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Manifeste des “refondateurs” : Procès d’intention

Publié le jeudi 24 avril 2008 à 13h33min

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« Le pays va mal, voire est cliniquement mort ». C’est l’impression qui se dégage à la lecture du manifeste pondu par les nouveaux refondateurs du Faso. Une impression vite démentie quand on découvre l’argumentaire tiré par les cheveux développé pour nous convaincre de l’état grabataire du Burkina Faso et surtout, qui se cache derrière ces refondateurs.

Si nos refondateurs ne sont pas sur une autre planète, ils sont en tout cas d’une mauvaise foi manifeste dans leur description du Burkina Faso social, économique et politique, description pour le moins alarmante aux regards des maux répertoriés. « Crise des institutions et faillite de la représentation nationale, monarchisation du régime, récupération du pouvoir judiciaire, impunité, insécurité, désespérance en la démocratie, mauvaises politiques sectorielles… » N’en jetez plus, les vestiaires débordent. Cette « dimension globale et multiforme de la crise » oblige donc à une « réorientation du processus de démocratisation, à la réhabilitation du politique et de la politique et à la réapropriation par le peuple des biens collectifs du pays ».

Le summum de l’hypocrisie et de la mauvaise foi, dans la mesure où ce manifeste « tombe » au moment où conscient de la nécessité d’assainir les finances publiques et de moraliser la vie publique, le gouvernement procède par petites touches, à cette réfondation politique et économique. La réduction sensible du train de vie de l’Etat se manifeste notamment à travers une gestion rationnelle des biens publics, et la fin des privilèges et autres passe-droits que s’arrogeaient certains barons du commerce local. Les réformes politiques et institutionnelles en gestation au parlement et le respect strict de la séparation des pouvoirs, quoiqu’en disent les refondateurs, sont les pendants politiques de cette bonne gouvernance. On ne sait trop où nos refondateurs vont chercher la « dénaturation » (sic) du mandat populaire, « en raison de la substitution de la volonté des gouvernants à celle des gouvernés », si ce n’est dans leurs esprits enfiévrés et conséquemment préparés à produire de telles insanités. De même, « l’escamotage des recommandations du Collège de sages », relève du procès en sorcellerie de nos apprentis analystes politiques.

Faut-il le rappeler, la journée du 30 mars a été instituée comme celle du souvenir et de la promotion des droits humains, et, à chaque anniversaire, un point exhaustif de l’application des recommandations du Collège de sages, est fait.
Du coup, on se prend à s’interroger sur les motivations réelles de cette sortie politique ainsi que des fins recherchées. Et, on n’a point besoin d’investiguer longtemps, l’identité des signataires nous donnant la réponse toute faite. Si « l’élucubrateur » en chef du Faso, Charles GUIBO, alias Toegui, alias… n’a pas mis les pieds dans le plat pour dire la vérité à cette bande d’aigris revanchards, nous n’auron pas pour notre part, autant de scrupules, d’autant que les sieurs ont été les premiers à exceller dans la mal cause. Hormis donc Christian KONE qui est bien dans son rôle, lui qui nous a habitué à des diatribes autrement plus salaces, les autres ont toujours fait jusque-là, dans un style certes tranchant, mais à tout le moins poli. Leur trop longue mise à l’écart (tous ont flirté avec Blaise COMPAORE à un moment ou à un autre) a certainement contribué à augmenter leur bile, ce qui les amène à être des aigris permanents.

Dans le cas de Soumane TOURE, la perte probable de « son » PAI lui enfume l’esprit. Autrement, dans un passé récent, il affirmait sans rire que « tout baignait » dans la République, juché il est vrai sur son fauteuil de Ve vice-président de l’Assemblée nationale et persuadé qu’il avait définitivement gagné la bataille pour la propriété du PAI. C’est donc un retournement de veste circonstanciel qui montre à quel point ce communiste d’un autre temps a oublié ses classiques révolutionnaires au profit de théories plus ventrales. C’est aussi le cas de « l’écolo » Ram OUEDRAOGO, qui n’a pas le même background, certes, mais qui s’illustre, lui aussi dans l’art du louvoiement politique. Un art dans lequel excelle Cyrille GOUNGOUNGA, l’homme des « alliances asymétriques » qui a « cassé » bien de partis politiques avant de se retrouver à la tête d’un avorton de regroupements politiques. Ayant fait chou blanc aux dernières législatives, Cyrille traîne depuis son spleen et est prêt à s’accrocher même aux branches pourries pour surnager.

