LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Remaniement ministériel du 24 mars : Quand le loup devient l’agneau

Publié le jeudi 10 avril 2008 à 12h37min

PARTAGER :                          

Salif Diallo

Sacrés politiciens, si ondoyants qu’on ne saurait jamais les comprendre ! Hier seulement, l’homme à abattre pour la plupart de ses camarades de l’opposition, voilà que « l’ogre » du CDP, Salif DIALLO pour ne pas le nommer, est aujourd’hui l’objet de leur compassion pour avoir été « débarqué » du gouvernement après un léger remaniement ministériel.

L’ennemi de mon ennemi est mon ami

Les premiers responsables de l’acte de la Pâques dernière au plan politique national ont pourtant été on ne peut plus clairs. Par souci d’un recadrage de l’Exécutif dans le sens de lui donner plus de collégialité et de cohésion dans son action, s’imposait le remaniement qui a vu le départ du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture et des Ressources halieutiques, Salif DIALLO. Mais comme en politique, tout acte de son vis-à-vis est opportunité pour le déstabiliser et se réaliser soi-même, beaucoup dans le landerneau politique et ses excroissances ont préféré chercher la petite bête car l’homme n’est pas n’importe qui dans le régime. Et ils n’y sont pas allés du dos de la cuillère faisant leur, la boutade selon laquelle « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ».

De l’opportunisme de mauvais aloi

Interrogé par Le Pays du 25 mars 2008 (page 4) le Dr Emile PARE président du MPF/PS dit : « Vous savez que ce gouvernement a été mis en place après des élections où le CDP était majoritaire. On s’attendait donc à un gouvernement CDP mais nous avons vu qu’il était ABC, selon les analystes ». Qui est derrière le CDP et qui manage les ABC ? Le chat noir du Nayala donne la réponse. « D’aucuns disent que c’était la résultante des contradictoires entre le petit frère du président et Salif DIALLO. On peut considérer donc sur la base de ces informations que le camp de François COMPAORE a remporté la victoire. Pour des hommes politiques comme nous et chefs de parti d’opposition, le départ de Salif DIALLO est le résultat de la rupture entre le parti et l’Exécutif ». On perd son latin en lisant de tels propos de bienveillance de la part de Emile PARE pour Salif DIALLO. Pousser le cynisme jusqu’à présenter l’absence de DIALLO au gouvernement comme un séisme politique au sein de la majorité gouvernementale, PARE cache mal sa volonté de division. En tant que chef de parti, il sait que l’Exécutif sans le parti ne peut pas gouverner. Avec la rupture du « pont Salif DIALLO », le gouvernement serait devenu comme le parachutiste qui a perdu le contrôle de sa machine.

Si Emile PARE est resté dans les limites de la diversion politique, Christian T. KONE (PNR/JV) dans le même journal a poussé le cynisme jusqu’au procès d’intention « (…) Très sincèrement, c’est regrettable. Mais pour le ministre d’Etat, ce qui est encore grave, c’est que si jamais il fait un accident et qu’il rentre à l’hôpital, il en sort mort, parce qu’il en sait trop. Tout le monde sait que ce régime est impliqué dans nombre d’histoires, et se débarrasser de quelqu’un comme lui, ce n’est pas évident ». Des propos que l’on peut se permettre dans une démocratie que l’on dit de façade ! Pour bien caresser Salif DIALLO, le sieur KONE ajoute : « L’homme avait des qualités, même si elles n’étaient pas bonnes pour l’opposition, il faut reconnaître que c’est un stratège, il avait son flair, il savait manipuler les gens, il savait faire beaucoup de choses. Mis hors jeu, on ne sait pas trop de quoi il peut être capable. C’est pourquoi, je crois qu’on le préfère mort que vivant, et le régime s’emploiera à le faire disparaître ». On ne se croirait pas au Burkina et pourtant !

Le président de l’UNDD, Hermann YAMEOGO dans Le Pays n°4081 (page 35) fait de Salif DIALLO un « empêcheur de familiariser le pouvoir » quand il dit : « (…) Pour beaucoup en effet, l’éviction ciblée de Salif DIALLO consacre la rupture entre Blaise COMPAORE et son second, rupture qu’on disait alimentée entre autres par l’opposition de l’ex-ministre d’Etat de voir François COMPAORE succéder à son frère président. Ces derniers jours, cette mésentente avait quasiment atteint un point de non-retour avec les accusations de patronages des émeutes que certains imputaient à Salif DIALLO ».

