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Rebéllions tourarègues : Qui tire les ficelles ?

Publié le lundi 7 avril 2008 à 11h05min

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En se retrouvant à nouveau à Alger pour discuter et signer de nouveaux accords, rebelles touaregs et autorités maliennes semblent donner le sentiment que plus rien ne sera comme avant. Mais quelles chances réelles pour une paix définitive ? L’accord intervenu la semaine dernière n’est pas le premier du genre. Pourquoi ces incessants retours à la case départ ? A croire que d’habiles manoeuvriers tirent toujours les ficelles.

Certes, il faut se féliciter du retour de l’accalmie et des efforts des différents médiateurs. Mais faut-il être dupe pour autant, étant donné la multiplicité des facteurs qui contribuent à la résurgence de conflits dans cette partie du continent ?

Il est indéniable que la zone objet de conflits, est partie intégrante de cette bande de terre qui, de la Mauritanie au Soudan, semble délimiter l’Afrique arabe et l’Afrique négro-africaine. Depuis longtemps déjà, la région s’apparente à un "no man’s land", car lieu privilégié d’intrigues séculaires que d’habiles mains voudraient aujourd’hui exploiter pour diverses raisons, notamment ses abondantes richesses minières. Vaste par son étendue, parfois inaccessible, elle a presque toujours été en marge du développement et de la modernité, par conséquent abandonnée aux mains de groupuscules incontrôlables.

L’avènement de l’Etat jacobin centralisateur a très certainement envenimé les choses. Celui-ci, après avoir méprisé puis bouleversé les réalités socio-culturelles au profit d’intérêts néo-coloniaux, s’est montré incapable de répondre à la fois aux aspirations des peuples du désert et à celles des autres peuples. De sorte qu’à ce jour, toute la région est en effervescence.

Quelles qu’en soient les raisons, les conflits actuels traduisent un mal-être, un antagonisme sourd qui oppose deux mondes ethno-culturels qui s’abstiennent de dialoguer sincèrement sur un passif que l’histoire leur a légué. Ce passif, dérivant du commerce caravanier basé sur l’or, la cola, le sel et le sempiternel commerce des esclaves, a revêtu la forme d’un complexe psychologique aux lendemains de l’invasion occidentale. Il faut cependant en sortir.

Du côté des gouvernants, il faut mettre fin aux inégalités qui caractérisent la distribution des richesses nationales. Eviter de considérer les habitants des régions concernées comme des citoyens de seconde zone, des insoumis n’ayant aucun sens du civisme fiscal, ou même des étrangers. Il faut surtout arrêter de considérer l’extrême nord sahélien ou saharien comme une entité à part, juste bonne pour l’exploration et l’exploitation minières, si ce n’est un purgatoire pour des délinquants ou des agents indésirables, une source de devises pour touristes en mal d’aventures ou d’émotions fortes.

Les peuples qui habitent cette vaste région doivent également en finir avec cet autre complexe de supériorité qui semble persister : la non- reconnaissance tacite et implicite des frontières géographiques héritées de la colonisation, et par ricochet l’autorité de négro-Africains. Les Touaregs qui recourent aux armes doivent comprendre que la démocatie républicaine s’accorde mal avec l’irrédentisme auquel ils semblent attachés. A force de tergiverser, ils finiront par perdre le capital de sympathie qu’ils avaient engrangé jusque- là.

Il faut éviter d’exhumer sans cesse cette partie sombre de l’histoire commune dans laquelle les invasions berbères ont causé du tort aux peuples noirs de l’Afrique sub-saharienne. Surtout pas à un moment où la coopération arabo-africaine s’illustre sous ses meilleurs jours. En témoignent les travaux du récent sommet de la conférence islamique, les efforts quotidiens de la Banque islamique en matière d’investissements, et la place que la CEN-SAD occupe de plus en plus dans le cœur des peuples africains.

Il faut arrêter de vivre en communautarisme étroit, et opter pour l’ouverture, l’adhésion aux valeurs républicaines, lesquelles supposent la reconnaissance des droits et des aspirations d’autres peuples du territoire national. Les conditions sont aujourd’hui réunies qui permettent d’explorer et d’exploiter la voie républicaine du dialogue franc et de la confrontation par des débats démocratiques.

Une véritable reconversion des esprits est donc indispensable dans les pays concernés par cette bande de terre qui s’étire de la côte occidentale à la côte orientale de la partie septentrionale de l’Afrique. Ce sont autant de réalités qu’il faut considérer dans la résolution des conflits récurrents dans cette partie du continent. Autrement dit, les divergences actuelles entre Touaregs et autorités maliennes, dépassent le seul cadre d’un Etat.

Certes, dans l’exemple malien, on ne saurait négliger d’intégrer certains éléments dans l’analyse. Par exemple, en dépit de leurs agitations, les groupes rebelles actuels sont peu représentatifs de tous les Touaregs. Des efforts louables ont déjà été faits qui ont permis à des éléments de ce groupe social d’accéder à plus de ressources et d’exprimer son leadership à la tête de certaines structures d’Etat au Mali.

Par ailleurs, le gouvernement malien a suffisamment fait preuve de bonne foi, de patience et d’ouverture d’esprit. Il a jusque-là convaincu de sa disponibilité à éviter de verser le sang et à faire des concessions au nom de la paix. Mais cela pourra-t-il suffire ? A-t-on seulement pris le temps de toucher du doigt les vrais problèmes et identifier leurs véritables causes ?

A-t-on identifié les sources de financement des mouvements rebelles ? Si l’on réussit à couper ces organisations rebelles de leurs bailleurs de fonds, nul doute que leur capacité de nuisance s’en trouverait réduite. Car ce ne sont pas seulement les divers trafics auxquels ils s’adonnent, qui permettent aux groupes rebelles de tenir tête à des armées nationales. Ceux qui tirent les ficelles sont sans aucun doute les vrais bailleurs.

Le Pays

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