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Grève du 15 mars : Un show mal venu

Publié le mardi 25 mars 2008 à 05h57min

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Le 15 mars, le mouvement syndical et certains partis politiques ont défilé dans les rues du Burkina pour protester, disent-ils, contre la vie chère au Burkina. Après les manifestations des 20 et 28 février derniers que les mêmes ont du reste réprouvées même s’ils reconnaissent leur légitimité, à quoi rime une telle attitude ?

Les rues de la capitale Ouagadougou ont connu une grande animation le 15 mars avec la marche des Syndicats et de certains partis d’opposition contre l’augmentation des prix des produits et la baisse du pouvoir d’achat. En telle circonstance, plutôt que la solennité l’emporte sur le festif, on a assisté à un défilé rythmé par des chants tout au long du trajet et certains de se demander comment des gens qui disent avoir faim peuvent avoir une telle joie de vivre.

Devancés par la rue, avec les manifestations des 20 et 28 février qui se sont soldées par des actes de vandalismes ayant entraîné des arrestations, les syndicats, qui ont condamné par la bouche de leur président du mois, El hadj Mamadou NAMA, ce comportement anarchique et incontrôlé, semblent par cette marche du 15 mars qui est venue comme un cheveu dans la soupe vouloir tout simplement montrer aux uns et aux autres qu’ils sont la force organisée à même de porter les aspirations et revendications des masses. N’est-ce pas pour leur survie d’ailleurs dangereux que la rue qui leur reproche le peu d’égard accordé aux vrais problèmes des populations au profit de considérations politiciennes leur damme le pion en faisant fi de leur existence ? En tout cas, la marche s’est déroulée et bien encadrée, on a pu éviter les débordements. L’observateur ne manquera cependant pas d’être étonné lorsqu’en lieu et place de slogans prioritairement fustigeant la vie chère, s’invitera autre chose.

Le mélange de genres …

La longue liste des revendications énumérées par le mouvement syndical ressemble à un cahier de doléances du 1er mai : « Augmentation des salaires, examen des dossiers pendants, relèvement des pensions de retraite, baisse des prix des produits pétroliers, etc. ». Pour botter en touche, on demande l’élargissement de ceux coupables de vandalismes et condamnés par la justice. Et comme si c’en n’était pas trop de leur errement, les marcheurs d’un 15 mars introduisent des revendications électoralistes, les candidatures indépendantes lors des élections. De la protestation sur la vie chère on en est arrivé à un véritable mélange des genres, tous les griefs portés contre le pouvoir étant mis sur la balance. Comme si la question de la vie chère n’était plus qu’un simple thème de mobilisation ! D’ailleurs pouvait-il en être autrement quand on sait que la pratique dans le milieu syndical, devenu véritable oligarchie, dégarnit les rangs ?

De plus, le prétexte de la vie chère ne pouvait plus motiver, dans ce laps de temps en tout cas, une telle manifestation d’autant que le gouvernement venait de prendre une batterie de mesures pour pallier le fait. En effet déjà sur les étiquettes des produits en magasins les prix sont à la baisse. Ainsi donc syndicats et partis politiques de l’opposition, comme on le dirait, veulent « manger leur piment » dans la bouche de la vie chère. Le malaise au sein des populations à cause de cette situation est évident et cela semble une manne à saisir par les contempteurs du pouvoir en place pour réaliser leurs projets et se réaliser. Il y a quelques jours, certains appelaient à une refondation de la gouvernance qui implique un remaniement gouvernemental car Blaise COMPAORE, leur « seul interlocuteur » serait entouré de gens qui devraient aller faire valoir leur expertise ailleurs que dans un gouvernement.

Et voilà que les syndicats embouchent la même trompette, voulant après cette marche du 15 mars, marquer le pouvoir aux côtes en observant deux jours de grève. On le sait, l’occupation du terrain est une technique de pression. Afin de maintenir la presse sur le gouvernement, ils annoncent dans la foulée une grève générale les 8 et 9 avril prochains en vue de la satisfaction intégrale de leur plate-forme revendicative sur la vie chère au Faso. Mais est-il judicieux de mettre au chômage ne serait-ce que pour 48 heures un des facteurs de production qu’est le travailleur tout en revendiquant des augmentations de salaires au moment où le gouvernement se démène bon an mal an pour redresser le système de collecte d’impôts et de textes douanières truffés de « bleus » ? Sans présager de l’ampleur de l’action, il est clair que toute machine a besoin de toutes ses composantes pour bien fonctionner. Toute raison gardée, les Burkinabé doivent se solidariser dans cette période difficile marquée par la conjoncture internationale.

… L’option désastreuse !

La mise en place de la coalition contre la vie chère annoncée le 15 mars fait partie de ces faux pas qui ne peuvent pas être porteurs de fruits dans un système républicain. Le mouvement amorce un virage dangereux et il serait utile que les meneurs se ressaisissent afin de ne pas jouer le jeu d’apprentis sorciers politiques tapis dans l’ombre. On sait ce que le collectif est devenu au fil des ans alors qu’on ne parlait que de justice pour notre confrère Norbert ZONGO.

Soyons réalistes, la vie chère aujourd’hui n’est pas le propre du Burkina Faso d’autant que la flambée du prix du pétrole, qui a atteint la barre des 110 dollars le baril de brut, fait renchérir partout les coûts de production, de transport, de stockage… des produits. Il faut dire que les efforts consentis par le Gouvernement burkinabè pour ramener les prix des produits de grande consommation à un standard raisonnable sont appréciables. Dans ces conditions, l’idéal voudrait qu’on adopte la stratégie des mousquetaires « tous pour un, un pour tous ». Quelle que soit la volonté du prince qui nous gouverne, ce n’est pas avec une économie faible comme la nôtre qu’on peut infléchir le cours de la vie du monde.

Au lieu de pousser à la manifestation, les Syndicats doivent contribuer à la lutte en amenant leurs membres à changer leurs propres habitudes de consommation. Un changement de nos habitudes de consommation peut être un début de solution. L’autodiscipline, quoi qu’on dise est importante dans l’évolution d’une société. Autrement, la baisse des prix ne résoudra pas tous les problèmes.

Par Ahmed NAZE

L’Opinion

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