Après une telle description, il ne reste plus au vice-président du CDP qu’à prendre la carte du parti du « Tékré ». Comme ça le changement tant rêvé par Hermann YAMEOGO viendra vite puisqu’il est « l’élément clef qui a le plus contribué à la longévité du pouvoir du chef de l’Etat ». L’occasion est belle pour lui. Il l’exprime clairement : « Le plus important n’est pas la fixation sur cet énième règlement de comptes entre enfants de la révolution qui continuent à se manger entre eux mais la prise de conscience responsable qu’il faut reprendre l’entreprise démocratique pour recadrer la gouvernance nationale ».

Hermann ne laisse d’ailleurs aucun choix puisqu’il dit : « Entre les risques de céder au conservatisme en résistant au changement et ceux de l’aventure du coup d’Etat dont on parle de plus en plus il y a la place pour la refondation de la gouvernance nationale ». Décidément, le départ de Salif DIALLO a ouvert une boîte de pandore pour nos hommes politiques qui y voient la fragilisation du pouvoir. Et pourtant, la Démocratie ne se porte pas mal au Burkina et le pouvoir avec.

Et pourtant égal à lui-même

Ainsi, « l’homme des basses besognes de Blaise COMPAORE et de l’ODP/MT puis du CDP » comme le qualifient certains de ses contempteurs bénéficie à présent d’une vague de sympathie de la part de ses « pires ennemis ». Traité de tous les noms d’oiseau, accusé d’être la machette à découper du parti au pouvoir, Salif DIALLO était sans doute le plus haï de ses camarades politiques par l’opposition et on a souvent pensé qu’il était le bouchon auquel il fallait s’attaquer pour atteindre le chef de l’Etat, Blaise COMPAORE. Perçu comme le pilier du régime, il serait, semble-t-il, le seul qui pouvait s’adresser directement au président, donc à lui apporter la contradiction.

Salif DIALLO était donc la poubelle qui reçoit toutes les saletés de ceux qui ne rêvent que de changement à la tête de l’Etat. La plupart des déconvenues des partis d’opposition sont mises à son compte car il serait un fin manipulateur qui, pour la puissance de son parti, le CDP, et la tranquillité de son mentor Blaise COMPAORE, mettait un point d’honneur à déstabiliser les autres. Si fait que lorsque l’incompétence d’un chef de parti poussait ses militants à se débarrasser de lui, c’est Salif DIALLO qui a fourré le coup, quand le résultat du scrutin tourne à la déroute pour un parti dans le Nord, Salif DIALLO est derrière…

Si l’homme est une « bête politique » crainte, tout le monde est cependant unanime à lui reconnaître une ardeur au travail doublée d’une capacité à faire travailler les autres et surtout un engagement politique sans faille qui le pousse à défendre avec acharnement et avec les armes qui sont les siennes sa chapelle. Voilà pourquoi sa longévité au sein du gouvernement doit être comprise comme le résultat de ce don de soi mais pas seulement le fait de sa proximité avec le chef de l’Etat. Mais peut-on indéfiniment rester au gouvernement, dût-on être Salif DIALLO ? Assurément non et l’homme sait qu’il peut être utile pour le pays à n’importe quel autre poste ; ce qu’il a du reste déjà fait et ne refuserait pas de s’y engager si telle est la volonté du chef de l’Etat ou du Premier ministre.

Comme le dit Omar DJIGUIMDE du PAREN « nul n’est indispensable ». Mais nous ajouterons que nul n’est aussi inutile. Il faut donc accepter avec philosophie le passage (la valse diront certains) des hommes à quelque poste que ce soit et souffrir que le premier responsable de l’Etat, qui a eu l’onction populaire, choisisse ses plus proches collaborateurs. Salif DIALLO que les pyromanes présentent comme l’agneau de Pâques sait qu’il n’y a pas que le gouvernement pour servir la nation.

ParAhmed NAZE

L’Opinion

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique