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Bailly Spinto : « Georges OUEDRAOGO a été connu en Afrique avant moi »

Publié le jeudi 17 avril 2008 à 11h44min

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Présent à Ouagadougou dans le cadre de la célébration des 40 ans de musique de son ami et frère Georges OUEDRAOGO, le Gandaogo national, Baillys Spinto monument de la musique africaine s’est prêté à nos questions.

Avec une carrière d’artiste bien remplie (16 albums) à son actif ce précurseur de la musique africaine revient dans cette interview sur ses relations avec Georges OUEDRAOGO, le Burkina Faso. Dans cet entretien, il donne également son point de vu sur la musique d’aujourd’hui et sur la crise que son pays a traversée. Lisez plutôt.

Actuellement je suis en pleine préparation de disque, mon seizième album, dont la sortie est prévue pour fin avril. Mon staff est actuellement en train de préparer la sortie de l’œuvre. C’est un album qui va être quelque chose de formidable, parce que sur l’album il y a eu des featuring avec Henry DUBOULA, on a repris ANOUMEY qui est l’un de mes tubes en zouk love. On a repris une chanson d’un Kenyan qui a chanté MALAÏKA, la chanson qui a révélé Miriam MAKEBA, et dans cet album également j’y ai mis de grands slows comme l’Africain les aime. Je suis donc en pleine sortie d’album, en plus de ça j’ai de grands chantiers dans la ville et au village, des activités qui m’occupent énormément. Je suis quelqu’un de très pris et si je suis venu au BF, c’est que ce pays fait partie de mon patrimoine à moi en tant que chanteur. Toute ma jeunesse et ce jusqu’aujourd’hui des Burkinabè se sont ouverts à moi, et je peux vous le dire cela remonte aux années 66. Mon premier concert ici avec les « fétiches » à la Maison du peuple et jusqu’aujourd’hui le Burkina m’a toujours ouvert ses portes. A chaque évènement important je suis toujours là. J’ai un calendrier très chargé, mais dès qu’on me parle du Burkina, c’est comme si c’était une piqûre que l’on me met, je ne peux pas résister, je prends l’avion et je viens.

Comment est née votre amitié avec Georges OUEDRAODO ?

Ballys Spinto (BS) : Moi je n’ai pas connu Georges OUEDRAOGO en tant que chanteur. Moi j’étais le chanteur du groupe uni système dans lequel G. O a joué. Et dans ce groupe, il y avait Rato Venance avec lequel G.O a joué au BOZAMBO, il y avait KASSABY DEY un autre musicien, nous étions au total six musiciens. G. O jouait dans un groupe en Côte d’Ivoire qu’on appelle, les freemans si ma mémoire est bonne. Les freemans jouaient dans une grande boite de renom qu’on appelait le KIRIRUM. Il a été débauché dans ce groupe par Mady SANFO qui était un jeune burkinabè, paix à son âme, qui a créé un groupe en CI qu’on appelait le New système Pop et c’est M S qui l’a amené au NSP. Moi je suis arrivé au NSP venant aussi d’un autre groupe. Et c’est au NSP que l’on s’est rencontré. G.O et moi avons occupé la même chambre. On était six artistes et il y avait six chambres, mais on nous a mis deux, pour avoir la place pour le matériel et pour pouvoir faire les répétitions. Il y avait donc deux lits dans chaque chambre et les choses ont voulu que lui et moi on se retrouve dans la même chambre, et c’est comme ça que j’ai fréquenté G O. qui est quelqu’un d’extraordinaire, quelqu’un qui était fier de ce qu’il est. Fier d’être mossi. Et chaque fois qu’il faisait quelque chose d’extraordinaire, il disait : « moi petit mossi là ».

S’il fait un bon roulement de batterie ou bien il pose un acte qui est sublime, il vient devant nous et il dit « moi petit mossi là ! » C’est après que j’ai compris que c’était en fait lui sa façon de se galvaniser. G O est quelqu’un qui aimait la musique et la percussion et il était très serviable. Comme il voulait chanter, il m’observait beaucoup, tous mes gestes il observait, alors qu’il était à la batterie, et en plus on dormait dans la même chambre. Ce qui m’a frappé, quand il partait pour l’Allemagne, il était obligé de fuir la nuit à minuit. Son départ pour l’Allemagne allait créer un vide puisse qu’il allait casser un groupe pour créer un autre groupe. Il partait donc sans le consentement de ses responsables du groupe, donc il fallait fuir, et c’est comme ça que Georges est parti. Six mois après son départ nous aussi on a eu notre chance parce que le groupe était remodelé et on s’est retrouvé et on a fait près de 10 ans de tournée à travers le monde. On s’est retrouvé même au Mexique.

Qu’est-ce que ça vous fait aujourd’hui d’accompagner un ami artiste qui fête ses quarante ans de carrière ?

BS : Je dis que c’est important et je suis d’accord qu’il fête ses quarante ans, parce que G. O faisait un peu mûr dans le groupe dans lequel on était. G O était un BCBG (Bon chic Bon genre) c’était quelqu’un qui aimait bien s’habiller. Il faut dire aussi que c’est quelqu’un qui a commencé sa carrière très jeune.