Le cas du chantre du Tekré, Hermann YAMEOGO, est beaucoup plus corsé, son contentieux avec Blaise COMPAORE comportant aussi bien des raisons crypto-personnelles que politiques. Un désamour qui n’est pas loin de ressembler à une tragédie grecque, avec le fils qui renie la volonté du père. Nous ne ferons pas l’honneur aux autres signataires de conjecturer sur leur cas, dans la mesure où ils sont la cinquième roue d’un carrosse brinquebalant. Qu’il nous suffise de dire que nous ne comprenons pas l’appartenance d’un Eugène DIENDERE à ce bric-à broc, le patron du Rassemblement démocratique des masses (RDM) étant, nous semble-t-il, par nature, par essence et par destination, de la mouvance présidentielle. Les voies de la politique étant impénétrables les jours à venir nous situeront davantage sur son cas. Pour conclure disons que les Refondateurs font beaucoup de bruit pour rien, leurs desseins personnels étant leur seule boussole. Et comme la politique au Faso ne s’accommode pas des tartufes, il y a fort à parier qu’ils seront de plus en plus escamotés et renvoyés dans les oubliettes de l’histoire, comme toutes les girouettes.o.

Par Alpha YAYA

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Quand des « refondateurs » sont de sortie

A la faveur des manifestations consécutives à la question de la vie chère, le landernau politique se meut et alors de leurs oubliettes sortent de « combattants » aux énergies émoussées pour refonder la gouvernance au Faso. Le manifeste de la « refondation nationale », c’est le document qu’ils ont publié et qui décline leur programme. Qui sont-ils et que veulent-ils réellement ?

« Notre pays vit, en plus de la crise générale de la représentation, une crise de régime, doublée d’une crise de société qui l’expose, si des réformes structurelles ne sont pas opérées, à une explosion. Les séries d’émeutes passées sont à cet égard des signes avant-coureurs à ne point prendre à la légère. »

Quelles que soient les œillères qu’on aurait chez les « refondateurs », il faut dire que l’appréciation déroute tout observateur qui est alors en droit de se demander de quel pays l’on parle. Ce ne saurait en tout cas être ce pays, le Burkina Faso, une démocratie qui se bâtit patiemment et qui depuis 1991, année de l’adoption de la constitution en vigueur, observe les principes fondateurs de la démocratie que sont les élections libres et transparentes, la liberté d’expression et d’opinion, la séparation des pouvoirs dont les institutions (Présidence, Gouvernement, Parlement, Justice) fonctionnent sans accrocs… Ce pays du reste est de plus en plus cité comme un exemple qui devrait faire école en Afrique en matière de gouvernance démocratique. En quoi donc la quatrième République serait-elle en crise au Burkina ? On serait tenté de dire que les « problèmes » n’existent que dans l’esprit des « refondateurs » qui se laissent égarer dans leur jugement par les frustrations politiques qu’ils ont connues. Car, il faut le souligner, les têtes de proue de ce regroupement politique ont tous évolué dans la même mare que les dirigeants qu’ils pourfendent aujourd’hui, pour avoir soit été au Front populaire avec Blaise COMPAORE, participé à un de ses gouvernements comme ministres ou milité dans son parti, le CDP.

Ainsi donc, les mouvements consécutifs à la question de la vie chère, que l’on connaît du reste un peu partout en Afrique, sont les manifestations d’une crise de gouvernance au Faso. C’est comme ça que les refondateurs voient les choses ; ce qui cache mal un désir manifeste de règlement de comptes avec un pouvoir à qui on a toutes les raisons d’en vouloir car ayant brisé des rêves ou des carrières politiques. Les propos sont sans équivoque qui livrent les « refondateurs » lorsqu’ils écrivent : « …au nombre des principales causes de cette crise, s’inscrit la culture politique de la classe dirigeante actuelle qui est convaincue qu’elle peut rouler le peuple dans toutes ses composantes, pour poursuivre ses entreprises de prédation et de violence politique. » (sic !). Quoiqu’ils ne soient plus aux affaires, beaucoup qui portent ce manifeste pour la « refondation sociale » sont mal inspirés de signer un tel document qui laisse transparaître un esprit revanchard qui ne trompe pas le Burkinabè qui connaît maintenant qui est qui dans cette faune politique du Faso. En lisant la liste des signataires, on constate que quatre sur les neuf (Yacouba TOURE –Parti Ecologiste pour le Développement du Burkina ; Hermann YAMEOGO –Union Nationale pour la Démocratie et le Développement ; Cyril GOUNGOUNGA-Parti pour l’Intégration et la Solidarité ; Ram OUEDRAOGO-Rassemblement des Ecologistes du Burkina Faso) ont occupé des fonctions ministérielles sous l’actuel régime.

