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Mahama Sawadogo : "A propos du Manifeste pour la refondation nationale"

Publié le vendredi 11 avril 2008 à 12h17min

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Selon Daniel Innerarity, auteur de la « Démocratie sans l’Etat » publié dans les éditions CLIMATS 2006, « la démocratie et le marché sont des institutions constamment en état de crise et de déséquilibre. C’est pourquoi l’incertitude et l’instabilité sont des caractéristiques normales des processus politiques, sociaux et économiques actuels ».

Cependant, la nature inhérente de ces crises et déséquilibres ne saurait dispenser les acteurs du champ politique de leur rechercher constamment des solutions. Toutefois, pour que ces solutions soient appropriées, il convient que le diagnostic de la nature de la crise soit pertinente car c’est cette nature qui détermine la thérapeutique à administrer.

Autrement dit, la thérapeutique ne saurait être passe-partout. Dans « le Manifeste pour la refondation nationale » publié par l’Observateur paalga du lundi 07 mars, les signataires affirment que « notre pays vit, en plus de la crise générale de la représentation, une crise de régime, doublée d’une crise de société qui l’exposent, si des réformes structurelles ne sont pas opérées, à une explosion ».

En science politique, on reconnaît conventionnellement trois types de crise :
la crise de gouvernement qui est une crise « dans le régime ». Cette crise affecte, soit la stabilité, soit la crédibilité des gouvernants mais sans toucher aux règles du jeu politique ;

la crise politique se caractérise par la mise en cause de l’ordre politique tout entier ;

la crise de régime met en cause le cadre constitutionnel et l’équilibre entre les pouvoirs, en s’attaquant aussi au noyau dur des significations politiques fondamentales et au code politique.

Au regard de la typologie (des crises) ci-dessus rappelée, la crise de la représentation pourrait s’identifier à la crise de gouvernement ou en être un des aspects, tandis que la crise de société pourrait être une conséquence de la crise politique ou découlerait de la crise de régime.

Après ces observations, ce qui importe c’est parvenir à déterminer la nature de la crise qui existe aujourd’hui dans le pays et cela, en ayant à l’esprit que toute crise suppose le franchissement d’un seuil dans le fonctionnement du système politique qui entraîne une désorganisation croissante de l’ordre politique comme de la société.

En considérant un tel point de vue et en étant convaincu que la démocratie comme le marché sont des institutions constamment en état de crise et de déséquilibre, il me semble que la démocratie burkinabè traverse au moins une crise de gouvernement, au plus une crise politique et non une crise de régime.

De ce point de vue, on pourrait se poser la question de la pertinence d’une refondation qui préconise comme solution la reconstruction d’un système politique, laquelle suppose de reconsidérer la constitution en vigueur.

Au-delà des questions de sémantique, examinons les principales manifestations cliniques de la crise de la démocratie burkinabé d’aujourd’hui.

Il y a d’abord l’absence de consensus sur les règles de la compétition électorale, la question de l’alternance politique et le statut de l’opposition politique, il y a ensuite l’indépendance de la justice mise davantage en évidence par les dossiers pendants, le phénomène de corruption et les délits voisins et enfin, il y a la place et le rôle de l’Administration.

La réponse appropriée à ces questions réside-t-elle nécessairement dans la transformation du régime actuel en un régime présidentiel pur, un régime semi- présidentiel ou un régime parlementaire ou peut-elle être obtenue à travers une autre approche ?

Quant à la réponse à apporter à la problématique de contrepoids et de la séparation des pouvoirs, problématique qu’on ne saurait du reste assimiler à une des manifestations cliniques de la crise de la démocratie burkinabè, parce que non spécifique à elle, elle ne pourrait s’obtenir à travers la nature du régime dès lors qu’il est acquis que le pouvoir de faire la loi appartient au couple parlement-exécutif.

C’est dire que le système de contrepoids et celui de la séparation des pouvoirs ne seront effectifs qu’avec la rupture de ce couple parlement-exécutif conduisant à confier au parlement seul le pouvoir législatif et budgétaire.

D’autres propositions du manifeste, tels le droit de révocation des mandats et son érection au rang de principe intangible à l’instar de la forme républicaine de l’Etat et la transformation du droit de voter en devoir de voter et l’institution d’un seuil de 50% pour valider le scrutin ne visent pas à résoudre directement les manifestations cliniques de la crise.

Toutefois, si elles étaient pertinentes pour renforcer la démocratie au Pays des hommes intègres, leur prise en compte ne nécessite pas le changement de régime (changement de constitution) mais simplement une révision constitutionnelle. Il en est également ainsi de certaines propositions portant sur la réfondation au plan économique et social et de la réfondation de la politique extérieure.

Mahama Sawadogo

Député

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