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Rêver d’une démocratie « consensuelle »

Publié le mardi 25 mars 2008 à 06h02min

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Le modèle de démocratie que l’Occident a donné aux Etats africains naissants, je le nommerai volontiers "démocratie représentative partisane de type majoritaire". Ce modèle est le fruit d’une longue histoire et de conquêtes progressives des peuples d’Occident qui ont trouvé pour eux, le modèle le moins mauvais pour vivre ensemble, qui respecte leurs sensibilités et leur sociologie.

Mais ce modèle, sans doute aussi parce qu’il a été mal "appliqué", ne correspond peut-être pas à ce que nous sommes ici et ne semble pas non plus être l’instrument le plus adapté pour résoudre nos crises.

Car crise il y a aujourd’hui, dont il faudrait sortir « par le haut », avec les efforts de tous ; en évitant toute situation de violence, de coup d’Etat, de rébellion ou d’Etat d’exception dont les fruits sont toujours amers et tendent à amplifier les blessures et les clivages de toute nature.

Le gouvernement actuel l’a bien compris, qui s’est mis soudain à « consulter » tous azimuts et dans la précipitation les religieux, les coutumiers, les syndicats, les partis, les associations de consommateurs… et sans doute d’autres aussi.

Prise de conscience soudaine que les seuls « partisans » (membres du parti majoritaire) au pouvoir ne peuvent avoir seuls les clés du défi formidable qui nous est lancé.

Prise de conscience soudaine que le parti majoritaire (qui ressemble très fort aujourd’hui au parti unique d’hier) éprouve les limites de son monopole sur la vie de la cité.

Prise de conscience soudaine que les députés ne représentent plus très bien les aspirations des populations qui sont censées les avoir envoyés à l’assemblée

Prise de conscience que d’autres forces vives de la société pourraient, elles aussi, être invitées sous l’arbre à palabres pour envisager ensemble les solutions aux problèmes qui nous concernent tous.

"Ensemble", "arbre à palabres", "tous", "consensus", voilà des mots qui pourraient sans doute nous aider à refonder d’une autre manière la "démocratie" héritée de l’Occident. Il y a des chemins qui, pour nous, en Afrique, conduisent à des impasses : "majorité" qui gouverne, "minorité" qui est exclue, alors que toute notre vie est construite sur le "consensus". La notion de "parti politique" n’est pas de chez nous, même si des groupes de pression existaient pour la conquête du pouvoir. On choisissait une personne (un « chef ») et c’est un groupe autour de lui qui aidait à construire le consensus… Parfois il n’y avait même pas de « chef ». C’est un groupe qui veillait au consensus.

Il y eut une époque où ont existé un peu partout en Afrique des « conférences nationales » qui ont essayé – avec plus ou moins de bonheur – de rechercher ce consensus. Les dirigeants en place ont souvent empêché leurs travaux de s’inscrire dans la durée, mais elles furent des essais intéressants d’une réflexion politique menée « autrement », et à mon avis, plus proche de la méthode consensuelle à laquelle nous sommes habitués, que de la méthode majorité/minorité qui engendre une perte d’énergie sans fin et exclut de la gestion de la cité quantité de bonnes volontés et de vraies compétences (qui sont tentées alors de fuir à l’étranger).

Les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui n’exigent-ils pas que nous y associions toutes les forces du pays pour les relever ? Des défis pour lesquels il faudrait, avec lucidité, voir ce qui dépend de nous (gouvernance, égalité et solidarité, répartition des richesses de la nation, politiques agricoles…) et ce que nous avons à affronter ensemble et qui dépend moins de nous (renchérissement des matières premières, de la nourriture, de l’énergie ; baisse du dollar et hausse de l’euro,…).

Les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui n’exigent-ils pas que soient refondées nos "démocraties" pour que toutes les forces de notre pays puissent s’atteler à trouver ensemble des solutions ? Et que des moyens nouveaux, audacieux, à la hauteur des enjeux puissent être inventés.

Pour cela, il faut sortir définitivement des logiques partisanes : politisation par le parti majoritaire de tous les aspects de la vie nationale ; jusqu’aux communes dont 70% des maires ne sont pas résidents ; même dans l’Administration et dans certains projets de développement ; même dans la gestion de l’Etat ; le judiciaire, le législatif et l’exécutif ne sont-ils pas trop confondus aujourd’hui et marqués, eux aussi, par cette logique partisane ? Trop de compétences, trop de forces vives sont exclues aujourd’hui.

Pour cela, il faut sortir définitivement des logiques partisanes et oser appeler à un vrai consensus ; déjà des chefs coutumiers souhaitent s’affranchir de cette politique partisane, des voix s’élèvent pour des listes non partisanes aux élections, d’autres voix encore s’élèvent pour une union sacrée de tous les citoyens pour refonder nos institutions et notre gouvernance, sans haine, sans violence, avec lucidité et tous ensemble.

Oser une démocratie plus conforme à nos cultures, où tous trouvent leur place, où les mots « ensemble », « arbre à palabres », « tous », « consensus » nous aideront davantage à trouver notre chemin.

Père Jacques Lacour
BP 332 Koudougou
jacqueslacourbf@yahoo.fr

Le Pays

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