Soumane TOURE a été cinquième vice-président de l’Assemblée nationale et on n’oubliera pas de sitôt qu’il fut, dans un passé récent dans la lutte engagée entre partisans et adversaires de la tenue d’une conférence nationale souveraine aux sortir des années de révolution, celui que d’aucuns ont qualifié de bras armé de Blaise COMPAORE à travers l’ARDC (Alliance républicaine pour la défense de la constitution) contre la CFD (Convention des forces démocratiques) dont Hermann YAMEOGO était un leader. Alain ZOUBGA, lui a été ministre de Blaise sous le Front populaire. A l’avènement de la Rectification, il serait de ceux qui étaient farouchement opposés à l’ouverture du Front aux libéraux dont notamment le MDP (Mouvement des démocrates patriotes) de Hermann YAMEOGO. Eugène DIENDERE est le prototype du frustré du CDP qu’il a quitté aux législatives dernières pour créer son propre parti le RDM (Réveil démocratique des Masses). Les autres sont des responsables de « partillons » qui ne demandent que des tribunes pour gesticuler et se donner l’illusion d’exister en tant que chefs politiques.

En tout cas, ceux des signataires du manifeste qui ont déjà participé à l’Exécutif peuvent-ils refuser leur appartenance ou parenté avec le régime en place ? Ils font bien partie de cette classe dirigeante qu’ils décrient. Qu’ont-ils fait quand ils étaient au gouvernement pour éviter la survenue de la « crise actuelle » ? Il est facile de crier à l’incurie des autres quand soi-même on n’a rien fait quand on pouvait décider.
A moins que la « classe dirigeante » pour eux ne se limite qu’à ceux qui sont au sommet de l’Etat ! Ce qui est, à tout le moins, malheureux puisque la République, la classe politique avec, est un ensemble d’institutions dont font partie l’opposition et le pouvoir, c’est l’essence de toute démocratie. La preuve, le chef de file de l’opposition est inscrit dans l’ordre protocolaire et l’argent du contribuable est utilisé pour financer les partis politiques lors des consultations électorales. Si des hommes qui ont marqué l’histoire de ce pays, qui ont été ministres d’Etat, députés, grands syndicalistes, conseillers municipaux… n’ont rien à voir avec la classe dirigeante de ce pays alors il va falloir redéfinir le concept.

Même si l’on n’aime pas le lièvre, il faut reconnaître qu’il court vite. Malheureusement, cette disposition d’esprit est la chose la moins bien partagée au sein de la classe politique du Faso où l’on croit plutôt que reconnaître les mérites de l’autre, c’est lui donner le fouet pour se faire flageller. Aussi s’évertue-t-on à trouver la bête noire dans son action si on n’en imagine pas pour lui nuire. Et ils sont généralement forts en cela, les anciens amis.

Si le Burkina avait effectivement atteint le degré de déliquescence tel que décrit dans le manifeste des « fameux » refondateurs, nul doute qu’il ne jouirait pas de cette confiance dont il est l’objet à l’extérieur et son premier responsable, le président du Faso, ne recevrait pas des lauriers de partout le monde.
Les « refondateurs » doivent reconsidérer leur démarche hasardeuse et se replacer du côté de la légalité pour un renforcement de la démocratie. Ce n’est pas en inventant des crises et en simulant des solutions que le pays ira de l’avant. La démocratie est une œuvre de longue haleine et chaque acteur doit avoir la patience dans son édification. Concluons en empruntant au document des « refondateurs » cette phrase digne d’intérêt : « c’est la voie de la sagesse qui nous permettra de préserver les acquis et d’instaurer une gouvernance responsabilisée au bénéfice de tous ». Une assertion qui interpelle au premier chef l’esprit qui l’a sortie.

Par Ahmed NAZE

L’Opinion

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