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Lettre ouverte à Blaise, Tertius et Roch : "Votre gouvernance est à bout de souffle"

Publié le mercredi 12 mars 2008 à 11h09min

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La solution à la crise de la vie chère doit être structurelle et non conjoncturelle. C’est l’idée phare de la lettre ouverte ci-dessous, adressée par le MPS/Parti fédéral, au président du Faso, au premier ministre et au président de l’Assemblée nationale.

Messieurs,

Les 20, 21 et 28 février 2008, notre pays a été le théâtre de manifestations violentes contre ce qu’il est convenu d’appeler « la vie chère ».

Le gouvernement et certaines personnalités du monde politique et civil, au lieu de saisir le sens profond de ces manifestations, se sont vite lamentés sur leur caractère illégal et violent.

Saisir le sens profond, c’est répondre à la question : pourquoi les populations en arrivent-elles aujourd’hui à exprimer leurs revendications hors des cadres et des procédures légaux, et aussi de manière violente ?

Monsieur le Président, affamez pendant quatre jours « votre lionceau » et vous verrez s’il ne vous attaquera pas violemment lorsque vous tenterez de le caresser comme à l’accoutumée.

Messieurs les Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale, affamez et assoiffez pendant quatre (4) jours vos « chiens allemands » et vous verrez s’ils ne vous mordront pas lorsque vous tenterez de les caresser comme à l’accoutumée.

Votre politique antisociale que subit le peuple depuis déjà plusieurs années, dont la dernière et grave manifestation est la flambée récente des prix des produits, particulièrement ceux de première nécessité, l’a conduit à son dernier retranchement au point qu’il se dit « ou ça passe, ou ça casse ».

Votre responsabilité est donc grande dans le déclenchement des manifestations des 20, 21 et 28 février parce qu’elles ne sont ni plus ni moins que la conséquence de votre politique économique et sociale.

Peut-on affamer, assoiffer, aggraver la maladie d’un peuple et lui demander d’assister pacifiquement à sa mort lente ou violente ?

Un gouvernement censé défendre les intérêts de son peuple a-t-il le droit de sacrifier ce même peuple sur l’autel de la mondialisation libérale à laquelle il prétend être incapable de résister ?

Convoquer des assises nationales

Messieurs,

Les manifestations des 20, 21 et 28 février ont révélé au grand jour et à la face du monde la grave crise socio-économique et politique que vit notre pays, et dont vous ne cessez de nier l’existence.

Dans notre dernière conférence de presse du 31 janvier 2008, soit trois semaines avant le déclenchement des manifestations, nous attirions votre attention sur la crise en ces termes : « Si l’on ajoute cette flambée des prix des produits et l’incapacité du pouvoir à la conjurer, au terrain social et économique délétère préexistant, marqué par la corruption, la gabegie, l’affairisme, l’enrichissement illicite, au dernier classement du PNUD (176e /177) qui nous rappelle ce rang stagnant du Burkina depuis bientôt une dizaine d’années, aux appels et prières incessants des religieux et autres pour la paix, il apparaît évident que notre pays vit une crise socioéconomique et politique latente. Cette crise a comme socle, comme lit, une crise de la démocratie dans notre pays. »

Et comme solution à la crise, nous demandions au chef de l’Etat d’avoir le courage de « convoquer les assises nationales des forces vives de la Nation pour la refondation démocratique ».

La crise actuelle est structurelle et non conjoncturelle. Sa solution doit être donc structurelle et non conjoncturelle.

La « vie chère » n’est qu’un « pan », une facette de la crise. La flambée des prix des produits de première nécessité n’est qu’un « pan », une facette de la « vie chère » elle-même.

Ce ne sont donc pas des mesures conjoncturelles, provisoires telles que la suppression de taxes pour trois mois ou la baisse insignifiante des produits alimentaires qui résolveront la question de la vie chère, encore moins de la crise nationale.

La vie chère, c’est aussi la santé, c’est aussi l’école, c’est aussi le logement, c’est aussi l’eau, c’est aussi l’électricité, c’est aussi le transport, c’est aussi la liberté, c’est aussi le travail libérateur, c’est aussi ...

Monsieur le Président du Faso,

Monsieur le Premier ministre

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Président du CDP,

parti majoritaire,

Ayez une lecture profonde des manifestations violentes des 20, 21 et 28 février ; interprétez-les comme le prolongement des manifestations violentes de 1998 consécutives à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, des manifestations violentes de 2006 contre la chaîne des Kundés, accusée à tort ou à raison d’être responsable des têtes et membres humains coupés qui jalonnaient les quatre côtés de Ouagadougou, les manifestations violentes des militaires de décembre 2006 qui ont mis en état de siège et « sans autorisation » la capitale pendant 72 heures.

Notre peuple a perdu confiance aux institutions de la République quant à leur volonté ou leur capacité à résoudre leurs problèmes, à répondre à leurs aspirations :

que vaut aux yeux du peuple et de sa jeunesse un gouvernement incapable de leur assurer leurs besoins élémentaires tels que l’eau, la nourriture, la santé, le logement et l’éducation, pendant que dans le même temps une minorité s’enrichit de sa politique ?

La refondation démocratique comme solution

Que vaut aux yeux du peuple une Assemblée de députés censés être les porte-parole de ses préoccupations, incapable d’exprimer leur souci telle que la cherté de la vie ; une Assemblée qui augmente d’année en année, de législature en législature son propre train de vie pendant que celui du peuple mandant stagne ou décroît à une vitesse exponentielle ?

Que vaut aux yeux du peuple et sa jeunesse une justice prompte à juger au nom du flagrant délit les casseurs de feu rouge, les voleurs de poulets pendant que les dossiers de crimes importants sont pendants devant elle, ou dorment dans leurs casiers depuis des années ?

Que valent les services publics pour des jeunes en chômage, désoeuvrés, qui ont faim et soif, qui dorment dans la rue pendant que certains citoyens étalent à leurs yeux leur richesse, leurs « avoirs » ?

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Président de l’Assemblée et du CDP,

Votre gouvernance est à bout de souffle et le peuple est à bout de souffle. Nous sommes dans une situation de crise nationale dont la solution est la refondation démocratique.

La lutte contre la vie chère passe à nos yeux par les mesures suivantes :

1 °) La fixation et le contrôle strict des prix des produits de première nécessité ;

2°) L’augmentation des salaires des travailleurs de 20% ;

3°) La gratuité des soins d’urgence, des soins dans les écoles et universités ; des soins pour les retraités et pour les malades de VIH-SIDA ;

4°) La gratuité de l’école jusqu’à 16 ans dès la rentrée prochaine et sur toute l’étendue du territoire national ;

5 °) La restauration des bourses au secondaire et à l’université, indexées au coût de la vie et sur la seule base de critère social.

En tout état de cause, notre parti rend votre régime et votre pouvoir responsable de la crise actuelle.

Il exige la libération de tous les citoyens arrêtés lors des manifestions des 20, 21 et 28 février.

En tant que parti de gauche socialiste, il appuiera toute action, toute lutte contre la vie chère et contre le libéralisme sauvage et ravageur.

Démocratie, Travail, Justice sociale.

Ouagadougou, le 10 mars 2008

Pour le Bureau politique national

Le Président

Docteur Pargui Emile Paré

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