, il y a des gens qui jouent pour eux et non pour le président. C’est ce que nous avons qualifié un peu de dérive, et nous, nous souhaitons que les choses soient un peu recentrées, qu’on revienne à une orthodoxie plus claire et plus franche. Ensuite, nous pensons qu’il est difficile de parler de démocratie puisqu’à l’intérieur même de notre parti, nous n’arrivons pas à de vrais débats d’idées. Nous considérons que c’est de ces débats francs, honnêtes même s’ils sont quelquefois houleux que les bonnes idées peuvent sortir et servir le président. S’il n’y a pas d’idées qui émergent, que voulez-vous qu’il fasse ?

- Justement, parlant de dérives au plan national, pensez-vous que les responsabilités pourraient être imputables au CDP ?

R.E.K : Je le pense pour plusieurs raisons. La 1ère raison, c’est que le CDP, c’est le parti qui est au pouvoir, c’est le 1er parti du pays. Son comportement, ses actions, ses propositions, ne peuvent qu’avoir un impact sur la vie nationale. Indépendamment du fait que nous sommes des artificiers chargés d’alimenter le président Compaoré en munitions, et ces munitions doivent être les bonnes idées que nous pouvons sortir pour lui. Or, nous constatons que par manque de débats, on n’alimente pas le président de munitions notamment de bonnes idées.

- Qu’est-ce qui explique cela ?

R.E.K : Vous savez, en politique, les ambitions ne manquent pas. En tout cas, nous ne pouvons pas ne pas nous poser des questions sur l’honnêteté de certains de nos camarades à servir le programme du chef de l’Etat.

- S’agit-il d’un courant animé principalement par les anciens de la CNPP/PSD comme l’a titré un quotidien de la place ?

R.E.K : Je pense que le journal qui l’a dit a tiré les conclusions au vu de certaines choses. Quand vous prenez notre camarade Pierre Tapsoba, il était le président de la CNPP/PSD ; quant aux autres, les camarades Yao Marc, Boly Moussa, Taho ou Mathieu Ouédraogo, ils ont milité avant dans la CNPP mais moi par exemple, je n’y étais pas. J’étais président d’une autre formation politique. Je crois que ce serait un peu réducteur de ramener le débat à des clivages politiques passés. Aujourd’hui, nous agissons pleinement en tant que militants CDP et ce que nous dénonçons n’a rien à voir avec les anciennes formations politiques. C’est ce qui se passe à l’intérieur du CDP aujourd’hui que nous voulons aider à corriger pour que le parti soit plus efficace et au service de celui que nous soutenons.

Ce qui mériterait d’être souligné, c’est le fait que notre camarade Yao O. Marc est tout de même le 2ème vice-Président du CDP, que le camarade Pierre Tapsoba est le Secrétaire à la Formation politique et civique, que tous les deux sont, comme notre camarade Boly, membre du Bureau Exécutif National (BEN) et que tous les signataires sont tous membres du Bureau Politique National.

- Quelles sont vos forces réelles au sein du CDP présentement ?

R.E.K : Je crois plus à la force des idées qu’à la force de tout autre chose. Ce que nous avons posé comme constat est-il réel ? S’il est réel et qu’à l’intérieur du parti, la majorité des militants veut vraiment que le CDP soit plus efficace, plus fonctionnel et soucieux de soutenir le président, en ce moment, il y aura une majorité qui épousera ce que nous disons. Mais nous n’avons pas non plus sur un coup de tête décidé de faire ce que nous avons fait. C’est parce que nous écoutons, nous entendons et observons que nous avons estimé qu’il était vraiment temps de tirer la sonnette d’alarme et de faire en sorte qu’on travaille tous à améliorer les choses.

- Mais ne craignez-vous pas des sanctions, des exclusions, parce que vous avez foulé la discipline du parti au pied en envoyant une déclaration à la presse ?

R.E.K : Il s’agit en réalité d’une lettre interne au président du parti. Mais comme vous les journalistes, vous êtes très forts, vous avez réussi à vous la procurer. La hauteur de notre démocratie pourra se vérifier aussi aux attitudes qui pourront être adoptées. Je pense que ce sera une occasion de vérifier si notre démocratie est mature ou infantile.

- Seriez-vous prêt à accueillir d’autres courants extérieurs de votre parti qui partageraient cette idée cardinale de recadrage de la démocratie ?

R.E.K : Nous avons occupé un certain nombre de responsabilités dans ce pays, et je pense que chacun de nous a pu prouver son amour pour ce pays. Le Burkina Faso appartient à tous ses enfants. Je pense alors que c’est même un devoir pour chacun de ces enfants de travailler à ce que la santé de ce Burkina-là soit la meilleure. Nous ne pouvons donc pas dénoncer certaines dérives et nous replier, nous recroqueviller sur nous-mêmes et refuser l’ouverture. Ce serait un peu contradictoire. Si l’on part du raisonnement que nous sommes tous des frères, nous devons pouvoir en principe avoir des passerelles entre nous, nous parler sans aucun problème.

Lamine Koné
Aristide Ouédraogo

San Finna

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