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Flambé du prix de l’Or Noir : Conséquence d’un étalonnage erroné

Publié le jeudi 3 avril 2008 à 11h58min

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Le dollar us (encore appelé le « billet vert ») constitue jusqu’à présent, et cela depuis plusieurs décennies, la référence à tous les prix sur le marché. Et pourtant la première monnaie internationale fut la « Livre sterling » dont la valeur reste quottée sur celle de l’or (jaune).

Cependant le dollar US a eu la chance avec le plan Marshall de se faire une très bonne place dans les affaires et de se retrouver à la tête des échanges commerciaux, au point de paraître la monnaie la plus importante et la plus sûre.

Dès lors, il est utilisé comme Etalon dans la fixation des prix des produits occupants une place importante dans le commerce mondial. C’est ainsi que le pétrole, encore appelé « l’Or noir », est devenu un filleul du dollar US. N’entendons-nous pas tout le temps dire que le baril du pétrole brut coûte tant de dollars ?

Le Piège !

Le dollar est perçu par le commun des mortels (y compris ceux qui ne l’ont jamais vu) comme étant la monnaie la plus importante. Le prix du pétrole est fixé en dollars, alors que c’est lui qui alimente toute l’industrie commerciale. Dès qu’il monte, les industriels et les commerçants s’empressent d’augmenter les prix des marchandises. Certains Etats suivent la même logique pour augmenter le prix à la pompe du pétrole. Et c’est dans tout cela que réside le piège !

En effet, les industriels et les commerçants ainsi que les Etats qui sont les acteurs de second rang créent par leur empressement un moyen d’ajustement du prix du brut par les producteurs de pétrole. Ce qui occasionne une deuxième augmentation du prix du baril dans la même période. Il faut comprendre qu’en réalité la première augmentation du prix du baril est faussement considérée. En effet, en ouvrant bien les yeux, nous pouvons nous rendre compte que lorsque les médias annoncent pour la première fois la montée du prix du carburant, elles annoncent en même temps mais moins tapageuse la chute du dollar. Ce qui signifie que le changement d’étiquette du prix du baril est simplement lié au changement de valeur du dollar et non à une hausse effective.

J’ai commencé à m’intéresser à ce phénomène lorsque le pétrole brut a atteint 50 dollars en janvier 2007. Et j’ai pu constater que lorsque le dollar perdait sa valeur (face à l’Euro) automatiquement le prix du pétrole changeait. Malheureusement, les tapages des journalistes ont toujours fait croire aux populations que ce changement est une hausse du prix. Ce récit qui crée la panique chez tout le monde en commençant par les dirigeants africains, amène la plupart des Etats à augmenter le prix à la pompe (sans aucune analyse préalable), répercutant ainsi la panique dans toutes les chaînes de production et de commercialisation. Une panique dont la conséquence est l’augmentation par ricochet des prix sur tous les produits. Puisque tout produit est soit fabriqué, soit transporté par des engins consommant du pétrole.

Il faut dès lors féliciter les pays qui ont compris le jeu de la monnaie américaine et qui gèle le prix du pétrole lorsque le dollar chute et n’attendent que la vraie augmentation du prix du baril pour intervenir. C’est le cas des pays de l’Occident et de certains pays de l’Afrique, tel que le Burkina Faso, le Bénin, l’Afrique du Sud pour ne citer que ceux là.

Si le prix du pétrole était fixé en Euro, les pays de la zone CFA, au lieu d’augmenter le prix à la pompe, allaient le revoir à la baisse à chaque fois que l’étiquette du baril change suite à la simple chute du dollar. En voici la preuve. En janvier 2008, le dollar valait environ 500 CFA. A cette époque, le baril coûtait environ 90 dollars, soit environ 45000 CFA. Actuellement, le dollar vaut seulement environ 418 CFA, pendant que le baril est à 110 dollars, soit environ 45980 CFA. En faisant une différence de coût, nous obtenons 980 CFA soit environ 2 dollars. Ce qui signifie que de Janvier 2008 à maintenant la vraie augmentation du prix du pétrole brut est seulement d’environ 2 dollars nominaux, et qu’une fluctuation injustifiée de 18 dollars est infligée aux consommateurs.

Maintenant, prenons une échelle d’observation plus large. En janvier 2007 (il y a plus d’un an), le dollar valait 520 CFA et le baril coûtait environ 50 dollars, soit environ 26000 CFA. A la date du 14 mars 2008, le dollar valait environ 418 CFA, et le baril du brut 110 dollars, soit environ 45980 CFA, la variation de coût étant d’environ 19980 CFA. Si l’on suppose que le dollar a gardé sa valeur depuis 2007, cela équivaut à 38,5 dollars d’augmentation. Ainsi, normalement et cela au pire des cas, le brut du pétrole devait coûter moins de 89 dollars.
Si donc nous remontons dans le temps, nous rendrons compte que le prix du pétrole aurait pu être contenu. Mais puisque volontairement ou involontairement tout le monde a joué le jeu, tous, nous sommes tombés dans le piège.

Comment ?

Lorsque le dollar chute, l’américain paye le pétrole avec plus de dollars ; ce qui est normal. Mais l’information mal reportée par les médias crée tellement de confusion que l’on a l’impression que le « héro pétrole » venait de terrasser le dollar et toutes les monnaies avec. Or en réalité seul le dollar est concerné. Mais comme l’effet est psychologique, le fait de dépenser un nombre plus important de dollars laisse croire que l’on dépense plus en valeur aussi. Par conséquent, on fausse la mesure en répercutant la fausse valeur sur le coût de revient des produits et marchandises depuis le maillon de distribution du brut, jusqu’à la vente en passant par la production.

L’augmentation du prix à la pompe et des marchandises entraîne automatiquement celle du coût de transport puisque les transporteurs recalculent aussi leurs charges. L’augmentation du transport va induire le coût des intrants et des consommables de production du pétrole ainsi que celui de la livraison du pétrole dans les destinations éloignés. Tout se passe comme si l’on était dans un cercle vicieux où la petite augmentation créait une autre augmentation et ainsi de suite. Puisque les pétroliers eux-mêmes qui consomment un peu plus chers les intrants, les consommables et même leurs aliments vont répercuter les frais dans le prix de vente du brut !

Le payeur

Dans tout cela, c’est le consommateur final qui paye. Car les autres acteurs tentent chacun dans sa partition de récupérer les charges induites en les répercutant sur le coût de ses services ou de sa production. Le consommateur final qui n’a sur quoi répercuter les charges devra les supporter amèrement sans que personne puisque expliquer la nécessité aux entreprises et à l’Etat de les racheter par une augmentation de salaire ou d’aide sociale. Quand je pense que je suis du groupe des consommateurs finals, je ne peux que me sentir malheureux, en espérant qu’un jour les gens sauront faire la part des choses entre perte de valeur du dollar et augmentation réelle du prix du pétrole.

Patrice Zombré,
Dakar.

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