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Côte d’Ivoire : Trois hommes pour un fauteuil

Publié le mercredi 16 avril 2008 à 10h29min

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La Commission électorale indépendante (CEI) ivoirienne a fixé la date du premier tour de l’élection présidentielle au 30 novembre 2008. A quelques six mois de cette échéance capitale pour le pays, trois hommes, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié sont les favoris logiques. Revue de détails des forces en présence.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il n’est pas superflu de rappeler que si la Côte d’Ivoire entrevoit progressivement le bout du tunnel, le mérite en revient bien sûr aux Ivoiriens d’abord, mais aussi et surtout au facilitateur du dialogue politique inter-ivoirien qui a donné de son temps et de sa personne pour permettre cette heureuse occurrence.

Avec la pacification politique intervenue au Togo sous son égide et l’accalmie relative qu’il a réussi à instaurer en Guinée-Conakry, on peut dire que son mandat à la tête de la CEDEAO aura été en tout point utile pour la sous-région. Cela dit, et, pour en revenir à la Côte d’Ivoire, trois hommes se dégagent du lot des prétendants que cette course à la présidentielle qui a du reste commencé depuis la signature de l’Accord de Ouagadougou le 4 mars 2007, va susciter.

Premier impétrant sérieux, l’actuel président Laurent Koudou Gbagbo qui en sus des arguments traditionnels va surfer sur son image de "vainqueur de la guerre" et de gardien de l’intégrité territoriale et de l’unité du pays. S’il affirme volontiers n’avoir pas gagné la guerre, Gbagbo ne dédaigne pas en effet de se présenter comme celui, grâce à l’action de qui "le complot étranger" contre la Côte d’Ivoire a échoué. C’est ainsi qu’il a élargi le cercle de ses patriotes, en portant sur les fonts baptismaux, un comité national pour la démocratie, qui ratisse au-delà de ses partisans traditionnels.

Comptant en son sein des hommes comme Camille Alliali ex-ministre, d’Etat d’Houphouët Boigny ou Laurent Dona Fologo qu’on ne présente plus, ainsi que Bernard Dadié, ce comité se veut donc "l’incarnation" de la Côte d’Ivoire une et plurielle qui regarde dans un seul sens, celui du progrès. Avec l’appui discret mais efficace de Simone Gbagbo dont les formules-chocs et parfois choquantes ont le don de maintenir les militants en veille, ce comité a déjà commencé à battre la campagne à travers l’inauguration de moult infrastructures, construites par l’Etat certes, mais capitalisées comme c’est le cas en Afrique, au compte du "chef" Gbagbo. Aussi les jamborees au profit de la jeunesse se multiplient avec des promesses d’un avenir radieux à travers notamment le service civique prévu par l’Accord de Ouagadougou. Conscient aussi que la donne ethnique, quoique résiduelle, peut jouer un rôle capital lors de cette consultation électorale, Gbagbo a multiplié les gestes de bonne volonté et les actions spectaculaires en direction des Akans et des Dioulas.

Ouattara peut-il rebondir ?

Geste le plus significatif, le maintien de la capitale politique à Yamoussoukro et les grands travaux entrepris dans cette ville pour la rendre digne de son statut. Même s’il se défend de visées politiques à travers cet acte d’un symbolisme profond, on comprend que cette sollicitude ait touché profondément les "pays" du vieux Boigny. Ce d’autant que du vivant du "Bélier", Gbagbo était l’un de ses plus grands pourfendeurs et lui reprochait entre autres, d’avoir "bradé" les richesses du pays au profit de son village natal.

Et puis, on n’oubliera pas que contrairement à Gbagbo, Henri Konan Bédié, héritier naturel du "Vieux" avait quelque peu délaissé Yamoussoukro au profit de son patelin natal, Daoukro. Ce qui pourrait du reste desservir le deuxième homme de cette campagne, qui présente de plus en plus l’image d’un "has-been", depuis la surprise désagréable de Noël 1999. Un coup d’Etat qui a occasionné une fracture profondeur au sein du PDCI-RDA et remis en cause la légitimité de Bédié, auquel il est reproché de n’avoir pas su "conserver l’héritage".

Cela a entraîné une défection massive des cadres du parti vers le FPI de Gbagbo (certains "esprits" y verront des motivations plus ventrales, qu’idéologiques) et pire a donné des velléités présidentielles à certains barons comme Konan Banny, l’ex-gouverneur de la BCEAO. Fort heureusement pour Bédié, "l’aventure" politique de Konan Banny a tournée court, mais, l’enfant de Daoukro, n’aura pas peu à faire pour remobiliser les troupes. Sa seule chance, réside dans cette "variable" ethnique que nous évoquions tantôt, les Akans étant plus enclins à voter pour le PDCI-RDA. Mais, la Côte d’Ivoire de l’après-crise a connu des mutations profondes et les générations montantes ne sont plus sous le prisme des vieux clichés. N’ayant pas connu l’abondance "houphouetienne", ils votent en leur âme et conscience pour le candidat le plus à même de "faire leur affaire". C’est donc sur son programme politique que Bédié comme les autres, devra convaincre l’électorat. U

n électorat qui avait manifesté une forte préférence pour le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Dramane Ouattara lors des municipales de 2001, en lui conférant la majorité des mairies. "Nous sommes le premier parti de Côte d’Ivoire", avait à l’occasion clamé les dirigeants du RDR qui entendent le prouver lors de ce scrutin. Ils devront pour ce faire, restaurer l’image de leur leader, fortement ternie par les partisans du camp Gbagbo qui l’ont qualifié de "chef des agresseurs" de la Côte d’Ivoire. "Faux", ont rétorqué les partisans d’ADO qui voient comme principale raison de la crise, le déficit démocratique sur fond d’ostracisme, qui a coupé le pays en deux. "Nous voulons réinstaurer une Côte d’Ivoire qui respecte les différences", disent-ils, soulignant au passage que le camp Gbagbo a entretenu la flamme de l’ivoirité après Bédié et Robert Guéi, avec comme conséquence l’explosion du 19 septembre 2002.

En plus de ce combat pour le renouveau, ADO et les siens devront clarifier une fois pour toutes, au cours de cette campagne, leurs relations avec les Forces nouvelles. Si les plates-formes programmatiques des deux partis se ressemblent et beaucoup, des inimitiés semblent être nées entre leurs leaders à la faveur de la crise de septembre 2002 et de sa gestion.

Querelles de préséance, soupçons de trahison ou à tout le moins de "compromission" avec le camp adverse, alimentent cette crise. Soro n’étant pas partant, c’est le moment de crever l’abcès, avant qu’il ne devienne un point de fixation et ne plombe les chances d’accéder à la magistrature suprême. Une campagne passionnante à tout point de vue s’ouvre donc en Côte d’Ivoire, sur les cendres chaudes d’une crise qui a laissé des stigmates profondes. Aux politiques d’élever leur niveau et faire appel à leur sens patriotique, pour éviter, une rechute qui sera fatale pour l’éléphant d’Afrique.

Boubakar SY (magnansy@yahoo.fr)

Sidwaya

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