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Me Bénéwendé S. Sankara, président de l’UNIR/MS : "Il faut redistribuer les fruits de la croissance économique"

Publié le jeudi 13 mars 2008 à 11h33min

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La problématique de la vie chère est plus que jamais d’actualité au Burkina depuis les récentes hausses des prix des denrées des première nécessité. Maître Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’Union pour la renaissance/ Mouvement sankariste (UNIR/MS), préconise le relèvement des salaires, en adéquation avec la croissance dont parle le gouvernement. Dans les lignes qui suivent, il donne la lecture de son parti sur cette question d’intérêt hautement social.

"L’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS) avait, depuis 2000, tiré la sonnette d’alarme en dénonçant les programmes d’ajustement structurels qui aujourd’hui d’ailleurs nous indiquent la voie des APE. Même si aujourd’hui, dans le cadre de la CEDEAO, ces accords de partenariat économique seront discutés, il reste que de façon congénitale, aujourd’hui, les Etats africains connaissent un regain de tension tout simplement parce que les aspirations auxquelles ils étaient en voie d’attendre sont en train d’être bradées sur l’autel des intérêts d’un libéralisme devenu plus sauvage et très féroce.

De ce point de vue, vous avez vu que même les patrons du FMI sont obligés de reconnaître aujourd’hui que les OMD (ndlr : Objectifs du millénaire pour le développement) ne seront jamais atteints ! Nous l’avions déjà dit haut et fort dans nos discours qu’avec cette politique telle que menée par le pouvoir de la 4e république, on ne pouvait pas véritablement atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. C’est pour vous dire que les options politiques de ce gouvernement nous amènent inéluctablement vers des ruines. Il n’y a pas de politique sociale. Regardez le budget de 2008 ! On parle de 47%, mais la santé et l’éducation n’occupent qu’à peine 21% des ressources. Donc, nos populations sont aujourd’hui confrontées à cette libre concurrence où l’Etat n’a plus un rôle à jouer. Parce que l’option politique du régime de la 4e république, c’est de dire que l’Etat n’a plus ce rôle à jouer. Et si l’Etat n’a pas un rôle de régulateur, il est normal que dans un régime de spéculation, de corruption et d’impunité, où le profil est aiguisé, que le commerçant qui a été à Taiwan, en Chine ou au Japon prendre son riz, alors que le riz du Sourou est à côté, vienne vendre au prix le plus coûtant ! Donc on a cultivé cette mentalité au sein de nos populations et aujourd’hui, le résultat est là : tout est devenu cher. Que faire ?

A l’UNIR/MS, nous avons des solutions. S’il est vrai comme proclamé partout qu’il y a la croissance, il faut relever les salaires en adéquation avec la croissance ! Il faut par exemple réhabiliter la Caisse de stabilisation des prix ! C’est une solution en ce que cela aurait permis la péréquation des prix des denrées de première nécessité. Tout est question de contrôle et de volonté politique. Mais si les mêmes opérateurs qui financent un certain parti veulent faire de l’accumulation de capitaux pour les prochaines élections, le peuple n’aura plus que ses yeux pour pleurer. Et c’est ce que nous dénonçons à l’UNIR/MS. Les dernières mesures prises par le gouvernement pour faire baisser les prix ne sont que de la poudre au yeux !

Quand vous prenez une réduction d’environ 1000 F par rapport à un pouvoir d’achat qui n’existe pas, qu’est-ce que vous pouvez faire ? Et tenez-vous bien, il s’agit de mesures limitées dans le temps : 3 mois. Avec la précaution que le gouvernement a prise surabondamment pour dire que ça ne concerne pas les stocks disponibles, qui sont des stocks qui devraient s’écouler en trois ou en quatre mois, vous comprenez bien qu’il n’y a véritablement pas de réduction des prix, ils sont en train de nous flatter. D’autre part, il faut aller sur le terrain pour voir la disponibilité de ces produits. Est-ce que les commerçants n’ont pas préférer les stocker pour spéculer ? Ce sont là des questions qu’il faut se poser."

Propos recueillis par Paul-Miki ROAMBA


Annouchka Yaméogo (secrétaire nationale chargée de l’Economie et du Développement de l’UNDD) : "Le pouvoir doit aussi agir sur les hydrocarbures"

"A première vue, il y a comme une volonté du gouvernement de prendre le taureau par les cornes. Après l’Opération sensibilisation, la décision d’importation sans taxes de certains produits de 1re nécessité pour une durée de 3 mois et la mise en place d’une Commission nationale du commerce et de la consommation pour examiner les prix des produits, voilà l’annonce d’une baisse immédiate des prix sur un certain nombre de produits. ça corrige le sentiment qu’on avait roulé les Burkinabè dans la farine, avec ce délai de 3 mois pendant lesquels ils avaient tout le temps de mourir 3 fois de faim et c’est tout à fait conforme aux textes sur la Commission nationale de la concurrence et de la consommation qui, malgré le principe de la liberté des prix, prévoit des cas où l’intervention de la puissance publique peut se faire. Mais ces mesures seront-elles à la hauteur des attentes des populations et de nature à juguler la crise ? Nous ne pensons pas.

Tout d’abord, quand on pense à la pénurie des céréales locales qui s’annonce, qui a fait flamber leur prix et qui va encore les faire flamber, on a de quoi être très inquiet : la famine générale risque d’être à nos portes sous peu. Ensuite, ces baisses de prix concernent trop peu de produits, ne sont pas des mesures contraignantes puisque le texte stipule "prix actuels et suggérés" sans compter qu’elles sont techniquement difficiles à mettre en place. Nous avons voulu vérifier de visu si la mesure était appliquée : la boule de savon n° 1 CITEC, qui devait passer de 139 F CFA à 116 F CFA, était vendue ce 10 mars dans une boutique de Paspanga, à 175 F CFA et à 200 F dans une autre boutique voisine ! Mais il faut aussi dire que ce savon, quelques jours auparavant, était vendu à 250 F CFA ! On le voit : les augmentations s’étant faites souvent au double voire bien plus, cette toute petite baisse ne va pratiquement pas aider les ménages surtout que les salaires n’ont pas bougé malgré la croissance tant vantée et en dépit des demandes d’augmentation des syndicats et des partis politiques ! C’est dommage. Au Cameroun, le pouvoir vient d’augmenter les salaires de 15% en plus de la diminution des taxes. Il n’a pas avancé, comme chez nous, l’argument de l’inflation. Ce qu’on a fait au Cameroun, on peut le faire au Faso.

Le pouvoir doit aussi agir sur les prix des hydrocarbures car au moins, la baisse s’appliquera de façon immédiate et partout. Il doit par ailleurs, prendre des mesures radicales et urgentes pour en finir avec les monopoles et les fraudes douanières. Il doit aussi réduire drastiquement le train de vie de l’Etat.

Pour le traitement de la crise sur le plan structurel, évidemment nous restons loin du compte car manifestement, la hausse des prix n’est qu’une goutte d’eau qui est venue faire déborder le vase du mécontentement qui est la conséquence d’une sédimentation de frustrations exprimées sur plusieurs fronts. La refondation est ici la sage option à suivre car elle englobe une concertation inclusive intéressant tous les fondamentaux de notre vie nationale pour donner une meilleure prise pour l’avenir à la gouvernance nationale."

Le Pays

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