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Tchad : Le nouveau fusible s’appelle Youssouf Saleh Abbas

Publié le vendredi 18 avril 2008 à 01h13min

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Youssouf Saleh Abbas

Il s’appelle Youssouf Saleh Abbas. Il est, depuis le 16 avril dernier, Premier ministre du Tchad. Out donc Delma Kassiré Coumakoye, qui occupait ce prestigieux poste depuis le 26 février 2007. Sauf erreur ou omission, Youssouf Saleh Abbas devient ainsi le 13e Premier ministre du Président Idriss Deby, lui qui est au pouvoir voilà de cela 18 ans. C’est dire qu’en moyenne, au Tchad, la durée aux affaires d’un chef du gouvernement est d’environ 16 mois sous l’ère Deby.

Véritablement, 16 mois à la tête d’un gouvernement, c’est trop peu pour prendre connaissance des dossiers, mettre en forme sa stratégie politique pour un mieux-être de la population tchadienne. Et Dieu seul sait que le Tchad rêve de la mise en œuvre d’une politique bien pensée pour d’abord mettre un terme à cette endémique guerre civile qui gangrène depuis pratiquement l’indépendance ce pays et, enfin, s’attaquer aux problèmes du développement.

Bien de personnes s’étaient naïvement laissé dire qu’avec la découverte de l’or noir dans ce pays et avec l’exploitation de cette ressource vitale, le pays de François Tombalbaye sortirait de l’auberge et qu’on s’occuperait désormais de la seule bataille qui vaille : celle du développement. Malheureusement, au Tchad, nous n’en sommes pas encore là.

Alors si les précédents chefs de gouvernement ne l’ont été qu’un an et demi au plus, combien de temps Abbas le demeurera-t-il ? Difficile de se prononcer, car, à voir cette inflation de PM, on se laisse aisément dire que le général Deby trouve un malin plaisir à les changer au gré de ses humeurs. Comme des fusibles en fait !

A la décharge du maître de N’Djamena en ce qui concerne Kassiré Coumakoye, ce dernier ne semblait pas particulièrement entreprenant quant à ce qui touche à la réconciliation nationale.

En effet, les analystes politiques au Tchad s’accordent à reconnaître le peu d’empressement, durant tout son mandat, de l’ex-chef du gouvernement à mettre en œuvre les accords du 13 août 2007, signés entre le pouvoir et l’opposition ; des accords signés par l’opposition politique (non armée) et le pouvoir, mais qui n’ont presque pas connu un début d’exécution parce que, tout simplement, le chef du gouvernement n’y voyait aucune priorité.

Et pour cela, il traînait les pieds comme une limace. C’est son contre-pied que semble avoir pris son successeur, Youssouf Saleh Abbas. En effet, dès sa première adresse en tant que Premier ministre du Tchad, il a inscrit la mise en œuvre effective desdits accords en bonne place dans son agenda. "J’irai, dit-il, vers les responsables politiques qui ont signé cet important accord, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, pour construire, avec eux, un gouvernement d’action, capable de régler les problèmes quotidiens des Tchadiens".

C’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon ; et même s’il faut accorder la présomption de bonne foi au nouveau patron de l’Exécutif tchadien, il faudra attendre donc de le voir à l’œuvre pour le juger. Même si, à dire vrai, la promesse des fleurs suffirait pour se prononcer sur la qualité du fruit.

Youssouf Saleh Abbas resterait certainement un populiste hors pair si, dans son prochain gouvernement, on ne remarquait pas quelques figures de l’opposition. Peut-être bien que ces derniers pourraient refuser d’y entrer. Mais le nouveau chef du gouvernement n’exclut pas la possibilité de convaincre certains, grâce à la force des arguments, à l’y rejoindre.

On suppute beaucoup sur ces fameux accords du 13 août 2007, mais que contiennent-ils de si substantiel ? Selon ces accords, en effet, l’opposition et le pouvoir doivent mettre en place les instruments de la révision des listes nationales, et créer une commission électorale indépendante en vue d’organiser des législatives transparentes.

En clair, pour ne pas se laisser rouler dans la farine, c’est la pratique sous nos républiques bananières ou cotonnières, l’opposition tchadienne veut voir clair dans tout le processus électoral. Mais le nouveau Premier ministre saura-t-il mener à bien sa mission ? Son profil d’homme de dossiers plaide en sa faveur, dit-on du côté de N’Djamena.

Directeur de cabinet de l’ex-président Goukouni Oueddei, vice-président de la conférence nationale souveraine en 1993, et conseiller diplomatique du président Déby avant d’être appelé à la tête du gouvernement, il est à penser qu’Abbas a, entre ses mains, toutes les cartes pour mener à bien sa mission.

Ouvrir des négociations avec l’opposition non armée et les réussir est une chose, convaincre les rebelles de déposer pour de bon les armes en est une autre. Ce qui peut paraître un défi pour le nouveau promu. Mais là encore, son origine ouaddaenne, de l’est du pays, plaide largement en sa faveur. Pour ceux qui ignorent la géopolitique tchadienne, disons qu’une frange respectable des rebelles vient de cette région.

Et mieux que quiconque, Abbas, ancien opposant au régime Deby, est aussi un ancien membre du puissant mouvement armé le Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT). Voilà les atouts de Youssouf Saleh Abbas, qui, s’il arrive à bien manœuvrer, lui permettront de passer à la postérité comme étant celui qui a su "ajouter de la terre à la terre" (1).

Boureima Diallo

Note :

(1) Expression du poète burkinabè Me Frédéric Titenga Pacéré pour dire que chacun, à quel que niveau qu’il soit, doit œuvrer à être utile à sa famille, à son pays.

L’Observateur

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