LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Organisation de la Conférence islamique : Une force insuffisamment exploitée

Publié le mercredi 12 mars 2008 à 10h32min

PARTAGER :                          

Depuis le début de la semaine, Dakar est la capitale de la Oummah (communauté) avec les rencontres préparatoires du 11e Sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Avant la rencontre au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la soixantaine de pays membres les 13 et 14 mars, les experts, puis les ministres des Affaires étrangères ont, comme c’est de coutume sur le continent et pour ce genre d’événement, déblayé le terrain et apprêté les dossiers à débattre.

Avec ce sommet, l’OCI se trouve tout d’un coup sous les projecteurs de l’actualité comme une organisation qui vient d’être créée. Pourtant, elle a été portée sur les fonts baptismaux le 25 septembre 1969 ! Il est un fait qu’en dehors des sommets, on entend (très) rarement parler de cette organisation basée à Djeddah en Arabie saoudite et qui regroupe des pays de plusieurs continents ayant la religion musulmane comme dénominateur commun.

En effet, ils ne sont pas nombreux les gens ordinaires qui connaissent grand-chose de cette organisation comme ils en savent de l’ONU, de l’Union européenne ou, dans une certaine mesure, de l’Union africaine. Combien connaissent par exemple le nom et la nationalité de son secrétaire exécutif, le pays qui abrite le siège ? C’est dire que l’OCI existe depuis bientôt 39 ans mais reste paradoxalement peu connue, en tous cas sous les tropiques. Mais ce n’est pas faute d’être inactive, futile ou une coquille vide. Elle a bien fait la preuve de son utilité en finançant par exemple (et continue de le faire) des projets de développement dans les pays pauvres. La Banque islamique de développement (BID), un des organes de l’OCI, est paradoxalement plus connue que la structure-mère sans doute pour sa particularité qui est de faire des prêts sans taux d’intérêt, conformément aux prescriptions religieuses. D’ailleurs, très peu de gens savent que la BID relève de l’OCI au même titre par exemple que la BCEAO ou la BOAD qui sont des organes de l’UEMOA.

Quelle peut bien être donc la cause de cette absence de notoriété d’une organisation qui regroupe plus d’un milliard d’individus et tire aussi vers ses 40 ans ?

La situation pourrait s’expliquer par la nature même de l’organisation qui s’occupe beaucoup plus de science, de culture, de religion. On a très rarement entendu l’organisation prendre des positions sur des questions politiques brûlantes. Ainsi, n’avons-nous pas souvenance d’une quelconque condamnation par l’organisation, de l’attitude d’Israël contre le peuple palestinien, victime d’attentats ciblés de ses leaders nationalistes, de bombardements à l’aveuglette ou encore de blocus inhumains. Nous ne nous souvenons pas non plus avoir entendu la voix de l’OCI dans le concert de protestations par rapport à l’amalgame fait entre islam et terrorisme par Bush dans sa croisade contre le terrorisme aux lendemains des attentats du 11 septembre 2001. Silence radio également sur des sujets préoccupants comme les caricatures du prophète par certains journaux du Nord, le port du voile à l’école, etc.

Pourtant, c’est un truisme de dire que l’OCI est une force avec laquelle il faut compter. En effet, elle compte en son sein des monarchies pétrolières fortement courtisées par les puissances occidentales et savent se faire entendre, se faire respecter d’elles. Pourquoi donc une organisation de cette envergure ne se fait-elle pas entendre sur des problématiques majeures au centre desquelles se trouvent parfois ses membres ? Faut-il mettre cela sur le compte de l’éternelle division des musulmans qui n’arrivent toujours pas à parler d’une seule voix et ferait de l’organisation une force sous-employée ? Ou bien faut-il voir en l’OCI une espèce d’organisation de charité par le biais de laquelle les riches citoyens arabes s’acquittent de leur zakat (aumône religieuse) qui est investie dans les pays pauvres ? Si c’est le cas, le temps est venu de changer cette vision qui s’apparente à de la condescendance.

Il se pose donc une nécessaire mutation, une refondation de l’organisation pour faire entrer dans son champ d’action la politique qui semble avoir été délaissée à la seule Ligue arabe et autre Union du Maghreb arabe. L’OCI doit aussi avoir une vocation politique. Sans doute que les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour demander ce recentrage seront entendues au sommet de Dakar. Sous cet angle et comme un signe des temps, Abdoulaye Wade, l’hôte du sommet, fait tout pour que le Tchad et le Soudan signent à l’occasion de ce mega-sommet un accord de paix. Cela inspirera-t-il l’organisation sur la nécessité de dégager un socle politique minimal ? Il faut le souhaiter, pour tempérer la tendance du monde à l’unipolarisation.

"Le Pays"

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique