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RD CONGO : Un ver dans le fruit

Publié le lundi 14 juin 2004 à 09h59min

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Décidément, la transition politique difficilement arrachée après
d’âpres tractations et devant préparer la tenue d’élections
démocratiques conduisant à un Etat de droit, a du mal à
s’imprimer dans les esprits. En effet, à peine la rébellion dans le
Kivu "matée", c’est au coeur même de l’entourage présidentiel
que le bruit de bottes vient de se faire entendre.

L’on peut se
demander d’ailleurs comment une armée dite régulière, après
avoir obtenu la reddition des rebelles au Kivu, a pu les laisser
enjamber allègrement un pont et rejoindre le Rwanda voisin
dont la complicité est manifeste dans le drame congolais.

Tout
laisse à croire que cette seconde rébellion a bénéficié de
certaines complicités au sein même de l’appareil d’Etat.
Toujours est-il que selon les informations dont on dispose, ce
sont des éléments de l’unité d’élite de la garde rapprochée de
Joseph Kabila qui auraient pris le contrôle de la télévision et de
la radio d’Etat pour annoncer le putsch. C’est la seconde
tentative de coup d’Etat contre le gouvernement de transition de
Joseph Kabila formé seulement en 2003 et comprenant les
ex-rebelles et des personnalités de l’opposition.

Au-delà des rassurantes rhétoriques officielles sur la
neutralisation des putschistes, ces frondes répétitives des
bidasses démontrent toute la difficulté à amener dans le giron
de la légalité républicaine, des hommes qui se sont longtemps
combattus et se sont nourris de la partition du pays. La première
difficulté vient même de la stature du président actuel.

Même si
depuis la mort de son père, Joseph Kabila a réussi à se forger
une envergure d’homme d’Etat, il n’en demeure pas moins qu’il
reste un agneau dans cette faune congolaise face à des loups
aux dents longues et qui ne peuvent se satisfaire d’être confinés
dans leur réduit kinois après avoir régné en maîtres absolus et
en seigneurs de guerre, chacun dans sa "république". Ces
potentats, plus libres dans leurs "no man’s lands", supportent
mal la mise en commun des richesses du pays.

Le fait même
que les putschistes soient issus des rangs de la garde
présidentielle en dit long sur la position fragile et inconfortable
de Kabila. Sa tâche est d’autant plus compliquée qu’il doit réunir
à la même table ceux qui se sont tristement illustrés dans le
pillage des richesses du pays et qui se sont constitué un trésor
de guerre.

Dans ce contexte, réunifier le pays et former un
gouvernement responsable collégialement, signifierait la fin de
l’eldorado pour certains. La seconde difficulté réside dans la
nature pléthorique de l’équipe qui a pris place dans l’attelage
gouvernemental. En quelque sorte, une pieuvre à plusieurs
têtes qui ne réfléchissent pas forcément de la même manière et
qui ne regardent pas dans la même direction quant à l’avenir de
ce pays meutri dont on a finalement pitié.

L’on a plutôt le
sentiment qu’à défaut de pouvoir résister pour l’instant aux
pressions de la communauté internationale grâce à qui on doit
ce gouvernement formé au forceps, chacun de ses membres
mène une guerre de tranchées et de positionnement en infiltrant
ses hommes dans tous les étages du système. Chacun des
conspirateurs attend son heure pour sonner la mobilisation. On
peut parier, sans risque de se tromper, que le Congo n’est pas
encore à son dernier épisode dans ce douloureux feuilleton des
coups de force.

N’oublions pas que l’ex-Zaïre a le malheur d’être
un pays où évoluent les mêmes hommes, tous
interchangeables, une vieille classe politique de corrompus et
incompétents dont le seul souci est de profiter, à leur usage
exclusif, des immenses richesses du pays. Leur seule
préoccupation, c’est l’épaisseur de leurs dépôts dans les
banques occidentales et la cotation en bourse du diamant, du
manganèse, du cobalt, etc. qu’ils ont pillés. Ils peuvent d’autant
impunément se livrer à ce jeu qu’ils bénéficient de solides
appuis extérieurs qui n’entendent pas que le Congo cesse d’être
un comptoir néocolonial.

Le chef de l’Etat lui-même s’est rendu
coupable d’insulte aux martyrs du Congo en idôlatrant tout
récemment la colonisation belge.
D’ailleurs, avec cette tendance à la généralisation de la mal
gouvernance, d’autres dirigeants africains ne sont pas à l’abri
des coups d’Etat. Sont de ceux-là, ceux qui ont encore du mal à
se mettre dans la peau de démocrates et qui bloquent
indéfiniment toute perspective d’alternance.

De toute évidence,
quand on refuse d’emprunter le boulevard de l’alternance
démocratique et doucereuse par les urnes, on engage le pays
sur les sentiers escarpés et pleins de ronces de l’alternance
dans la douleur. Ce ne sont pas les fracassantes
condamnations du recours à la force pour s’emparer du pouvoir
auxquelles l’UA nous habitue, qui éviteraient au continent les
sautes d’humeur de l’armée.

Il appartient de toute évidence à
ceux qui dirigent nos Etats, de créer de véritables antidotes aux
coups de force en commençant par ne pas s’éterniser au
pouvoir et en donnant satisfaction aux préoccupations réelles
des populations. Malheureusement, se sachant déjà
culpabilisés devant l’histoire, certains digireants africains sont
accrochés au pouvoir comme des sangsues. Cependant,
l’histoire n’est pas toujours impitoyable pour ceux qui savent se
répentir.

D’ailleurs, l’opposant guinéen, Alpha Condé, leur avait
proposé une alternative. Mais personne n’a voulu l’écouter.
Pour le reste, l’Afrique a tellement servilement singé, jusqu’aux
habitudes de consommation de l’extérieur, qu’elle a perdu
l’héritage culturel légué par nos ancêtres et qui permet à tout
peuple de résister aux déchets culturels et conceptuels que
nous déverse l’Occident. A ce propos, l’exemple de l’Asie qui a
su garder son âme, devrait constituer un thème de réflexion pour
l’Afrique.

Le Pays

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