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Décès d’Aimé Césaire, figure de la Négritude

Publié le jeudi 17 avril 2008 à 12h24min

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Homme politique, écrivain, penseur, Aimé Césaire incarnait à lui seul plus d’un demi-siècle de l’histoire de la Martinique. Mort jeudi à l’âge de 94 ans, cette figure type de l’engagement littéraire aura mis ses lettres au service d’un combat de toute une vie pour l’émancipation des Noirs.

Dès ses premiers textes dans les années 1930, il aura chanté la "Négritude", concept littéraire autant que sociologique prônant le retour à l’identité et à la culture noires, et dénoncé l’oppression colonialiste blanche.

Dans ses poèmes, ("Cahier d’un retour au pays natal", "Les armes miraculeuses", "Et les chiens se taisaient", "Soleil cou coupé", "Corps perdu", "Cadastre"), ou dans ses essais, notamment le célèbre "Discours sur le colonialisme", il aura défendu par les mots la fierté et le droit à l’égalité du peuple noir.

"La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture", écrivait-il. Il avait également écrit pour le théâtre ("La tragédie du roi Christophe", "Une saison au Congo", "Une tempête").

Avec Léopold Sédar Senghor, autre homme de lettres noir rencontré à son arrivée à Paris en 1931, il aura développé au fil du temps la Négritude comme un pont littéraire, culturel et historique entre les Noirs des Antilles et ceux d’Afrique, notamment par l’intermédiaire de "L’Etudiant noir", la revue qu’ils avaient fondée dans les années 1930. "Le mouvement de la Négritude affirme la solidarité de la diaspora avec le monde africain", expliquait-il.

"Nous étions très centrés sur la rencontre des civilisations. J’étais très curieux du Sénégal et de l’Afrique. Je savais bien qu’ils étaient des frères, mais personne ne me l’avait appris et surtout pas les livres", expliquait-il en 2005 au sujet de sa rencontre avec le futur président du Sénégal décolonisé. "Alors on a parlé du passé de l’Afrique, j’ai parlé de la Martinique, du créole, de l’immigration, du monde colonial, de la France et nous. Et je voyais que, sur beaucoup de points, on se rencontrait. C’est ainsi qu’est née la négritude".

Homme de lettres, Aimé Césaire aura également traversé l’histoire politique de la France et de la Martinique depuis l’après-guerre. Homme de gauche, il aura été député de Martinique pendant près de cinquante ans, d’abord sous l’étiquette communiste, avant d’intégrer le groupe socialiste. Il est maire honoraire de Fort-de-France, ville qu’il a administrée de 1945 à 2001.

En 2007, il avait soutenu Ségolène Royal à l’élection présidentielle et avait accepté d’être le président d’honneur du comité de soutien "Désirs d’avenir" de la candidate en Martinique. En décembre 2005, il avait refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy à Fort-de-France en raison de la polémique autour de la loi sur le "rôle positif" de la colonisation. Il avait finalement accepté de recevoir le ministre de l’Intérieur de l’époque le 10 mars 2006 lors de la visite de ce dernier en Martinique. En janvier 2007, M. Sarkozy avait fait rebaptiser l’aéroport de Fort-de-France/Le Lamentin aéroport Martinique/Aimé Césaire.

Né le 25 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique), Aimé Fernand Césaire était issu d’une famille lettrée attachant une grande importance à l’éducation. Elève brillant, il suit d’abord ses études à Fort-de-France, avant d’entrer au prestigieux lycée Louis-le-Grand à Paris en 1931, après avoir obtenu une bourse d’enseignement. C’est là qu’il rencontre Léopold Sédar Senghor. Il intègre ensuite l’Ecole normale supérieure et la Faculté de lettres de Paris.

Licencié es lettres, il rentre en Martinique, où il enseigne au lycée Schoelcher de Fort-de-France entre 1940 et 1945. Ce retour sur sa terre natale lui inspire ses premiers poèmes "Cahier d’un retour au pays natal", et il entame parallèlement sa longue carrière politique. Il est d’abord membre des deux Assemblées constituantes de Martinique entre 1945 et 1946, avant d’être élu député de la Martinique en 1946 (réélu en 1951 et 1956).

Ses positions anticolonialistes le rapprochent du Parti communiste. De 1946 à 1956, il est inscrit sous cette étiquette à l’Assemblée nationale, avant d’être apparenté au groupe du Parti du regroupement africain et des Fédéralistes jusqu’en (1958-59). En 1958, il est réélu au Palais Bourbon, où il siégera jusqu’en 1993, en tant qu’apparenté au Parti socialiste.

Parallèlement à la métropole, Aimé Césaire mène une carrière politique en Martinique, où il est président du Parti progressiste martiniquais. Il est maire de Fort-de-France entre 1945 et 1983. Sa réélection de 1983 est invalidée, mais il retrouve son écharpe en 1984, avant de se retirer en 2001. Il est conseiller général du quatrième canton de Fort-de-France entre 1956 et 1970, et président du Conseil général de Martinique entre 1983 et 1986.

En 1968, il avait reçu le prix international de littérature de Viareggio-Versilia pour l’ensemble de son oeuvre, et en 1982 le grand prix national de poésie. En 1969, il avait été honoré par le Cameroun, qui avait émis un timbre à son effigie.

AP

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