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Pensions des anciens combattants : Vétérans de tous les pays, unissez-vous !

Publié le mardi 15 juin 2004 à 07h39min

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La télévision burkinabé nous a donné à voir, il y a de cela quelques semaines, le représentant de la France dans notre pays exhibant un chèque d’un peu plus de 3 millions d’euros qu’il remettait au directeur du trésor public, non sans une certaine fierté.

Ce n’est pas tant la cérémonie avec les sourires en coin des uns et des autres, même pas l’image de ces vieillards croulants, enguenillés et titubant jusqu’à la pairie de France, que ce que cette mise en scène représente et ce sur quoi elle se fonde, qui choquent la conscience citoyenne.

En effet, 5 ans après le début de la controverse sur la nécessité de décristaliser les pensions des tirailleurs sénégalais, la France, devrais-je dire dans sa grande mansuétude, a accepté de lâcher un chèque d’un peu plus de 3 millions d’euros et des Burkinabé sont passés à la caisse, qui pour recevoir 2 500 FCFA (5 euros en gros), qui 25 000 FCFA , et tel autre plusieurs millions. En somme, qu’ils aient combattu en Algérie, en Indochine, ou à Dien Bien Phu comme chair à canons parce que tous engagés dans l’infanterie, la reconnaissance de la nation française ne se mesure pas à l’état des services ni à la déchéance morale et physique mais au calcul froid et cynique de la logique économique et financière.

Tous les justificatifs et argumentaires qui ont été échafaudés pour soutenir cette manière de faire sont inacceptables tant sur le plan des faits historiques que de la simple morale.

Voilà des gens qui ont été arrachés à leur patrie, à leurs familles, qu’on a immatriculés du jour au lendemain et qu’on a jetés dans les différentes tranchées et sur les champs de bataille pour tirer sur des gens qu’ils ne connaissent pas, pour des raisons qu’ils ne connaissent pas, pour défendre un pays qui n’est pas le leur et qu’on exhibe 50 ans après, dans la plénitude de leur misère, tenant à peine debout pour la plupart mais alignés devant la pairie de France pour prendre des peccadilles. Sans blague !

A contrario, on a vu la France fêter la débâcle de Dien Bien Phu (même si elle la qualifie de résistance héroïque), où les vétérans ( notez bien que les anciens combattants français s’appellent des vétérans )étaient debout, solides, sanglés dans des uniformes impeccables et bardés de décorations de toutes sortes.

Si on en croit ce que les récits et les reportages disent des batailles de Dien Bien Phu, c’était une guerre sans pitié tant sur le plan tactique, matériel que psychologique ; les vétérans eux- mêmes ont la larme aux yeux quand ils racontent ce qu’ils ont enduré et se demandent encore aujourd’hui pourquoi on les avait envoyés là. Il y avait des titailleurs à Dien Bien Phu et c’est proprement indécent de débusquer ces gens de leurs cases pour leur tendre 2 500 FCFA A pour je ne sais quel type de réparation.

Avant même de parler de réparation, nous pensons qu’il eût été plus humain que la France reconnaisse officiellement le tort fait à ces tirailleurs, qu’elle demande pardon de manière à ce que cela l’oblige à rétablir ces gens dans leur dignité. En d’autres occasions, la France a officiellement demandé pardon à une communauté, juive pour ne pas la nommer ; l’église catholique par la voie de Sa Sainteté, a officiellement demandé pardon pour son rôle dans des absurdités historiques dont elle sait qu’elle a pris une part active dans l’avènement. Et alors !

Les officiels français (ministres, députés et hommes politiques de gauche comme de droite) qui sont prompts à prendre le devant des cortèges des citoyens qui battent le pavé pour dénoncer le racisme et l’exclusion, devraient exiger du gouvernement français qu’il se décide une fois pour toute, ici et pas plus tard, à effacer du drapeau français, symbole d’égalité, de liberté et de fraternité, la tache noire du sang des Noirs versé pour lui sur son sol. Deux malheureux milliards de CFA ne suffisent pas pour ce faire.

Au terme de la manœuvre , on retient toujours que des Africains sont allés mourir à la guerre en France et que d’autres sont revenus marqués à vie ; pour les premiers, on passe l’opération à perte et profit, pour les seconds on donne des broutilles. Cette manœuvre n’a été possible que parce que la France n’a pas officiellement reconnu le fait historique comme un tort dommageable pour l’Afrique ; le faire l’aurait contrainte à une réparation autrement plus humaine et plus digne. Dune manière ou d’une autre, il faut amener la France à cette extrémité. Le combat du tirailleur Diop, qui a forcé le gouvernement français par Conseil d’Etat interposé, et qui est mort avant de savoir qu’il avait raison, ne doit pas être vain.

Si militaire rime avec honneur et dignité, si le prix du sang et de la vie a encore un sens, il faut que l’épreuve engagée contre le gouvernement français continue.

Que le tombeau du soldat inconnu érigé en France renferme le cadavre d’un Noir (à ce que l’on dit) ne doit pas être pris pour solde de tout compte et dédouaner la France de sa responsabilité face à l’histoire.

Combien d’Africains ont été enrôlés pour ces guerres ?

Combien sont morts, où et à quelles dates ?

Des actes de décès ont ils été établis et remis aux ayants droit ?

Voilà entre autres, des questions auxquelles bon nombre de petits enfants d’anciens combattants voudraient avoir une réponse.

Les Américains et les Anglais ont débarqué en Normandie ; beaucoup y sont morts et enterrés dans un cimetière propre et bien entretenu ; les Africains morts en France sont enterrés où ? Ils ne sont quand même pas tous dans le tombeau du soldat inconnu !

Non, ce n’est pas une rengaine, encore moins un combat d’arrière-garde ; nos vétérans méritent mieux que ce que la France nous a donné de voir. Il faut contraindre la France à prendre un acte officiel qui reconnaisse ses torts et qui l’engage à une juste réparation.

La SHOA a rappelé et imposé à la face du monde et de la France, l’ignominie qu’ont constitué la déportation des Juifs et l’existence des camps de concentration. Si fait que profaner un cimetière juif aujourd’hui en France, correspond à une attaque en règle des fondements de la république, et cela est juste et normal. Par contre, des Noirs sont allés combattre et mourir pour la France, et ceux-là n’ont même pas de sépultures connues ; cela n’est pas juste, n’est pas normal, et c’est peu de le dire.

Pourquoi alors ne pas initier une pétition pour demander à la France :

- la liste exhaustive des Voltaïques déportés et enrôlés

- les actes de décès de ceux qui y ont succombé

- l’engagement ferme à une réparation digne pour les affres subies par les vétérans.

Il ne sera pas dit que des citoyens africains ont accepté de passer à perte et profit, une page aussi sombre de leur histoire. Donnons au tribunal de l’histoire les moyens et les arguments pour juger les faits et rien que les faits.

Jean Marie SOURABIE (imsourabie@hotmail.com)
Convergences pour une citoyenneté responsable

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