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"Si on ne recule pas un peu, on va tomber dans le gouffre"

Publié le vendredi 4 avril 2008 à 11h03min

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De l’avis de l’auteur de l’écrit suivant, Soumane Touré et Père Jacques Lacour s’illustrent par leurs prises de position qui ne plaisent pas surtout au pouvoir. Toutefois, il demande aux puissants du jour de les écouter car ils font des critiques et surtout des propositions intéressantes que ceux-ci auraient tort de balayer systématiquement du revers de la main.

"La crise qu’on dénonçait est malheureusement arrivée parce qu’on n’a pas pris au sérieux les mises en garde, parce qu’on en avait peur et surtout parce qu’on était persuadé qu’avec l’argent, les moyens de l’Etat, les soutiens extérieurs, la roublardise, on allait encore enfariner tout le monde et le peuple avec. C’est dommage parce qu’avec ce jeu égoïste, c’est tout le Burkina qui en pâtit.

Mais je crois que cette fois-ci, nous sommes arrivés à un point de non-retour car même les plus sceptiques et même ceux qui soutiennent le plus le pouvoir reconnaissent que si on ne recule pas un peu pour mieux reprendre les choses, on va tomber dans le gouffre et ce sera la perte pour tout le monde.

Les déclarations, les commentaires sur la nécessité de faire une halte pour un bilan ne se comptent plus. Je voudrais seulement m’arrêter ici à deux de ces prises de position pour demander aux gouvernants de les prendre vraiment en considération et de ne pas les regarder comme venant de gens qui ne cherchent qu’à prendre le pouvoir.

Il s’agit tout d’abord de Soumane Touré. Tout le monde le connaît au Burkina. On peut ne pas partager ses idées communistes, ne pas apprécier qu’il ait été parmi ceux qui ont amené le CNR au pouvoir, mais on doit lui reconnaître le courage, la fermeté dans le combat, des prises de position souvent républicaines et patriotiques. Je l’ai personnellement connu quand il était à la tête de la CSV. J’étais moi-même militant de la CSV, ensuite du Front syndical puis plus tard de la CGTB... J’ai vu comment il a galvanisé les foules et comment il s’est battu avec courage. Même si on savait qu’il était à la LIPAD/PAI, il défendait quand même la démocratie.

Sous Saye Zerbo, s’il n’avait pas pris le maquis à cause de ses prises de position, il aurait pu lui arriver malheur.

Bien vrai que ce sont eux qui ont amené la Révolution (que je n’ai pas souhaitée) en l’enseignant aux jeunes officiers et autres mais aussi en faisant sortir les élèves et étudiants dans la rue. Mais pendant le CNR, au moment où personne n’osait lever la tête pour contredire Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Jean-Baptiste Lingani, Henri Zongo, lui le faisait. C’est pour cela qu’il s’est retrouvé pour près de 2 ans en prison dans des conditions difficiles, inhumaines et qu’il aurait même été à deux doigts de perdre la vie.

Des signes d’attachement à la République et à la justice

Des preuves de responsabilité, de désintéressement, de ténacité, il en a donné comme il a su, au moment de la crise Norbert Zongo, se joindre à Me Hermann Yaméogo pour imaginer des propositions qui ont permis d’en sortir avec l’élection de l’Assemblée la plus équilibrée de l’histoire de la 4e République. On n’en parle pas parce qu’au Burkina Faso, même ceux qui ne peuvent pas "tomber et casser une calebasse" ne veulent jamais reconnaître le mérite de quelqu’un mais sans leur alliance, on n’aurait pas atteint ces résultats ni connu un gouvernement fonctionnant sur la base d’un protocole d’accord.

Si aujourd’hui, il propose de ne pas rejeter l’idée de la refondation politique, économique pour attaquer la crise, même si elle a surtout été défendue en premier par le président de l’UNDD et qu’on en parle, il faut y voir un acte honnête, désintéressé de quelqu’un qui a déjà donné des signes de son attachement à la République et à la justice.

Une autre personne s’est exprimée et cela aussi fait beaucoup de bruit. Ce n’est pas un homme politique mais un homme de Dieu puisque c’est le Père Lacour. Lui, je ne le connais pas sauf à travers les journaux et surtout le quotidien "Le Pays" où, prenant la suite du Père Balemans, il apporte lui aussi sa contribution à la résolution des problèmes du pays. La rubrique taillée sur mesure « Droit dans les yeux » dans laquelle il s’exprime montre qu’il n’est pas une personne qui a sa langue dans la poche ou qui peut fuir la vérité par peur, pour faire plaisir ou pour avoir de l’argent.

Il a demandé de revoir le modèle de gestion du pays, d’éviter de copier/coller celui que nous exécutons et combien mal, et qui nous vient de l’étranger.

Chaque peuple crée ses institutions en fonction de ses réalités vivantes. Il demande d’essayer la démocratie consensuelle, et pour cela, de mettre notre imagination pour refonder notre démocratie.

Peut-être qu’il le sait, peut-être qu’il ne le sait pas : d’autres personnes ont parlé de cela il y a 20 ans. On les a accusées de calcul et demandé de venir boire le lait et de ne pas chercher à compter les veaux. Si de la bouche d’un homme de Dieu, qui nous dit toujours les vérités droit dans les yeux, ce conseil revient, il ne faut pas le mépriser. Je ne pense pas que le Père Lacour ait des ambitions de devenir maire, député ou président du Faso.

Dans ces moments difficiles que nous traversons, ce sont des prises de position de ce genre dont nous avons le plus besoin et non pas de nos éternelles querelles d’étudiants qui refusent de grandir même lorsqu’ils sont devenus grands-papas. Le pouvoir gagnerait à les écouter pendant qu’il est encore temps."

Abdou DEM
Technicien de Santé à la retraite

Le Pays

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