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Crise au Faso : Ce manque d’Etat qui inquiéte

Publié le lundi 14 avril 2008 à 12h25min

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Lorsque dans un Etat, la rumeur prend la place de la communication démocratique, que par presses interposées, la guerre des clans fait rage entre éléments du pouvoir, on peut se dire qu’il y a quelque chose qui se déglingue dans la machine.

Lorsqu’en plus, devant les effets conjugués des tensions nationales et internationales, la gouvernance manque de réponses appropriées pour calmer la colère montante des populations, alors là on se dit que l’Etat déserte de son espace et de ses obligations. C’est cette impression qui règne actuellement au Burkina Faso alors que le dernier coup de gueule des émeutiers de février est loin de s’être dissipé ainsi qu’en attestent les ralliements aux manifestations et mots d’ordre de grève lancés par les syndicats et autres organisations de la société civile.

En témoignent également les mobilisations toujours constantes au niveau de plusieurs secteurs de la vie nationale et qui renforcent le courant de tous ceux qui sont maintenant convaincus que les choses ne peuvent plus continuer comme avant, qu’il faut que ça change !

C’est apparemment ce sentiment que ne semble pas encore bien percevoir le pouvoir qui tarde à s’exprimer à due hauteur du mécontentement national. En Côte d’Ivoire, en Haïti, la rue a grondé et les pouvoirs dans ces pays ont pris des mesures adaptées tout en communiquant au niveau le plus élevé. Non seulement chez nous le peuple n’a pas droit à une véritable explication mais on sent en arrière-plan un travail dangereux des conservateurs et autres courtisans.

On voudrait snober les protestations populaires en surfant sur les causes exogènes de la crise qui frappe indistinctement nombre de pays africains. On oublie que si effectivement, le Burkina Faso, pays pauvre et enclavé, sans pétrole (important une grande partie de ses besoins alimentaires) est dépendant des données de la vie économique et financière internationale, il a aussi ses propres responsabilités endogènes qui découlent de ses politiques conjoncturelles inadaptées et d’une gouvernance qui laisse à désirer tellement elle a creusé la fracture sociale et nationale. Les gouvernants ne veulent pas reconnaître cette réalité.

Cela choque au moment même où la communauté internationale prend la mesure de la situation et que criant au désastre, le FMI, la Banque Mondiale, l’Union européenne s’engagent à doubler l’aide alimentaire à l’Afrique. Le moins que l’on puisse faire face à cette mobilisation en cours pour nous laver le dos, c’est de nous donner la peine de nous rincer le visage, comme dit l’adage. L’Etat devrait avec responsabilité s’atteler à faire le point de la situation, à préparer les décisions de fond à la mesure des défis.

Mais l’Etat ne se fait plus tellement sentir, et cela est d’autant plus inquiétant que partout, on nous dit que la crise internationale est partie pour au moins 10 ans, qu’elle oblige à envisager rapidement le renouvellement de la politique de l’aide, de la politique agricole en la liaisonnant avec ces phénomènes globaux que sont l’explosion démographique, les changements climatiques, la diminution des terres consacrées à la culture vivrière au profit des biocarburants… Bref, à problème structurel, il faut rapidement des réponses structurelles sinon ce sont des millions de morts qui s’annoncent, surtout en Afrique. Ne serait-ce qu’en raison de la vigueur de cette sonnette d’alarme, nous devrions accepter de reconnaître que nous sommes entrés dans une période de crise. Même les Etats européens le reconnaissent et s’organisent en interne comme dans le cadre européen pour faire face aux défis collectifs.

L’Etat burkinabé est manifestement en retard de sensibilisation, d’organisation et de mobilisation. Attitude qui frise d’autant plus la désinvolture qu’il est une victime de choix de cette catastrophe en marche et que surtout, il vient d’avoir la preuve que ventre affamé n’a point d’oreilles. Il nous fait faux bond quand il devrait déjà être à la bourre pour remplir sa part d’obligations et promouvoir un consensus national le plus large possible afin de préparer les Burkinabé à une nouvelle gouvernance qui suppose d’énormes sacrifices de la part de tous.

Curieusement, on l’aura remarqué, c’est justement au moment où l’on a besoin de sentir les effets tant vantés de la stabilité, du renforcement de l’Etat, de l’institutionnalisation des pouvoirs, que le pouvoir se fait évanescent. Il ne pointe tout au plus le bout du nez que pour faire des propositions telles que la réduction des missionnaires à l’étranger, l’interdiction faite aux ministres de sortir avec leurs 4/4… dont on se gausse tant elles sont insusceptibles de changer les choses et surtout de préparer le peuple aux chocs annoncés. Cette vacuité de l’Etat angoisse et convainc d’autant plus qu’il y a comme un ver dans le fruit qu’on n’entend pas le chef de l’Etat, qu’ on ne sent même pas venir des répliques du parti majoritaire et des structures satellites des tontons, tanties… (d’habitude si remuants). Ils sont neutralisés par des querelles intestines et tout cela n’augure rien de bon pour la République !

San Finna

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