Comment appréciez-vous sa musique ?

BS : Quand on a commencé à composer nos chansons dans nos langues, il accompagnait ces chansons à la batterie, et intérieurement, le projet que M. Jimmy Hyacinthe avait pour eux, c’était de revaloriser le patrimoine musical du terroir, chacun à son niveau. C’était énorme, c’était inestimable. A l’époque, des jeunes gens qui laissent tomber tout ce qui est musique de variété, et qui créent eux-mêmes leur propre style, dans leur langue et tout ça, c’était extraordinaire. G .O a eu la chance de percer avant nous autres, avant moi qui était pourtant son chanteur leader dans les groupes de jeunes. Il a percé avant moi, il a été connu en Afrique avant moi, et il a fallu que moi aussi je cravache dure pour y arriver. Toute chose qui n’a pas été du tout facile parce que arrivé en Europe chacun se cherchait, chacun était allé se chercher comme on dit, et moi-même qui était le leed vocal il a été très difficile pour moi d’avoir un producteur. G O a eu la chance d’avoir avec lui Jimmy Hyacinthe en Allemagne, où ils ont eu à faire du bon boulot, puis après comme dans les chansons de BOZAMBO il y avait une originalité, qui se dégageait et qui était les chansons de G O, cela a fait qu’il a émergé parmi tous les autres musiciens qui étaient avec lui.

Personnellement si vous regardez un peu en arrière qu’est-ce que vous voyez ?

BS : Ce que je vois, je vois que les artistes de notre génération, il faut que les gens les laissent tranquilles, qu’ils les laissent pour qu’ils puissent proposer une musique à leur dimension, une musique soft, cool, et qu’on est pas à regarder dans le rétroviseur parce que nous sommes des avants gardistes, nous avons créé proposé des choses à l’Afrique. Aujourd’hui, il y a beaucoup de notre génération qui ne sont plus, paix à leur âme, ils sont partis, et nous qui sommes restés, il faut que les Africains nous encadrent pour qu’on puisse être à côté de ses jeunes là. Pour leur montrer le chemin, comment il faut y arriver, leur montrer le chemin à parcourir pour y arriver. Aujourd’hui tout est un peu facile. Moi je ne regarde pas dans le rétroviseur.

Comment appréhendez-vous la musique d’aujourd’hui par rapport à votre temps ?

BS : La musique d’aujourd’hui je l’accepte, étant une musique urbaine, et je suis d’accord avec le phénomène, et j’encourage d’ailleurs ces jeunes parce que c’est leur époque, c’est leur temps, et on ne peut pas leur en vouloir de faire ce qu’ils font. Ils ont un public qui les suit, c’est tout à fait normal. Mais je dis que c’est à nous de l’ancienne génération de rester dans notre créneau à nous, nous avons aussi notre public, et notre public est un public select parce que ce sont des gens qui ont assez de moyens et nous-aussi nous sommes fiers d’avoir fait des choses pour nos pays, pour notre continent de par le passé et nous restons dans notre position, dans notre style, dans notre feeling, sans regarder derrière par rapport aux jeunes qui sont là. Les jeunes qui sont là aussi font leur travail, et je suis convaincu que eux-aussi seront dépassés par rapport à une autre époque qui va arriver plus tard. Moi personnellement je respecte ce que les jeunes ont apporté dans la musique africaine.

Votre pays la C I est en train de sortir d’une crise, comment vous l’avez vécue en tant que monument de la musique ivoirienne ?

BS : Moi j’ai très mal vécu la crise ivoirienne. Je l’ai mal vécue parce que j’ai des parents burkinabè et certaines choses qui se passaient dans ce pays me faisaient mal. Ma petite sœur même père même mère, qui était mariée à feu Tiga OUEDRAOGO votre fameux chroniqueur sportif, est revenue au Burkina avec ma petite sœur qui est elle aussi aujourd’hui décédée. Ils ont laissé une fille, elle est chez moi aujourd’hui et elle va se marier bientôt. C’est vous dire que tout ce qui se passait en C I, j’étais gêné, j’étais frustré parce que le Burkina et la Côte d’Ivoire sont des pays frères. C’est la politique qui nous divise. Comment voulez-vous que moi je puisse être contre des Burkinabè alors que moi-même je suis Burkinabè par le sang de ma sœur qui est marié à un Burkinabè. Dans le domicile paternel, je vais vous dire que la grande majorité des gens qui y vivaient et surtout avaient droit aux maisons étaient les Burkinabè et on a vécu comme ça avec les Nikiéma, les OUEDRAOGO, etc., on a grandi comme ça. C’est vous dire que cette crise là nous a fait trop de peine, elle nous a fait trop de mal. Je voudrais profiter pour remercier le peuple burkinabè qui a été digne dans cette crise, qui ne s’est pas paniqué, et qui aujourd’hui nous soutient à sortir de cette crise.

L’Opinion

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