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Vie chère : la position du CISAB

Publié le lundi 14 avril 2008 à 11h59min

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Quelle est la position du cisab sur la problématique de la vie chère ? Est ce une crise conjoncturelle à l’échelle mondiale ( ce qui est moins évident à mon humble avis puisque on a l’impression qu’elle touche plus le monde francophone( ou est ce une crise indubitablement liée à la mal gouvernance politique et économique ??. La réponse de M. Jean R. Guion, présient du CISAB.

Si vous analysez bien les informations internationales, cette crise touche le monde entier, et pas seulement le monde francophone …
Certes on « l’entend » plus dans le monde francophone car, quoiqu’on en dise, et même si c’est loin d’être parfait, le monde francophone reste celui où la liberté d’expression, accordée, tolérée, ou imposée, est la plus pratiquée !

« A bas la vie chère » ! Si le slogan peut séduire, il en devient tout de même très rapidement suspect.

Au Burkina Faso, en France, en Asie (à l’exception de la Chine de Pékin où l’on meurt de faim en silence sans avoir attendu la crise alimentaire mondiale), en Egypte, aux Philippines, aux USA où on oublie que plus de 30% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (17% avoués !), les dernières marches « apolitiques » et autres grèves générales ont malheureusement confirmé cette appréhension.

A l’heure de la globalisation, qui peut décemment penser que la récente flambée des prix qui affecte l’ensemble du monde, et donc l’Afrique de l’Ouest, n’est pas la conséquence directe d’une profonde crise internationale ?

Peut-on sincèrement penser que les gouvernements de la CEDEAO, par exemple, même les plus mauvais, n’ont pas chaque jour cette préoccupation à l’esprit ?
Serions-nous tombés si bas ?

Sans vouloir aucunement minimiser la crise actuelle n’oublions pas que l’année dernière déjà, dans une relative indifférence parce que la flambée des prix n’affectait pas encore le « Nord », un enfant de moins de 1 ans mourrait toutes les 5 secondes et que près de 900 millions de personnes étaient gravement sous alimentées !

Il suffit d’écouter les déclarations, stupéfiantes d’impuissance, des dirigeants du FMI hier encore 13 avril , qui soulignaient que l’augmentation du prix des denrées alimentaires menaçait la capacité des Nations Unies à nourrir près de 73 millions de personnes et causait de graves problèmes dans les pays les plus pauvres.

Vous n’ignorez pas que L’ONU s’est vu obligée d’augmenter le budget du Programme alimentaire mondial (PAM) de 500 millions de dollars cette année et que son budget est passé de 2900 à 3 400 millions de dollars ?

Coïncidence, ironique et cruelle, c’est à peu de chose près le même montant que le coût de la guerre en Irak, estimé par le « Prix Nobel » d’économie Joseph Stiglitz qui vient juste de co-publier avec Linda Bilmes, professeur à Harvard, un ouvrage sur ce sujet.

Un jour j’en suis certain, nos frères américains sauront se remémorer cette belle déclaration, en 1953, le 16 avril, d’un de leur grand Président Dwight D. Eisenhower : "Chaque arme à feu qui est faite, chaque vaisseau de guerre lancé, chaque fusée tirée, signifie au final un vol de ce qui devrait aller à ceux qui ont faim et ne sont pas nourris, à ceux qui ont froid et ne sont pas habillés."

Si l’on ajoute à cela que ces même Etats-Unis viennent de voter 6 milliards de subventions pour la mise en place d’une politique de biocarburant qui retirera près de 150 millions de tonnes de maïs du marché alimentaire...

Mauvaise gouvernance africaine disiez-vous ?

Les économies africaines seraient-elles, à elles seules capables, en trois mois, de faire flamber les cours mondiaux du riz de plus de 50% et des céréales de près de 90% ?

Très concrètement, le saccage de vitrines ou les dégradations de toutes natures n’ont jamais fait baisser le prix des denrées élémentaires…

Le phénomène n’est pas nouveau, et le goût bien agréable de la posture refait ponctuellement surface dans la vie des démocraties. Quelle aubaine, il sert de marchepied aux ambitions inavouées !

C’est ainsi que cette « vie chère » est devenue au fil des semaines un concept creux, dans la mesure où elle a été vidée de sa substance qui demeure légitime.
Si on prend le cas du Burkina Faso, les initiatives de Tertius Zongo demandant à l’Etat de renoncer à la perception des taxes douanières sur les produits de grande consommation, tels que le riz, les pâtes alimentaires, l’huile, les farines industrielles, le lait et ses produits dérivés…n’est pas négligeable convenez-en !

Les plus « engagés » gardent la certitude que l’Etat providence peut et doit faire plus !

Pourtant, c’est une évidence, il s’agit bien d’un effort colossal quand on sait ce que la fiscalité apporte aux caisses du Faso.

Malgré la satisfaction de certaines doléances, et la prédisposition à l’examen des questions d’augmentations salariales ou d’abandon de la TVA sur les prêts bancaires, on peut légitimement s’interroger sur l’attitude des syndicats burkinabè qui refusent, voire empêchent tout dialogue.

En somme, cette situation est révélatrice d’une précarité parfois plus intellectuelle qu’alimentaire de certains politiques.

Quand les gouvernements ouest-africains assurent faire ce qui est techniquement de leur ressort pour pallier ce renchérissement, une partie de la population dans la sous-région ne prend même plus la peine de les écouter.

Au Burkina, comme dans bien des pays qui lui sont proches, une frange du syndicalisme est donc en train de renoncer au progrès.

Il est vrai que la recherche du consensus est moins aisée.
Chacun le sait, le populisme se nourrit des ressentiments, des non-dits et de la suspicion.

En réalité, sur le plan international, derrière les contestations de circonstance, se concocte, dans la coulisse, une bien opportune « tambouille » politique…

Les procès d’intention ont fait long feu !
Le drame c’est qu’au Burkina Faso, ils coûtent beaucoup plus cher qu’ailleurs !

Jean R. Guion

Président du CISAB

(www.cisab.fr)

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