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L’accès de la femme au foncier, gage du développement au Burkina Faso

Publié le vendredi 11 avril 2008 à 11h48min

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La question foncière reste toujours presque un tabou pour la femme au Burkina. Pourtant, de plus en plus, l’accès de la femme à la terre devient indispensable pour une contribution réelle de celle-ci au développement. En effet, le pourcentage de femmes qui utilisent la terre comme moyen de développement est édifiant, mais le plus souvent, elles ne sont pas propriétaires fonciers.

Elles empruntent plutôt les lopins de terre aux hommes pour leurs activités culturales et sont tenues de les rendre quand les vrais propriétaires en ont besoin, parfois au moment où elles ne s’y attendent pas. Elles n’ont donc qu’une utilisation précaire du domaine foncier. Pourquoi cela ? Pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas accéder pleinement à la terre ? En d’autres termes, qu’est-ce qui empêche les femmes d’être propriétaires ou de pouvoir jouir pleinement des terres du domaine foncier national au même titre que les hommes ?

Une discrimination liée aux traditions, plutôt que légale.

La législation foncière burkinabè n’est pas discriminatoire à l’égard de la femme. Elle soumet l’homme et la femme aux mêmes conditions d’accès à la terre. En effet, selon l’article 62 de la loi n° 014/96/ADP du 23 Mai 1996 portant réforme agraire et foncière « les terres urbaines ou rurales du domaine foncier national sont attribuées aux personnes physiques, sans distinction de sexe ou de statut matrimonial et aux personnes morales dans les conditions fixées par les textes » et l’article 66 d’ajouter que « les zones rurales aménagées ou non sont occupées ou exploitées sous forme associative, familiale ou individuelle ».

Le décret 97-054/PRES/ PM/MEF du 06 février 1997 portant conditions et modalités d’application de la loi suscitée est encore plus précis à propos de ces conditions d’accès à la terre. S’agissant précisément des terres agricoles c’est-à-dire des terres hydro agricoles et des terres pastorales il est indiqué que leur aménagement peut être entrepris par des personnes physiques et morales publiques ou privées (article 68 du décret suscité).
A la lecture de ces dispositions on ne peut pas dire qu’il y a discrimination à l’égard de la femme car elle est censée avoir les mêmes droits que l’homme sur le domaine foncier national. Pourtant, la réalité est toute autre. Les femmes se méfient toujours des questions foncières et les abordent difficilement compte tenu de leur délicatesse.

Quelques pistes de réflexions

A la question, comment résoudre progressivement le problème de l’accès de la femme à la femme, deux orientations s’offrent à nous : d’abord, se convaincre de la nécessité d’accès de la femme à la terre et ensuite chercher à lever les tabous sociaux.
Aujourd’hui, les femmes sont très entreprenantes aussi bien dans l’agriculture que dans le secteur de l’élevage. Surtout, au niveau du monde rural, elles sont initiatrices de petits projets générateurs de revenus. Ainsi, on les retrouve dans la culture d’arachide, de mil, de maïs, de sésame, de légumes et même de coton.

Aussi, n’est-il pas indispensable que ces véritables promotrices de l’agrobusiness burkinabè ne soient plus en marge de la propriété foncière ? En effet, on ne peut avoir une organisation rigoureuse des activités relevant de l’agriculture que quand on a résolu la question de l’accès à la terre. De la nature de la propriété, dépend le type d’activité culturale qu’on entreprend. Jusque là, les femmes se sont contentées souvent de ce qui a été autorisé par les vrais propriétaires terriens. On fait un champ d’arachide parce que c’est ce qui a été négocié avec le vrai propriétaire terrien. Alors que c’est plutôt du maïs qu’on aurait dû faire parce que plus adapté. Les femmes restent donc limitées dans leurs entreprises du fait qu’elles ne sont pas propriétaires terriens. Pourtant elles pourraient avoir beaucoup d’autres initiatives.

Afin de permettre un épanouissement réel de la femme dans l’agriculture, il faut une évolution des mentalités, voire des cultures. En effet, dans beaucoup de sociétés burkinabè, l’idée de la femme propriétaire terrienne est difficilement concevable. Sans justification parfois, on s’est refusé de mêler la femme aux questions foncières. Pourtant, il devient de plus en plus indispensable d’aborder ces questions. Dès l’instant où la femme est devenue un acteur clé dans la promotion de l’agriculture, il faut que les mentalités bougent pour promouvoir son accès aux surfaces cultivables. En effet, plusieurs femmes sont aujourd’hui intéressées d’avoir des terres cultivables ou pastorales parce qu’elles ont arrivées conçu des projets viables. Mais comment arriver à les prendre en compte dans la répartition des terres ?

En vérité, la question est plus sociologique que juridique et il serait surprenant que des textes pris pour réglementer cette matière puissent être appliqués sans difficultés par les populations à la base sans qu’au préalable on ait résolu les questions de sociologie sous jacentes.

En effet, la perception de la question de l’accès à la terre par la femme varie selon que l’on se situe au nord au sud, à l’est ou à l’ouest du Burkina. Selon que l’on soit femme dagara, femme mossi, femme samo, femme toussian,…ou femme birifor, la question est perçue différemment et le sujet doit être par conséquent abordé diversement. Les questions liées aux spécificités des sociétés africaines et burkinabè ont été déjà plus ou moins abordées par plusieurs sociologues, anthropologues ou historiens.
Il s’agit entre autres de Mademoiselle Madeleine PERE, de Françoise HERITIERS, de Michel IZARD, de Clodette SAVONNET-GUYOT, de Valère SOME, ou encre de Michèle DACHER. Leurs travaux, tous très intéressants peuvent et doivent être des sources utiles pour montrer les pistes sociologiques en matière de résolution des questions foncières concernant la femme burkinabè.

Du point de vue des textes, un réglementation rigide de la matière semble inappropriée car des textes adoptés sans association des populations peuvent ne pas avoir les effets escomptés. L’appropriation de la terre par la femme sur la base d’un texte législatif peut produire des conséquences insupportables pour elle.
En somme, la question de la femme et du foncier est une question délicate, parfois plus complexe qu’on ne le pense et la réponse ne se trouve pas a priori dans une stricte réglementation de la matière qui indiquerait des procédés d’attribution de titres fonciers à des femmes. Il semble plutôt mieux indiqué d’adopter une démarche participative qui susciterait les réponses à cette question par les populations elles-mêmes. En d’autres termes, le statut de la femme burkinabè variant de société à société, il apparient à chaque société d’indiquer comment elle veut et peut la rendre propriétaire foncier. Il s’agirait beaucoup plus d’un problème d’autorégulation que de législation.

Mme Mariam Hien
Docteur en droit des Affaires, cadre de banque

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Vos commentaires

  • Le 15 novembre 2015 à 20:31, par Sinanduku Mwange Annie En réponse à : L’accès de la femme au foncier, gage du développement au Burkina Faso

    Je vous découvre au aujourd’hui.

    Je présente ma demande de renforcement des capacités sur l’encadrement des femmes rurales sur l’accès de la terre ou foncier.

    Je suis congolaise ,habite dans la province du Maniema ,ville de kindu et je suis coordonnatrice de l’organisation ASEFA merçi de la réaction
    Sinanduku Mwange Annie

    Assistante du 2ème mandat à l’ ISDR/ Kabambare

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